EN PSYCHOTHÉRAPIE : MALADES, PATIENTS, SUJETS, CLIENTS OU USAGERS ?
par Tobie Nathan
Conférence prononcée le 12 octobre 2006 au colloque La psychothérapie à l'épreuve de ses usagers. D’abord je voudrais dire mon plaisir à me retrouver parmi vous, avec mes amis, de me retrouver en famille, pour ainsi dire, moi qui viens de loin dans le seul but de vous rencontrer… Je voulais vous attirer l’attention sur l’émotion que j’éprouve ce matin et qui rendra sans doute mon expression hésitante.THÉRAPEUTE
J’aimerais commencer par une remarque liminaire : pour ce que je vais discuter avec vous, tout commence avec le Talmud et, comme vous le constaterez tout à l’heure, tout finit avec le Talmud. Car la première idée que je voudrais vous proposer est une réflexion qui m’a longtemps intrigué. On dit que la pratique de la thérapie, l’art de soigner n’est que le premier niveau de ce qu’on appelle « Cabale pratique », c’est-à-dire la connaissance religieuse appliquée à la vie quotidienne… Travail de débutant que celui du thérapeute, en général réservé aux apprentis, aux jeunes gens, à qui n’est pas encore capable… Travail tout de même, sans doute, mais qui ne serait qu’une sorte d’introduction à la pensée. Et dire que j’ai fait cela durant trente ans… Normalement, avec le temps, j’aurais dû accéder au second niveau, mais je n’y suis pas arrivé… D’ailleurs, je ne sais pas vraiment en quoi consiste ce second niveau. Il m’est seulement resté la question de savoir pourquoi la pensée religieuse juive accorde si peu d’importance à la thérapie, alors qu’à l’Université, on m’a toujours enseigné le contraire — et notamment lorsqu’il s’agit de psychothérapie ! Là l’accès à la thérapie se devait d’être une consécration, le dernier niveau du savoir, l’apothéose. L’on nous enseignait d’abord la théorie et puis, en toute fin du parcours, l’on nous autorisait enfin à agir, à faire. L’on passait donc de l’idée à la matière, dans une sorte de progression qui se voulait logique, de l’abstrait au concret, comme si l’on n’avait pas remarqué que ce sont les mains qui apprennent en faisant ; que le savoir entre bien plus par les yeux que par les oreilles.
QUICONQUEEt puisque l’on se trouve au chapitre des remerciements et des reconnaissances, je voudrais rappeler ma dette envers Isabelle Stengers qui est là à côté de moi, et qui est à l’origine de la seconde idée sur laquelle je m’appuierai pour débuter mon discours. Cette idée, elle l’a proposée dans la préface à un livre que j’ai écrit : Nous ne sommes pas seuls au monde [1]. C’est une remarque au sujet du statut des « quiconques ». Je voudrais la remercier car elle m’a permis de comprendre un peu, non pas le monde, mais simplement ce qu’il m’arrive de penser au sujet du monde. Évoquant les immigrés et la place qu’ils occupent dans nos formulations politiques et sociales, elle soulignait à l’époque (en 2001) l’étrangeté de la cascade sémantique qui, partant de la revendication d’une vie acceptable pour les immigrés nous conduisait inéluctablement à les entortiller dans un statut de « quiconques ». Je la cite, partant du constat que l’ethnopsychiatrie s’intéresse aux immigrés, non pas en tant qu’ils sont des « comme tout le monde », mais en tant qu’ils ont émigré, qu’ils ont été bouleversés, qu’ils se sont distordus, et celà non pour des raisons « qui pourraient arriver à tout le monde », mais pour des raisons « de chez eux » :
« Lorsqu'il s'agit de résister, de refuser, de lutter, le "quiconque" est à sa place, parce qu'à cette place il exige mais n'autorise pas, il constitue un énoncé politique et non pas un énoncé de savoir. Bref, il désigne notre appartenance, ce dont la trahison nous met en effet en péril, ce qui nous oblige. La glissade qu'il s'agit d'enrayer désigne le moment bien connu où le "quiconque" politique devient prémisse pour des conséquences qui, sans crier gare, se retournent contre ceux qui donnèrent ses motifs à la lutte. "Nous t'avons défendu comme quiconque a le droit d'être défendu, nous t'avons enrôlé dans notre histoire, maintenant montre toi digne de ce droit, entre dans ton rôle, accepte de n'être plus ici qu'un quiconque".
Cette possibilité de retournement me semble signaler une véritable faille de la pratique politique, faille dont profitent toutes les opérations de régularisation. De la lutte pour que tous les enfants accèdent à l'instruction, par exemple, au devoir d'acquérir les diplômes sans lesquels on ne vaut pas grand chose ; ou des luttes ouvrières qui ont inventé l'assurance chômage l'on aboutit au devoir, pour les chômeurs, de prouver qu'ils sont "motivés", "méritants", qu'ils font tout pour trouver un travail. » (Ibid, p. 13)
Isabelle Stengers a remarqué l’infiltration de ce « quiconque » dans le contexte des luttes sociales : l’on défend par exemple les sans-papiers — ce qui est un combat on ne peut plus légitime—, on défend les sans-papiers, donc, on s’en va examiner les difficultés concrètes qu’ils rencontrent, on dénonce les conditions de vie inacceptables, les épisodes tragiques qu’il leur arrive de traverser, et puis cela finit toujours par déboucher sur une exigence, un droit : « tout le monde a le droit d’avoir des papiers ». Et puis, d’exigence de régulation en régulation, on finit par transformer ces « sans papiers » en « quiconques »… Fini le Bambara peut-être parti sur la route de l’exil comme l’on partait autrefois, dans son monde, sur les chemins d’initiation ; disparu pour laisser place à « quiconque dans la même situation que lui… » Jusqu’à quel point l’immigré a-t-il conscience d’avoir perdu quelque chose de son être en cours de route ? Quelle est donc cette opération par laquelle on a vidé sa personne de son existence propre jusqu’à la réduire au seul statut de quiconque ?Cette opération, eh bien, c’est une religion ! Ou plus exactement l’un des rites les plus courants d’une religion qui, à mon sens, pourrait le mieux caractériser notre modernité.
