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La
revue francophone d'ethnopsychiatrie |
avril
2001 |
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Ethnopsy/Les
mondes contemporains de la guérison
Les empêcheurs de penser en rond désormais édités par Le Seuil Paris |
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Numéro
2 : drogues
et remèdes |
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Nouvelle Toute nouvelle La toute nouvelle revue d'ethnopsychiatrie Jamais lasse de nouveaux voyages Toujours à la pointe de la réflexion |
Tobie Nathan et Philippe Pignarre |
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sommaire : | |||
Tobie
Nathan : Fonctions de l'objet dans les dispositifs thérapeutiques |
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Résumés: | |||
Fonctions de la chose et de lobjet dans les dispositifs thérapeutiques | |||
par Tobie NATHAN Si lon définit la psychothérapie comme lart du maniement technique de linfluence, alors on peut étudier les psychothérapies " savantes " comme un cas particulier dun ensemble de pratiques en usage dans le monde, destinées à modifier les personnes, les groupes et les situations, à partir dune procédure technique. Le terme " thérapeutiques " peut alors être précisé : tout dispositif construisant la vérité en référence à des objets du monde sensible, objet pris dans son sens le plus banal. La principale fonction des objets est de démontrer la pensée théorique des thérapeutes. Le changement ne peut sopérer que le long de la ligne de fuite dun devenir, un devenir ici humain, vers de lhétérogène, la plupart du temps, du non-humain. Cette ligne de fuite se dessine grâce à lapparition dune " chose ", à prendre ici au sens dun être à la nature imprécise, qui produit ce que lon observe, et qui capture celui qui sen approche. Le travail thérapeutique consistera donc à approfondir la connaissance de la chose. Lexistence dobjets techniques a pour conséquence évidente de rendre la relation thérapeute-patient opératoire, mécanique, dévacuer compassion et sympathie. Dans les dispositifs thérapeutiques, lobjet a pour principale fonction de permettre à la théorie spéculative de se développer, de se démontrer et de répandre par contagion. Lobjet présente une double garantie : il oblige le thérapeute à faire le pari de lintelligence du patient ; et il permet au patient de situer avec précision la théorie de son thérapeute. A chaque mise en uvre dune procédure thérapeutique, le thérapeute déploie la totalité du devenir métamorphosique quelle propose. Si la thérapie constitue une aventure intellectuelle, un pari pour le patient, pour le thérapeute, un engagement à mobiliser la chose au profit du patient, alors les conséquences du consentement du patient peuvent se rapporter à trois lignes de tension : vers la réussite dune métamorphose impossible, avec lespoir dun surplus de savoir et dimagination, une amélioration de son état ; vers la compréhension et la maîtrise dune pratique, le maniement expert dobjets techniques et de méthodes ; vers son agrégation à lunivers du thérapeute selon des degrés : apprentissage, initiation, conversion.
Mots clefs: Techniques thérapeutiques, influence, théories, objets, chose, devenir humain, devenir hétérogène.
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De la notion de réseau à celle dattachement | |||
par Bruno LATOUR Lauteur poursuit son exploration des limites conceptuelles dune pensée nommée " faitiches ", quil définirait comme résultant à la fois des faits et des fétiches, amalgame du redoublement de la langue française de lexpression " faire faire " et du travail de fabrication humaine, qui ne seraient ni fait - objet dun discours positif de vérification, ni fétiche - objet dun discours critique de dénonciation. Plusieurs obstacles conceptuels se dressent devant cette pensée des " faitiches ", logiques, théologiques, politiques. Les sciences sociales explorent habituellement une partie du concept dattachement, mais sous forme dune répartition particulière entre acteur individuel et structures de la société, reprenant à leur compte lidéal moderniste dun sujet sans attache, en terme de liberté ou daliénation. Lauteur propose donc de sintéresser, non pas aux individus et aux sociétés, mais à la multitude de ce qui les fait agir, une sociologie des moyens, des médiations, des attachements, soit des " faitiches " : les sources mêmes dattachement, cest à dire la prolifération des objets, des biens, des êtres, des techniques. Il ne suffit pas pourtant de distribuer les sources de laction entre tous les médiateurs, tous les agissants, toutes les spécificités qui vont