quatrième
partie
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...// CULTURES :GUERRES ET PAIX
Août 2000
Un colloque pas comme les autres.
Souvenirs dune tribu cerisienne...
Compte-rendu par Alice Haumont © photo Tobie Nathan |
Première partie. La mort du modernisme comme ouverture à la composition active dun monde commun. clic
Deuxième partie. Situations de guerre des mondes... Pour une typologie contemporaine des aliénations. clic
Troisième partie. Mise en résonance des tentatives de négociation avec les "autres" : modernisation, transmission, théorisation, revitalisation, traduction... un exercice de diplomatie? clic
Quatrième partie. Les objets des thérapeutes, les chemins des théologiens et les concepts des philosophes... Contraste entre les voies de la guérison et les voies du salut. clic
I. Les objets de guérison. De lélimination des objets par les thérapies savantes... à la résurgence dobjets étranges, les médicaments. clic ; Fonctions de la chose et de lobjet dans les dispositifs thérapeutiques. Autour de Tobie Nathan.... clic ; Linvention moderne des médicaments. Autour de Philippe Pignarre... clic
II. Les chemins de lélection. Les modalités du rapport aux dieux dans le paganisme et le Soufisme... guerre des hommes et dévoration du maître. clic ; Présentation dun paganisme historique constitué avant lirruption de la fracture monothéiste. Autour de Bruno Pinchard... clic ; Le monde de lIslam et la dimension du Soufisme. Autour de Faouzi Skali... clic
III. Irréductibilité de lobjet-concept à lobjet-sort clic ; La question de la non-communication. Autour de lintervention deleuzienne de Brian Massumi... clic
I. Les objets de guérison. De lélimination des objets par les thérapies savantes... à la résurgence dobjets étranges, les médicaments.
Fonctions de la chose et de lobjet dans les dispositifs thérapeutiques. Autour de Tobie Nathan....
Tobie Nathan
© photo Tobie Nathan
Une nouvelle définition de la thérapeutique
Nous partons du constat de létat de guerre dans lequel se trouve la guérison, état qui sétend de nos psychothérapies occidentales à celles des autres. Cet état de guerre a été introduit par la médecine : la proposition habituelle dinspiration médicale commence par définir lorgane (physiologie), puis le désordre (pathologie) pour en déduire la thérapeutique. Le mimétisme médical en psychothérapie a engendré un modèle prégnant, validant une certaine façon de pratiquer la profession en référence à un inconscient universel. Ce ne sont pourtant pas lorgane ni la maladie quil sagit dobserver, mais les techniciens eux-mêmes, avec leurs objets. Les psychothérapies savantes fabriquées par Freud sont des êtres étranges, des êtres de capture de type léopard : ces êtres sont chasseurs et carnassiers, ils apparaissent pour combattre, dévorer de nouveaux appats et éliminer. Comment les définir par leur antipathie et leur tropisme, sans les considérer comme "objet naturel"? L"organe" nest pas ici donné par lexpérience mais totalement construit par la théorie à laquelle il est indissociablement lié.
Dans leur définition même, les psychothérapies entrent en guerre : la plupart des thérapeutiques que lon rencontre à travers le monde traitent les humains à partir de laction sur la matière... force est de constater que les psychothérapies savantes ne peuvent se définir que de manière négative : ce quelles détestent par dessus tout, cest précisément la matière... Le terme "psychothérapie" (cest-à-dire thérapeutique par lesprit) permet de déterminer ce par rapport à quoi ces pratiques savantes sopposent : elles ne sont pas des chimiothérapies (sinterdisant lusage des médicaments, des drogues et des substances), elles ne sont pas des thérapies traditionnelles (sinterdisant lusage damulettes, de fétiches et de sacrifices animaux), religieuses (sinterdisant lusage des prières, de limposition des mains ou du sentiment de communion), politiques (sinterdisant lusage de linscription de la personne souffrante dans la hiérarchie dun groupe ayant pour vocation dagir dans la vie publique). Elles se définissent donc par leurs objets absents : les médicaments, les amulettes, limposition des mains, la politique, etc. "Thérapies de la personne par le traitement de son âme", les psychothérapies savantes, en se basant sur cet "organe mal défini", excluent de fait la majorité des thérapeutiques existant de par le monde.