USAGERS
Venons-en maintenant à nos associations d’usagers — j’aime beaucoup le mot « usager » lorsqu’il est appliqué aux personnes recourrant à des dispositifs thérapeutiques — je trouve qu’Isabelle Stengers, encore elle, a fort bien posé le problème au début de nos travaux[2] en nous faisant remarquer que le mot « usager » changeait la position de chacun des personnages de la dramaturgie. Il contraint le thérapeute à se percevoir prestataire de services, le patient à se penser consommateur et le corps social à repérer les groupes d’intérêt qui se constituent toujours autour de la distribution des services. En cela, le simple mot « usager » possède en la matière une fonction d’illumination. Mais il n’est certes pas suffisant à lui seul à produire une pensée. Je voudrais vous rappeler en passant que les associations d’usagers existent depuis fort longtemps — sans doute depuis la plus haute antiquité ! Les Bacchantes étaient à n’en pas douter une association d’usagers, regroupant des femmes (sans doute pas seulement des femmes), rassemblées autour de leur recours commun à ce même dispositif qu’était le rituel de Dionysos [3]. Ailleurs, dans d’autres mondes, nous trouvons ce même type de regroupement d’usagers dans des rituels de possession tels que le Ndöp au Sénégal, le Djinadon des Bambaras du Mali, le culte des Zars en Éthiopie ou au Soudan, chez les Gnawas du Maroc, et ainsi de suite[4]. Là, lorsque des personnes tombent malades, l’on postule qu’ils sont « accompagnés ». C’est alors que l’on dira : « cet esprit qui est auprès de toi, celui que l’on veut voir s’exprimer ; peut-être s’agit-il d’un esprit que l’on connaît déjà ou peut-être ne le connaît-on pas encore. Quoiqu’il en soit, il nous faudra l’identifier avant toute chose ». C’est alors que l’on va organiser le rituel selon un principe dont on pourrait voir l’allégorie dans le tableau que vous pouvez voir au fond de la salle
[allusion à la fresque sur le mur du grand amphithéâtre de l’Institut Océanographique de Paris représentant une scène de chasse à la baleine : l’ on y voit un pêcheur sur un bateau harponnant une baleine en pleine mer]
Regardez bien : l’on pourrait commenter le tableau ainsi : les baleines aiment vivre avec les baleines et les marins avec les marins. Le monde est ainsi fait que les baleines n’aiment vivre qu’avec les baleines. Et bien les esprits — je veux dire : les djinns, les zars, les mlouk — se comportent, si vous voulez, comme des baleines. Ils aiment vivre avec les esprits et les humains aiment vivre avec les humains. Alors ce que vous voyez sur le tableau, c’est typiquement la manifestation de la rage du marin qui n’arrive pas à partager la vie des baleines. On pourrait même l’imaginer se disant : « Comment faire ? Puisque je n’arrive pas à vivre avec les baleines, je vais réduire la baleine à sa vie avec les humains »… À de la viande ou même à une baleine — une baleine comme celle que l’on introduit dans son col de chemise… Parce que nous voyons sur ce tableau que la rage du marin qui n’arrive pas à vivre la vie des baleines le conduira non pas à se transformer lui en baleine, mais à réduire la baleine en des éléments qui pourront être partie du monde des humains.
Or, les associations d’usagers dont je vous parlais tout à l’heure, celles qui regroupaient autrefois les Bacchantes ou aujourd’hui les Ndöpkat [5] agissent à l’opposé du chasseur de baleines. Elles proposent aux humains des moments durant lesquels ils vivront la vie des esprits. C’est ainsi que ce type de rituels énonce toujours quelque chose comme : « Pour qu’un esprit se manifeste, il faut le mettre en présence d’autres esprits, puisque les esprits ne se plaisent à vivre que la vie des esprits ». Et comment faire pour mettre l’esprit en présence d’autres esprits — je veux dire : dans une ambiance, une tonalité de vie des esprits ? En lui présentant des personnes qui ont elles-même l’expérience des esprits. Ainsi, les esprits nouveaux, reconnaissant la présence d’autres esprits, se sentant attirés par un monde d’esprits en pleine élation, finiront par s’y manifester. Il s’agit donc bien d’une association d’usagers, mais une association rendue nécessaire par une sorte d’exigence interne. Les possédés anciens doivent régulièrement octroyer une place à l’esprit avec qui ils ont un jour conclu une alliance et les possédés nouveaux ont besoin de la possession des anciens pour attirer, apprivoiser leur esprit, encore timide, encore sauvage. À ceci près qu’ici l’on ne pose pas la question en termes « d’usagers », « d’associations d’usagers » — je veux dire que la conceptualisation n’est pas centrée sur les humains. On décrit le dispositif à partir des êtres qui accompagnent les usagers : des djinns, des rabs, des zars, des mlouk ou des haoukas [6].