concourir à la mise en mouvement. Encore faut-il modifier la nature de cette action, telle est la limite de cette notion de réseau : le réseau distribue laction entre tous les actants, mais ne permet pas de revenir sur la définition de laction elle-même. Pour comprendre la mise en mouvement des sujets, leurs émotions, leurs passions, il faut donc se tourner vers ce qui les attache et les met en mouvement. Explorer les réseaux dattachement devrait permettre de conserver leffet de distribution du réseau, mais de refondre entièrement la nature et la source de son action. Reste encore à qualifier ces différents types dattachement. Mots clefs: Attachement, sociologie des réseaux, faitiches, faire-faire, action, réseaux dattachement |
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Quest-ce quun psychotrope ? psychothérapeutes et prescripteurs face aux mystères de la dépression | |||
par Philippe PIGNARRE Avec lexemple de la dépression et de linvention des antidépresseurs, lauteur démontre que les concepts de la psychiatrie biologique ont radicalement modifié les liens sociaux. Il rappelle que les antidépresseurs, tout comme les autres psychotropes, se définissent, non pas par la biologie qui ne peut être que prédictive des comportements pathologiques, mais dans le champ du social, cest-à-dire leurs capacités à fabriquer des groupes de patients de plus en plus larges : le biologique nexiste en tant que tel que par la vérification sociale, et le social reçoit sa force ultime par le biais dune opération chimique. Labsence de témoins fiables en pharmacologie des psychotropes lui permet de rediscuter de larticulation théorique entre psychotropes, psychothérapies, prescripteurs et psychothérapeutes. Linventivité serait, non pas dans lobservation et le classement des troubles mentaux, ni même dans le repérage de témoins fiables pouvant constituer de bons outils diagnostiques ou de tests pharmacologiques sur animaux, mais dans labondance de nouvelles molécules, dont les essais cliniques ne détermineront quultérieurement si elles ont une utilité sociale. La seule différence active entre psychotropes et psychothérapies est donc relative à linvention, linnovation permanente, et non à létiologie des troubles mentaux. Le seul point commun entre les psychotropes et les psychothérapies pourrait donc se formuler à partir de cette proposition : " soigner, cest modifier ". Linstabilité et lartificialité de lenracinement biologique et psychique des troubles mentaux permettraient alors dinventer de nouveaux dispositifs de soins, caractérisés par la multiplicité de la clinique, des références, des devenirs. Mots clefs: Antidépresseurs, dépression, méthode ethnopsychiatrique, psychotropes, psychothérapies, témoin fiable, laboratoire du double insu, essais cliniques, groupe de patients |
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Objets perdus. Matérialiser et dématérialiser linconscient de Charcot à Freud | |||
par Andreas Mayer Selon les règles de la technique psychanalytique telles quelles ont été établies par Freud, et pour permettre de faire parler linconscient, la présence dobjets dans le cabinet de consultation nétait pas autorisée. Pourtant, à travers plusieurs études de cas présentées par lauteur, les objets étaient souvent évoqués pendant les séances. Le fait que la présence de ces objets en situation psychanalytique soit dissociée des interprétations théoriques sera relégué à la préhistoire de la psychanalyse. Lintention de lauteur est de conceptualiser cette " dématérialisation " prenant place dans le changement de position de lhypnose à la psychanalyse. Lhistoire de lévolution de linconscient montre que les notions dobjet et de sujet renvoient à des ontologies sociales et matérielles différentes. Lauteur établit une distinction entre différentes formes dinconscient, non pas dun point de vue théorique, mais à partir dune analyse de la promotion et de la diffusion du concept dinconscient, par les différentes théories, que ce soit dans les activités cliniques ou expérimentales. Mots clefs Hypnose expérimentale, histoire
de la psychanalyse, objets, fétichisme. |
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Du Changshan à la mise au point dun nouveau médicament contre la malaria | |||