Tentons une nouvelle définition de la thérapeutique, dont les psychothérapies ne constitueraient quun cas : la thérapeutique est une construction de la vérité par rapport à des objets. La notion d "objet" est à comprendre au sens banal d "objet du monde sensible", fait de matière et dont lexistence ne doit rien à la perception. Lobjet est ce sur quoi nos sens buttent. Le rôle de ces objets consiste à démontrer la fonction des thérapeutes, leur pensée théorique : les objets se situent à la charnière entre le dispositif professionnel et la suspicion de lusager, tel le sommet dun triangle dominant la scène thérapeutique et permettant son exportation vers dautres mondes. Les objets, seuls, permettent le recrutement en tout sens : seuls acteurs démonstratifs de cette scène, ils recrutent tant les patients que les candidats thérapeutes.
La question posée par la thérapie est le problème du changement, de la modification radicale profonde et durable dune situation (un individu, une famille, etc.) : le devenir de lêtre en soi engagé dans un non-être. Comment en effet être soi et engager ce même soi dans un changement donc dans un non-être, disait Sartre. Que faire de ce moment sensible de lentre-deux? Cette définition a lavantage de placer sur un même plan psychothérapies savantes et thérapeutiques traditionnelles. On connaît les trois grandes possibilités de voies de changement proposées par les cures psychothérapeutiques : leureka miraculeux, la pédagogie parfois délibérément assumée et le renoncement cynique à tout changement... apprendre à se découvrir incurable.
Mais quest-ce que changer pour un être humain? Les grecs anciens ont pensé la possibilité de la métamorphose, possibilité fort peu exploitée par la suite dans lhistoire de la pensée... Kafka... et Deleuze. Deleuze pense la métamorphose comme une question dalliance : on se métamorphose toujours en quelque chose. Un devenir-autre du patient, lautre étant défini par la thérapie de son thérapeute, lobjet du thérapeute sous la forme dune tension, dun "tendre vers". Cest lhistoire de la guêpe se métamorphosant en orchidée lorsquelle la féconde...
Létat magnétique, un dernier "objet" médical...
Arrêtons-nous un instant sur une scène historique problématique : en 1784, Mesmer thématise cette possibilité dune transformation du thérapeute par son objet. Cest le phénomène du somnambulisme ou du transmagnétisme : Victor Race, valet du marquis de Puysegur, parle du fond de son sommeil et les énoncés quil profère sont dune complexité inouïe... capacité de raconter des choses inconnues, de lire dans les pensées de son maître. Nous sommes dans un contexte rousseauiste, le fluide est loeuvre de la nature, la nature est bonne et prolifère de phénomènes nouveaux. Cette expérience est cruciale pour notre compréhension des mécanismes de la psychothérapie : le marquis qui, au début voulait seulement soigner en appliquant ce que lui avait appris Mesmer, est lui-même transformé par lexpérience. Cette chose quil préssent et qui le lie à son valet fait de lui, non plus cet aristocrate éclairé, mais un thérapeute. Le dispositif qui lie le thérapeute (Puységur) et le patient (Victor), cet ensemble constitue un agencement qui fait apparaître cette chose qui soigne, cest-à-dire l "objet". Imaginons que les malades viennent consulter le couple, tel un dispositif thérapeutique : le marquis de Puysegur interroge en quelque sorte un devin traversé par un fluide "naturel". Au devant de la scène thérapeutique se trouvent non plus des humains avec leurs maux, mais une chose que lon peut techniquement contraindre à se manifester. Le fonctionnement thérapeutique est donc le suivant : comment devenir-autre, tendre vers mon objet, être transformé par ce qui me transis?
Lobjet et la chose...