Et il se passe cette opération inattendue : parce que le noyau est constitué de non-humains, les humains se constituent sous la pression d’une nécessité fonctionnelle en association d’usagers. Et il s’agit bien d’usagers et non de « malades » car il est très difficile de voir en quoi un tel rassemblement diffère d’un groupement religieux qui se réunit pour honorer sa divinité. Mais si l’on pose seulement la question en termes d’humains, a fortiori d’humains en souffrance, si l’on focalise le dispositif autour d’un besoin ou même d’un désir humain, il y a gros à parier que l’on finira par se retrouver en présence d’un rassemblement de « quiconques ».
MALADES
Pour ce qui me concerne, j’ai traversé trois façons de désigner les patients — trois époques, si l’on veut. Nous avons entendu ce matin toutes sortes de choses très vraies et très profondes. Je voulais vous attirer l’attention sur l’importance de l’intervention de Monsieur Jean Canneva [président de l’UNAFAM[7]]. J’ai connu l’UNAFAM il y a très très longtemps — c’est d’ailleurs ce que je lui confiais en aparté — et c’était bien autre chose que ce qu’il nous a décrit ; ce que, manifestement, cette association est devenue aujourd’hui ! En ce temps là, dans les années ‘70’, ils existait bien une association de patients — ou plus exactement de familles de patients — et une espèce de maître régnait sur cette association. C’était la plupart du temps un psychiatre, en général pharmacologue, dont le discours ressemblait un peu à ceci : « Si vous vous comportez correctement, si vous nous aidez à tenir vos schizophrènes, peut-être trouvera-t-on une nouvelle molécule ; peut-être pourra-t-on alors soulager quelque peu la douleur de votre malédiction ». D’une certaine manière, l’UNAFAM servait alors de relais de transmission des ordres des médecins aux clients. Vous nous voyez là à l’extrême opposé de ce que je vous décrivais concernant les Bacchantes de l’antiquité ou les Ndopkät du Sénégal. Là, une assemblée de quiconques, seulement réunis par une douleur qu’ils partagent en commun, une douleur qui pourrait arriver à n’importe qui… Et de l’autre une assemblée d’élus, entretenant des relations singulières et irremplaçables avec des esprits qu’il a chaque fois fallu identifier, nommer et apprivoiser. Heureusement que les choses ont totalement changé à l’UNAFAM ! Aujourd’hui, c’est l’association qui s’adresse aux décideurs pour leur dire : « Il y a un problème politique, nous sommes peut-être des malades ou des parents de malades, mais nous votons ! Aux urnes, malade ou non, une personne vaut un voix. Ce n’est pas avec les médecins que nous avons à négocier, mais avec les pouvoirs publics. » Je dois dire que cette UNAFAM que décrit Monsieur Jean Canneva, elle nous a beaucoup manqué au temps où j’ai commencé à travailler.
Un adepte haouka durant la cérémonie filmée par Jean Rouch
Comme je commençais à vous le dire, j’ai traversé une série de dénominations servant à désigner les personnes dont s’occupent les thérapeutes en psychiatrie. Lorsque j’ai débuté, au tout début des années ‘70’, on les appelait encore des « malades ». Je trouvais — je trouve encore ! — que c’était une bonne chose de les appeler ainsi ; sans doute le moindre mal, sachant la force des désignations et les conséquences des dénominations qui se sont succédées. En les désignant comme des malades, l’on reconnaissait qu’il y avait un être qui les accompagnait, une force, qui leur était étrangère et qui, pourtant, régentait leur existence. Et lorsque la présence d’un tel « être » est attestée, les humains se réunissent toujours autour, pour le reconnaître, l’étudier, rechercher les moyens de l’apprivoiser, pour trouver les moyens et la force de l’introduire dans le monde des humains. Les êtres, au moins, font de la politique ! Regardez ce qui s’est passé dans le domaine de l’autisme, depuis que les recherches se sont mises à converger vers une étiologie de type biologique. Tout le monde s’attendait qu’il en fût de même pour les autres désordres psychopathologiques. Malheureusement, ils s’attendaient à trouver un être simple, d’un type déjà connu tel un gène, un microbe ou une bactérie. Et malheureusement, cet être reste introuvable et Philippe Pignarre a raison de rabattre les prétentions de cette psychiatrie qui n’est « biologique » que dans ses intentions lointaines [8]. On ne le trouve pas, cet être, mais ce serait tellement bien si l’on y parvenait ! Je me souviens aussi que lorsque l’on désignait les personnes comme malades, il y avait ce côté qui tenait presque de l’enquête policière : rechercher l’être qui se cachait derrière l’étrange pâleur d’une fiancée par exemple. L’on retrouve cette démarche dans les lettres de Freud à Martha — Freud qui se demande si sa fiancée n’est pas atteinte d’une « maladie » transmise par ses ascendants. Et c’est cette même logique au Sénégal ou au Mali où, s’il y a eu des esprits qui ont possédé les femmes d’une famille, une ou deux générations plus tôt, il y a de fortes chances que ces esprits surgissent à nouveau à cette génération-ci.