par Sean Hsiang-lin Lei Lauteur propose danalyser le cas du Changshan, nouveau remède contre la malaria dans les années quarante, comme prétexte à létude du " Programme de Recherche Scientifique sur les médicaments de production nationale " mis en place dans les années 30 à Shanghaï par les médecins chinois de formation occidentale, par opposition à des remèdes chinois, issus de théories médicales chinoises. Il montre que le Changshan, et les remèdes chinois de manière plus générale, loin dêtre de simples matières premières, sont des objets fabriqués, créés par une longue pratique qui prend sens dans le réseau technico-social formé par les médecins chinois. Le processus de " découverte ", détude scientifique, du Changshan est un processus de constriction de la circulation en réseau, grâce auquel les médecins de formation occidentale ont détaché le Changshan de ses réseaux chinois traditionnels hétérogènes. Tant la nature matérielle que la conceptualisation du Changshan ont subi des changements considérables, stabilisés par des techniques et des pratiques modernes, et inclus dans un nouveau réseau homogène et clos. Mots clefs: Changshan, malaria, réseaux, médecine occidentale |
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Psychopharmacologie et psychose naissante | |||
par Henri GRIVOIS
Selon lauteur, on peut définir la psychose comme la folie universelle, schizophrénique aux USA, psychotique en France, maladie opaque, incertaine, fuyante, dont le fer de lance reste les neuroleptiques. Lidée dun événement inaugural de la psychose a disparu au cours du 19ième, avec le développement de la chronicité en psychiatrie. Cette absence de début identifié va dans le sens du pessimisme qui enveloppe la psychiatrie des psychoses. Constatant une pratique psychiatrique centrée autour de la sédation longue et massive des patients en situation durgence, lauteur expose son choix clinique de rencontrer les patients dès le début du premier épisode, sous sédation neuroleptique adaptée qui laisse la possibilité dun dialogue avec le patient, dune explicitation des troubles méritant un effort de cohérence de la part tant du psychiatre que du patient. Lobjectif thérapeutique du premier entretien est dinciter les patients à réfléchir sur leurs liens avec leurs semblables, sur la cohérence apparemment dapparence insaisissable de leurs comportements, revenir sur cette expérience initiale, en explorant avec eux le concept de centralité, conçu comme une erreur dattribution des intentions, des actions, des pensées. Sil existe au début des troubles une incompatibilité entre psychose et langage, traduit par le mutisme, il existe aussi un invariant clinique de lentrée en psychose. La dimension phénoménologique de cette expérience se développe par phases qui se chevauchent, et la coexistence de symptômes variés masque cette séquence. Lauteur sappuie sur lun des modèles théoriques de la socialisation et de linteraction continue, dont la régulation habituelle est constituée de mécanismes sensori-moteurs subliminaux. Ce sont les transformations de ce système de réciprocité qui engendreraient lexpérience de lentrée dans la psychose. Mots clefs: Psychose naissante, neuroleptiques, phénoménologie, centralité, délire |
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A propos des usages rituels de psychotropes hallucinogènes (substances, dispositfs, mondes) | |||
par Julien BONHOMME
Lauteur réinterroge quelques uns des concepts de lanthropologie, la culture et son déterminisme, le rite et son efficacité symbolique, la technique et son efficacité physique. Il montre, à laide dexemples dutilisation de substances, quil serait réducteur de théoriser lexpérience hallucinogène selon les lignes de partage de la biochimie, de la psychologie, et de la sociologie. Définissant le dispositif hallucinogène comme lensemble des observables les substances psychotropes, mais aussi les techniques, les pratiques, les expériences, les croyances, les acteurs et les objets, il préconise une étude globale, contextuelle, dénuée de tout ethnocentrisme. Il propose que les usages rituels dhallucinogènes, de manière très générale, constituent des techniques de communication transmettre de linformation, entretenir des relations avec, être en rapport avec, être relié par un passage avec des morts, des divinités, des ancêtres ou un psychisme selon les lieux, et des techniques de connaissances produire du savoir en provenance et au sujet de certaines dimensions de la réalité et de certaines classes dêtres. Les rituels hallucinogènes véhiculent donc des mondes. En un sens, ils constituent un acte de métacommunication : ils indiquent et instituent tout à la fois la situation de communication, contexte singulier où lénonciateur humain nest pas à lorigine de la parole. Lexpérience hallucinogène rituelle peut ainsi faire lobjet dune description phénoménologique selon trois modalités : la modification du rapport au monde perçu (perception), du rapport à soi (intentionnalité), du rapport aux autres (communication). Les rituels hallucinogènes, en tant que pratiques cognitives, impliquent les théories de la connaissance (ontologie et épistémologie), et les théories de la personne humaine (âme, double, corps, force de vie, sorcellerie, intentionnalité, etc. et leurs rapports entre eux). Mots clefs Substances psychotropes hallucinogène, rituels, techniques de communication, techniques de connaissances, mondes |