PATIENTSUne seconde dénomination que j’ai beaucoup utilisée, comme tout le monde, du moins dans le milieu de la « psy », parce que c’était la coutume, et sans trop réfléchir à ses implications sémantiques : on les appelait naguère « patients ». « Patient » provenant du latin patientem, de pati, « souffrir », nul doute que c’était une façon de dire : « ce qui m’intéresse en lui c’est qu’il souffre ». Et bien entendu, les « psys » avaient une arrière-pensée. Ils se disaient qu’ils finiraient bien par convaincre ce fameux « patient » qu’il avait « choisi » de souffrir. Ce personnage fabriqué par la « psy », qui souffre tant jusqu’au moment où il finit par se rendre compte que tel était « son désir », je n’y pensais pas alors, mais je le reconnais facilement aujourd’hui : il s’agit de l’agneau du sacrifice. Car, comme vous le savez sans doute, on ne sacrifie pas un animal qui n’accepte pas d’être sacrifié ! Un animal offert à une divinité est toujours volontaire. Et comment fait-on pour le savoir ? On prend une poule, par exemple, une poule que l’on veut sacrifier pour le salut de cet homme ou de cette femme malade. Il faut bien que la poule dise qu’elle est d’accord. Souvent, on lui glisse un brin d’herbe dans le bec, ou bien quelques gouttes d’eau. Si elle mange le brin d’herbe, si elle avale l’eau, c’est qu’elle consent à être l’animal de sacrifice [9]. Mais s’il arrive que la poule recrache le brin d’herbe ; s’il arrive qu’elle rejette l’eau, c’est qu’elle refuse ! On ne la tue pas, alors ; on la laisse vivre sa vie de poule. Tout cela, nous le savons parfaitement dans notre monde marqué par le christianisme, et notamment par le récit de Jésus se sacrifiant pour le salut des hommes, accédant de ce fait au statut d’agneau de Dieu. C’était donc cela que l’on recherchait chez nos malades lorsqu’on les désignait par le terme « patient » ; on les voulait consentants, soumis à leur destin d’agneau de Dieu. Je sais même comment l’on testait leur consentement ! L’équivalent du brin d’herbe ou des gouttes d’eau était l’exigence du paiement. S’il accepte de payer, pensait-on alors, c’est qu’il accepte, tout simplement, qu’il accepte d’être l’animal de sacrifice, pour ainsi dire, celui par lequel surviendra le salut des hommes. Reste seulement à savoir quelle était cette religion obscure à laquelle on sacrifiait tant d’agneaux ; et surtout quel était ce dieu qui aimait à ce point se repaître de la souffrance des hommes.
J’ai si souvent retrouvé cette séquence dans ma carrière de psy, si souvent dans l’univers de la psychanalyse ; ces gens qui n’en finissent pas de souffrir jusqu’au moment où ils « prennent conscience » qu’ils l’avaient choisi. C’est même le paradigme du récit de cas tel qu’il a été défini par les premiers psychanalystes, et toujours confirmé par la suite. La cure commence par une sorte de révolte — « mon père, mon père pourquoi m’as-tu abandonné ? » — et finit par une acceptation : « j’accepte cette souffrance qui me propulse à l’avant-garde de l’humanité, conscient au sein d’un peuple d’inconscients, dans un groupe d’élus acceptant de se soumettre à la Loi.
SUJETS
La troisième manière de désigner les patients, que je trouve la plus mensongère peut-être, mais aussi, d’une certaine façon, la plus optimiste, c’est de les assigner au statut de « sujets ». Il est inutile de s’apesantir sur l’imprécision du terme « sujet » ; nous avons ici des philosophes raffinés qui vous démontreront bien mieux que je ne le ferais le caractère fallacieux de cette désignation. Je voudrais simplement remarquer combien cette qualification est une sorte de tautologie optimiste. La séquence pourrait ressembler à ceci : « Dans ce désastre qui caractérise ma vie, la seule lueur, celle-là même qui me permet de prétendre au statut d’être humain, c’est ma décision de venir jusqu’à toi, pour te consulter, toi, mon thérapeute ». C’est tout de même un énoncé très optimiste, n’est-ce pas ? C’est ce type de démarche que l’on évoque lorsqu’on désigne les personnes qui consultent comme des sujets. Comment se révèlent-ils sujets ? Comment éclate cette lueur qui va illuminer leur vie ? Par un signe ; par le fait qu’il viennent me voir ! Un sujet, c’est donc cela : une personne dans la détresse, le malheur, la souffrance ; mais du fond de ces ténèbres qu’est sa vie, apparaît une lumière et il s’écrit « il existe un thérapeute »… Voilà ! C’est un sujet !
Nous avons vu comment on les a appelés « malades », « patients », « sujets »… Et puis aujourd’hui, l’on commence à dire autre chose. Un mot nouveau est arrivé, « usager ». Mais attention : « usagers » est un pluriel, « usagers » désigne des gens et non pas quelqu’un qui parle en tant que « sujet »… Françoise Giroud, par exemple, évoquant sa psychanalyse avec Lacan, elle n’est pas un « usager ». Pourquoi ? Parce qu’elle parle toute seule ; elle parle pour elle-même ; elle s’offre en modèle. De même Marie Cardinale, racontant sa psychanalyse n’est pas davantage un « usager ». C’est un témoin, un martyr en vérité — vous savez, n’est-ce pas que le sens du mot martyr est « témoin » ? — mais ce n’est certainement pas un « usager » ! Quand, en revanche, des gens se regroupent autour d’une question et qu’elle devient politique, comme l’UNAFAM apostrophant les députés, questionnant les laboratoires pharmaceutiques… comme Autisme-France exigeant des lieux de soins spécifiques pour les enfants autistes, comme l’AFSGT [10] tentant de faire entendre la spécificité de la vie intérieure des personnes atteintes par ce désordre, ils parlent en tant que groupe social concerné par des êtres singuliers. Ce n’est qu’alors que l’on voit apparaître les « usagers ». Et ce type de groupe, ces usagers, ce ne sont en aucune manière des héros. C’est même tout le contraire !
HÉROS
Les héros, voyez vous, comme ceux que l’on peut rencontrer dans la mythologie, ce sont eux qui installent, qui imposent un culte. Et dans ce cas, comme je vous l’ai fait remarquer, cette religion est un culte voué aux « quiconques ». Tous les soirs, je regarde les infos à la télé, le 20 heures ; je regarde France 2. Et qu’est ce qu’on m’apprend ? Qu’une jeune fille de quatorze ans s’est elle-même enterrée vivante, sur une plage du Sud-Ouest, en bâtissant un château de sable. Notez bien que c’est un exemple en passant, mais je ne l’ai pas inventé. C’était l’été dernier, un exemple parmi tant d’autres. C’était au journal de 20 heures et le sujet a duré au moins cinq minutes. Vous ne pouvez vous empêcher de vous demander quel intérêt la mort accidentelle d’une fillette de 14 ans peut ainsi représenter pour la France entière (entre 5 et 10 millions de téléspectateurs). En quoi cette information est-elle une information capitale ? Parce qu’elle l’est, capitale ! Je ne pense en aucune manière qu’il s’agit de boucher les trous ou bien d’attirer un public friand de faits divers, c’est bien plus profond que cela ! Il s’agit d’un rite ; de l’un des rites qui contribue à instituer cette religion du quiconque ! En quoi ? C’est à partir de la diffusion de récits tels que celui là, de l’accumulation de personnages « héroïques » qui sont des héros-quelconques que l’on bâtit pierre après pierre, ce qu’il faut bien reconnaître pour ce que c’est : une religion. Car que peut-on penser lorsqu’on apprend cette information ? Etes vous au courant de l’histoire de cette jeune fille de quatorze ans ? Elle jouait tranquillement sur la plage ; elle creusait pour bâtir un château de sable et puis elle s’est enterrée elle-même, dans son sable… c’est terrible, n’est-ce pas ? Cela pourrait arriver à n’importe qui ! N’importe qui ? La force de ce type d’information, c’est qu’elle interdit à qui en prend connaissance de s’écrier : « mais justement, je ne suis pas n’importe qui ! » Or, le but réel de ces nouvelles ; de leur accumulation, jour après jour, interminablement, est de faire apparaître cette figure du quiconque, de l’imposer, d’interdire toute critique contre son existence sociale. Chaque fois que l’on nous présente un héros de cette nature, il s’agit toujours d’un héros malheureux. Voici qu’Untel est mort d’un infarctus du myocarde. Longue interview de son épouse, de ses voisins de palier… Explication d’un médecin, filmé à l’hôpital, en blouse blanche. Les maladies cardiovasculaires poursuivent leur travail insidieux à l’intérieur de vos artères, à votre insu. Il fumait ! Combien ? 30 cigarettes par jour ? Il en est mort ! Il n’avait pas 50 ans et il en est mort ! Monsieur Untel, un sujet de cinq minutes, aux informations de 20 heures. Il s’agit bien d’un héros ; il a posé sa pierre, contribué à ériger l’édifice. Cela peut arriver à n’importe qui. Ce personnage — encore un relevé en passant — est l’un des avatars les plus communs du Dieu-quiconque. Observez bien autour de vous ; prêtez attention à ce qui vous agace, à ce qui vous paraît sans importance, qui s’infiltre jour après jour dans les interstices de votre vie quotidienne.
LE « QUICONQUISME »
Les malades m’avaient prévenu de longue date de cette religion que l’on était en train d’imposer à l’Occident moderne, et à la France en particulier, cette religion nouvelle que j’appelle « culte du quiconque ». Je me souviens de l’un de mes premiers étonnements lorsque j’ai commencé à travailler à l’hôpital psychiatrique. Vous ne pouvez pas soupçonner le nombre de malades qui m’ont fait la même remarque. Au bout d’un certain temps, lorsqu’ils s’étaient habitués à ma présence — ce pouvait être au bout de cinq minutes ou bien de plusieurs semaines, ils me demandaient : « Dites-moi, il y a quelque chose qui me dérange ici… pourquoi m’avez-vous enfermé avec tous ces fous ? » Faites bien attention à ce type d’énoncé ; vous pourriez penser qu’il s’agit d’une parole démente sortie d’une nouvelle d’Edgar Allan Poe, en vérité c’est un cri de révolte contre le culte du quiconque… Je me souviens que nous, thérapeutes, en ce temps-là, nous qui avions une éducation psychologique, une formation psychanalytique, nous souriions par devers nous, pensant : « Il nie sa maladie ». Mais il ne s’agissait nullement de cela ! Ce qu’il contestait, ce contre quoi il se révoltait, c’était d’avoir été fourré d’office dans une catégorie sociale, un groupe — et surtout d’avoir été traité en « quiconque ». « Cela peut arriver à n’importe qui d’être psychotique, on peut naître ainsi ou peut-être même le devenir ; quiconque est psychotique, moi, psychiatre, je le traite de cette même manière que je te traite, toi ». Et les patients étaient les seuls à percevoir ce diktat sémantique, à le refuser, à se révolter… « Ce n’est pas que je suis « quelqu’un », s’écriaient-ils dans leur révolte, mais je ne suis pas « n’importe qui » !