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Les ivresses de Lalla Hlayqia | |||
par Olivier RALET
Le vin, remède ou poison ? péché ou privilège ? La vieille marocaine, tenant salon ouvert à lombre dun figuier, drôle, effrayante, bonne et redoutable, finaude et béate, moitié sainte folle - majdouba, moitié sorcière, avec ses talents de conteuse - Hlayqia, avait lart demmêler les fils des versets du Coran - les paroles du Prophète, avec son intime expérience de la sagacité populaire. La stratégie de largumentation reposait toute entière sur lexcès ou lascèse, et devant son auditoire fasciné et interrogateur, elle se permettait, à laide des versets appropriés, de défendre la nature équivoque du vin, tour à tour nourriture excellente ou uvre du démon, fustigeant amèrement les docteurs de la loi, qui transforment ces mêmes versets en lois, règles et conduites, par une brutalité désolante et des coups de force politiques : en confondant les restrictions sur le vin et linterdit sur le hallouf (le cochon), elle prétendait quils niaient la subtilité du Livre. Heureusement, les jurisconsultes némettent que des avis dont les murs et coutumes ne se soucient pas trop, incarnant là une compréhension du Livre plus fine, en tout cas, plus pragmatique ! Et à lheure du soleil couchant, la discussion publique se perdit dans les pressants appels à la prière du muezzin.
Mots clefs Maroc, vin, péché ou nourriture, loi, verset du Coran, débat public |
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Dans le monde ou dans le corps ? Le pari de William James | |||
par Vinciane DESPRET
Les théories sociologiques et anthropologiques des années soixante sur le concept démotion se sont construites en réaction au modèle somatique de William James (1903), pour qui les émotions telles le chagrin, la peur, la rage, lamour nétaient, grossièrement, que des modifications physiologiques quantifiables. Les expériences sur la joie et la colère des psychologues sociaux Schachter et Singer (1962) mettent en lumière la manière dont la sphère sociale serait essentielle à lémotion. Lauteur élargit les résultats sous forme de nouvelles propositions : le malentendu avec James reposerait sur le fait, non que sa théorie suscite une interprétation simpliste de cause à effet, mais quelle invente une nouvelle proposition dexpérience, qui permet de faire exister un nouveau rapport à soi et au monde. James construit une nouvelle expérience pour éprouver la notion " démotion ", qui enrichit le concept, le développe, et qui , en retour, aura une nouvelle action sur le monde. En définissant lémotion comme une expérience indéterminée, James suscite lexpérience de cette indétermination, utilisant lexpérience à la fois comme modèle dappréhension du monde, et comme outils dinduction de lexpérience elle-même. En cela, il propose une base méthodologique à la constitution dune ethnopsychologie des émotions, co-construite par le monde social, les témoins en sciences humaines et le laboratoire. Mots clefs Emotions, théories biologiques, anthropologiques et sociales, expérimentations en sciences humaines, ethnopsychologie. |
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Ethnopsy à lIle de la Réunion | |||
par Jacques Brandibas et Georgyus Gruchet Les auteurs, psychologues cliniciens en CMPP à lIle de La Réunion, constatant que la résistance des patients aux thérapeutiques psychiatriques et médicales les contraints à réviser leurs positions théoriques, ont construit un dispositif thérapeutique moderne sappuyant sur des propositions théoriques issues de la psychiatrie transculturelle. A laide de vignettes cliniques, ils montrent que la thérapie utilise la reformulation de lhistoire familiale et de son mythe. Faire des liens entre passé et présent, mettre à jour des relations et des associations, formuler des hypothèses étiologiques diversifiées dans une logique transgénérationnelle, fonctionne comme autant de leviers thérapeutiques opérants. Les patients sessaient alors à analyser leurs désordres en des termes susceptibles de trouver une place dans lordre du monde réunionnais, cest à dire spécifiquement métissé. Mots clefs: Psychiatrie transculturelle, divinité, mort, ancêtre, thérapie. |
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