Comme toute religion, le culte du quiconque irrigue et fabrique la vie sociale. Il donne lieu à ces grands rituels publics que sont devenus les procès en cour d’assises ; il fixe les normes des comportements sociaux… « Elle a tué son bébé âgé de 16 mois en l’étouffant dans la salle de bains »… En quoi cela me concerne-t-il ? Parce que ce procès se terminera sur des énoncés attendus : « cela peut arriver à n’importe qui »… Comme toute religion, ce culte est entretenu de manière très active par des prêtres, des adeptes et des sympathisants. Je suis persuadé qu’un jour, l’on finira même par représenter son dieu ; l’on finira par ériger une statue représentant « N’importe qui »…
Vous l’avez sans doute deviné, je me sens viscéralement opposé à cette religion. Il me semble que, plus que tout autre, elle vient en contradiction avec l’une des nécessités vitales des êtres humains : la possession d’une « âme » ou d’un « soi ». Je ne sais trop si cette formulation est correcte, mais l’idée rejoint des découvertes très récentes en neurophysiologie du rêve.
RÊVE
Pendant très longtemps, on a pensé les psychanalystes spécialistes du rêve… Il est vrai que Freud lui-même considérait son livre, L’interprétation des rêves, comme son ouvrage princeps. On ne s’est pas assez étonné pourtant que Freud, après son premier traité publié en 1899 [11], n’est plus jamais revenu sur les principes généraux défnis en 1899 et cela jusqu’à la fin de sa vie. Par ailleurs, aucun psychanalyste n’a contribué par des propositions nouvelles aux postulats techniques freudiens définissant les méthodes de l’interprétation [12]. Pourtant, si l’on me permet une confession, j’étais venu à ce métier attiré en grande partie par l’interprétation des rêves. Aujourd’hui, la plupart des chercheurs qui parlent du rêve sont plutôt des neurophysiologistes [13], et l’on comprend qu’ils ont totalement exclu de leur champ la question de l’interprétation du rêve. Cette question reste donc intacte, à peine entamée par la psychanalyse, certainement pas traitée — et loin d’être résolue !
Freud prétendait que sa théorie du rêve était sa découverte la mieux établie. Mais aujourd’hui, nul ne peut plus parler du rêve sans se référer aux développements de la psychophysiologie et de la neurobiologie. Nous avons appris que, à condition d’admettre que rêve et sommeil paradoxal sont superposables, le rêve était l’une des rares activités humaines presqu’exclusivement instinctive (avec quelques autres fonctions primaires telles que le sommeil ou la respiration). Le fœtus in utero rêve presque sans interruption. Tous les mammifères rêvent, ainsi que les oiseaux et même certains reptiles. La théorie du rêve en tant que réalisation (hallucinatoire) du désir (refoulé) d’un individu singulier doit être considérée comme une sorte de fiction mythologique [14].
Or, si vous posez aux neurophysiologistes la question de la fonction du rêve ; si vous leur demandez « à quoi sert de rêver ? », les plus avancés, les « anciens », ceux qui acceptent une plongée vers une réflexion plus générale sur leur travail, vous diront quelque chose comme : « Le rêve est la lutte individuelle, et génétiquement programmée contre la position du quiconque ». Ils vous expliqueront d’abord que le rêve est une sorte « d’orage cérébral » qui agite la presque totalité des cellules du cerveau comme au moment de l’éveil le plus intense. La fonction du rêve est par conséquent probablement cruciale pour l’individu. Pourtant, paradoxalement, la privation du rêve ne produit aucune conséquence grave chez le sujet — seulement un processus de rebond lorsque la personne se remet à rêver, augmentant alors considérablement ses périodes de rêve. Michel Jouvet a proposé une hypothèse séduisante pour rendre compte de la fonction du rêve. Le rêve serait l’espace privilégié « de l'interaction entre les événements épigénétiques et des schèmes génétiquement programmés de comportements instinctuels » [15]. Autrement dit : c’est l’espace où, réagissant aux adaptations que nous avons consentis pour nous soumettre à notre milieu, nous reprogrammons nos ressources en comportements instinctuels — l’espace où nous redevenons ce que nous sommes. « Même s'il est possible que le sommeil joue un rôle favorisant dans la mémoire épigénétique et l'apprentissage, c'est sans doute au niveau de la mémoire de l'espèce, et donc la programmation des instincts qu'il faut rechercher les fonctions du rêve. » [16]. Voici donc que les recherches les plus avancées en matière de neurophysiologie parviennent à des conclusions très proches des propositions auxquelles je me hasardais.
INTERPRÉTATIONS DU RÊVE
Il n’en reste pas moins que les découvertes modernes des neurosciences laissent entière la question de l’interprétation du rêve. À vrai dire, elles ne se hasardent guère dans un domaine aussi insécure. Et c’est dans le Talmud que j’ai trouvé les propositions les plus acceptables pour interpréter le rêve.
On peut lire dans le Talmud de Babylone (Talmud Bavli) un énoncé — je devrais dire une formule, tant sa concision et sa précision s’apparentent aux formules des théorèmes mathématiques — une formule, disais-je, proprement révolutionnaire. La formule est la suivante : Kol ha halomot holkhim a’har hapé : « tous les rêves marchent selon la bouche » [17]. Je dois dire que l’on n’a pas véritablement rendu compte de la force et de la vérité de cette formule. Que signifie-t-elle ? Vous faites un rêve dont vous conservez la mémoire. Eh bien, si vous ne rencontrez pas ensuite quelqu’un, un interprète, susceptible de produire une énoncé, une proposition quant à la réalisation de ce rêve, c’est comme s’il n’était pas advenu, comme si vous n’aviez pas rêvé. Car, ainsi que le précise Rav ‘Hisda, « un rêve qui n’est pas interprété est comme une lettre qui n’a pas été lue » [18]. Mais si vous avez réussi à trouver quelqu’un qui vous a révélé si et comment votre rêve se réalisera, c’est selon ce qui est sorti de sa bouche que « marchera » votre rêve (« tous les rêves marchent selon la bouche »). Car il est vrai que le rêve est une sorte de dette contractée à l’égard de la réalité — dette qui ne pourra être défrayée que si elle est d’abord passée par la bouche d’un inteprète. De cela, nous avons une très belle illustration dans un récit également rapporté par le Talmud.
Rabi Banaa fit un rêve. Il y avait alors vingt quatre interprètes de rêve à Jerusalem, tous savants et honnêtes, que l’on venait consulter des provinces les plus reculées du pays. Eh bien, Rabbi Banaa a fait une expérience que Georges Devereux, mon regretté maître a imposé à l’un de ses étudiants. Il est allé présenter ce rêve, ce même rêve aux vingt quatre interprètes [19]. Rabbi Banaa a donc raconté son rêve aux vingt-quatre interprètes et il a obtenu vingt-quatre interprétations différentes : « et ce que m’a interprété celui-ci n’était pas du tout comparable à ce que m’a interprété celui là. J’ai reçu en fait vingt quatre interprétations différentes du même rêve. » [20]. À la différence de Benjamin Kilborne, il ajoute cependant : « pourtant toutes ces interprétations se sont réalisées pour moi ; c’est-à-dire que chaque événement qui avait été présagé s’est réalisé ». Il s’agit certes d’une parabole comme le Talmud en fourmille :
1) une parabole qui vient prévenir : « prenez garde à la personne à qui vous racontez votre rêve, il se réalisera selon la bouche de l’interprète ».
2) Une parabole qui énonce une pensée épistémologique : « méfiez vous des vérités ; il en existe plus d’une ! Celles du rêve de Rabbi Banaa étaient vingt quatre… »
3) Une parabole qui révèle une connaissance profonde de la nature du rêve. Le rêve n’est ni pensée ni images ; il est monde en devenir. Il est monde qui s’exerce dans la nuit aux épreuves qu’il affrontera le jour. Il est gros d’événements. Mais s’il est promesse, insiste la parabole, c’est une promesse qui ne pourra s’accomplir que dans la coopération avec un autre. Au fond, nous révèle le Talmud, l’interprète est plus important que le rêve.
Ce serait donc dans la partie la plus profonde de la personne, là même où elle s’en va ressourcer son programme génétique, qu’elle rencontrera la nécessité fondamentale d’une autre personne, l’interprète de rêve, sans qui ne peut advenir son monde.
4) Cette formule, « tous les rêves marchent selon la bouche », peut par conséquent nous protéger contre la religion du quiconque, qui voudrait que l’on rêve, « comme tout le monde » et que nous serions tous saisis par le même… Religion qui s’empare de nous par sa platitude triviale et dont on ne peut se débarrasser qu’à l’aide de la vigueur d’une formule.
Voilà, j’ai terminé. Il me reste à vous remercier pour votre patience. Notes
[1]. Tobie Nathan : Nous ne sommes pas seuls au monde, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2001..
[2]. Voir ici même le texte d’Isabelle Stengers : « Usagers : Lobbies ou création politique ? ».
[3]. Voir le splendide texte de Michel Bourlet : « L'orgie sur la montagne paru dans Nouvelle Revue d'Ethnopsychiatrie, N°1, 1983, p. 9-44… l'un des meilleurs textes jamais écrits sur les rituels de possession, en ligne sur le net.
[4]. Pour le N’dop, la référence est la thèse de Andras Zempleni, 1968, L'interprétation et la thérapie traditionnelle du désordre mental chez les Wolof et les Lébou du Sénégal. Thèse pour le Doctorat de troisième cycle. Paris, Sorbonne. Pour le djinnadon au Mali, le livre de J.M. Gibbal, 1988, Les génies du fleuve, Paris, Presses de la Renaissance, pour le culte des Zars en Éthiopie, le texte précurseur de Michel Leiris, 1968, La possession et ses aspects théatraux chez les Ethiopiens du Gondar. Paris, Le Sycomore, 1980, et pour l’étude des Zars au Soudan, la thèse de Tzadok Abdessalam, 1993, Le voleur et le visiteur. Analyse de deux systèmes thérapeutiques (le Djinn et le Zar) au Soudan, dans la région de Gézirah. Thèse de psychologie, Université de Paris VII ; pour les Gnawas du Maroc, la thèse d’Abdelafidh Chlyeh, 1995, La thérapie syncrétique des Gnaouas marocains. Thèse de doctorat en anthropologie. Université de Paris VII. Pour un texte de synthèse plus récent, voir Tobie Nathan, 2004, Du commerce avec les diables. (avec, en annexe, un texte de Vincent Crapanzano : "les jnun". Paris, Le Seuil - Les empêcheurs de penser en rond.
[5]. Ndopkat : membres des confréries du Ndop. L’on peut voir ici, en ligne sur le net, le film de Andras Zempleni et Henri Collomb : le Ndop.
[6]. Pour ce qui concerne les Haoukas, voir le film paradigmatique que Jean Rouc a réalisé au Ghana sur la confrérie des Haoukas : Les Maîtres-fous (1955, 36mm).
[7]. UNAFAM : Union Nationale des Amis et Familles de Malades psychiques : www.unafam.org.
[8]. Voir, ici même, Philippe Pignarre : « Comment « solidifier » le savoir psy ? Le rôle des associations de patients ».
[9]. Tobie Nathan, Lucien Hounkpatin, La parole de la forêt initiale. Paris, Odile Jacob, 1996.
[10]. Association Française des personnes souffrant du Syndrome de Gilles de la Tourette. NB : Christine Louppe, invitée à représenter l’association lors de notre colloque, a malheureusement été empêchée par un problème de santé : nous lui souhaitons un prompt rétablissement !
[11]. Et à part un résumé qu’il en a donné en 1905 — Le rêve et son interprétation; traduit de l'allemand par Hélène Legros. 15e édition. Paris, Gallimard, 1932. Trad. de : "Über den Traum". Voir aussi « Le maniement de l'interprétation des rêves en psychanalyse » in La technique psychanalytique; 10e éd. Paris, Presses universitaires de France, 1992. et « Complément métapsychologique à la théorie du rêve » dans Métapsychologie; traduction de l'allemand, revue et corrigée, par Jean Laplanche et J.-B. Pontalis. Paris, Gallimard, 1990. (Collection Folio, Essais). Avec cela, et hormis quelques notes en passant dans ses études de cas, nous avons la liste complète des travaux de Freud sur les rêves.
[12]. Les premiers psychanalystes se sont contentés de produire des paraphrases freudiennes (Karl Abraham, « Rêves et mythes », 1913 ; Sandor Ferenczi, « Interprétation scientifique des rêves », 1909) et le même phénomène s’est reproduit quelques temps plus tard en France : Laforgue (R.), Pichon (Ed), Saussure (R. de) et Allendy (R.) Le Rêve et la psychanalyse, Maloine, Paris, 1926 ; Allendy (René), Les rêves et leur interprétation psychanalytique. Ed F. Alcan, Paris, 1926. Après la seconde guerre mondiale, quelques ouvrages, surtout d’origine américaine, ont tenté de reprendre la question, sans doute en réponse à l’utilisation des barbituriques (penthotal) pour soigner les névroses de guerre. Par exemple : Sharpe (Ella F.) Dream analysis : a practical handbook for psycho-analysts. Hogarth Press, London, 1949 ; Devereux G. (ed.) Psychoanalysis and the occult. lnternational Universities Press, New York, 1953 ; Garma (Angel), La Psychanalyse des rêves. PUF, Paris, 1954. Dans les années ‘70’, devant les découvertes radicales de la neurophysiologie du rêve, une série d’articles psychanalytiques est apparue, comme pour « sauver les meubles » : André Bourguignon a écrit un long rapport, « Neurophysiologie du rêve et théorie psychanalytique, PUF, La Psychiatrie de I'enfant, vol. XI - Fasc. 1-1968, pp 1-69. Puis, un numéro de la Nouvelle revue de psychanalyse, n° 5, printemps 1972 : L'espace du rêve, Ed. Gallimard, avec, notamment, des articles originaux d’Otto Isakower (sur les phénomènes hypnagogiques), de Bertram D. Lewin (sur l’écran du rêve) et d’André Bourguignon sur la compatibilité entre la neurophysiologie et la psychanalyse. La Revue Française de Psychanalyse a suivi aussitôt après : Revue française de psychanalyse, 5-6, sept. à dec. 1974 : Le rêve - 34 ème congrès des psychanalystes de langues romanes. Et depuis, un lourd silence s’est installé au sujet de l’interprétation psychanalytique des rêves qui, pourtant, a largement diffusé dans le grand public.
[13]. Mis à part quelques exceptions remarquables chez les cognitivistes, tel Jacques Montangero, « Rêve et résolution de problèmes », Le lezzioni italiane di Jacques Montangero, Tirrenia Stampatori, 1996.
[14]. Cf Tobie Nathan, « Pour une psychothérapie enfin démocratique », introduction à La guerre des Psy. Manifeste pour une psychothérapie démocratique. Paris, Le Seuil, Les empêcheurs de penser en rond, 2006
[15]. Michel Jouvet, « Le rêve », in La Recherche hors série n°3 Avril 2000 "le sommeil et le rêve".
[16]. Michel Jouvet, id.
[17].Talmud Bavli, traité Berakhot, 55b5.
[18]. Talmud Bavli, traité Berakhot, 55a4.
[19]. Benjamin Kilborne a présenté à une série d’une dizaine de devins marocains les rêves de Freud tels qu’ils sont rapportés dans L’interprétation des rêves, en prétendant qu’il en était l’auteur. Il relate le résultat de cette investigation dans L’interprétation des rêves au Maroc, Grenoble, La Pensée sauvage, 1978.
[20]. Talmud Bavli, traité Berakhot, 55b5.
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