Il sagit à présent de distinguer méthodologiquement la chose de lobjet. Nous avons vu que lobjet est ce sur quoi buttent nos sens. La chose est cet être à la nature imprécise qui produit, qui cause. La chose est ce que jobserve et qui capture qui sen approche. À différencier de lexplication dune suite dévénements qui "causent", ainsi que dune théorie scientifique que je "construis". La chose est ce qui ne peut être remplacé par une intention humaine. Par exemple, Roméo et Juliette : quelque chose passe au travers de Juliette et rend Roméo amoureux... ce nest pas sa grâce, son intention ou son appartenance... Quelque chose "cause"...Cest Aphrodite ou Adonis, auraient dit les anciens. Encore plus démonstratif : la langue est une chose, la langue est typiquement ce qui cause. Les choses sont toujours loeuvre dun collectif : les objets sont des productions dhumains pour incarner des choses et se servir delles.
Et linconscient freudien... Linconscient est-il une chose? Dune certaine manière oui, dans la mesure où ses manifestations sont des symptômes et que ses particularités prescrivent le comportement du thérapeute. Mais, non... linconscient na aucune intention, il ne veut rien, il est, nous disent les savants. Aucune procédure, aucun dispositif ne peut contraindre cette chose à se manifester. Le seul dispositif de "preuve" des savants parvenant à démontrer lexistence dune chose est le dispositif hypnotique : celui-ci permet de démontrer lexistence du fluide hypnotique, mais non de linconscient. Cest précisément ce fluide qui a été utilisé par Freud comme élément discriminatoire permettant de séparer les psychothérapies savantes des "autres". Pour les psychothérapies savantes, il ny a pas dobjet, il ne peut y avoir dobjet. Étrange interdit lorsquon sait que le changement dune situation ne peut sopérer quau long dun devenir de lhumain au non-humain, et ce grâce à lapparition dun objet déclenchant le travail thérapeutique comme approfondissement du travail de la chose... Non, linconscient freudien ne produit pas de guérison, ni dobjets techniques.
Quelques productions dobjets déclencheurs du travail thérapeutique...
Le changement ne peut sopérer que le long de la ligne de fuite dun devenir, nous dit Deleuze, un devenir vers de lhétérogène... la plupart du temps, du non-humain. Cette ligne de fuite se dessine grâce à lapparition dune chose et le travail thérapeutique consistera à approfondir la connaissance de la chose par la production dobjets.
Les exemples de dispositifs africains mettent à chaque fois en avant des objets techniques : chapelet, fétiche, Coran, etc. Ces dispositifs sont fonctionnels et rendent la relation thérapeute-patient mécanique : les dispositifs médiatisent les invisibles, commercent avec eux, ils mobilisent dautres techniques pour lécriture de destins... Tel le Fa des yorubas : le Fa est la chose, le chapelet de noix lobjet, lequel nécessite la consultation dun devin, le babalawo et linteraction dun invisible, dune chose qui sexprime au travers du dispositif. On jette le chapelet dune certaine façon sur le sol afin dexaminer la configuration formée par la disposition des coquilles de noix...
Quelques exemples...
Le nom de Dieu est bien inscrit dans la Bible, mais comment y accéder? Peut-être le nom de Dieu est-il une combinaison particulière de lettres, une "super-amulette" en quelque sorte : cest pourquoi la Kabbale tente de trouver les règles de ces combinaisons permettant de décoder le nom de Dieu. Et en chaque combinaison, Dieu se manifeste, Dieu est convoqué. Comment une telle force peut-elle être contenue dans un mot? On la sait enfouie dans un corps composite, un amalgame déléments hétérogènes faits de textes, de supports, dencre, de paroles, ect. Le guérisseur juif invite le patient à un devenir-nom, il consigne le destin de la personne à partir dune amulette contenant sa propre interprétation du nom de Dieu.
La puissance du guérisseur tient à ce que Dieu sengage lui-même, un peu, quil soit pris en quelque sorte dans le texte. Lamulette agit sur Dieu, le texte précède Dieu et le thérapeute agit, un peu, sur Dieu. Chaque fois que le guérisseur doit agir, il tente une nouvelle interprétation du nom de Dieu, il confectionne une amulette... tout comme Dieu fabriqua Adam.
Laventure thérapeutique...
Nous travaillons non plus sur les maladies, les organes et les humains, mais sur les objets. Sur les objets, tels que leur rôle consiste précisément à démontrer la fonction du thérapeute : il sagit en somme dune compréhension passionnée pour la thérapie proposée par le thérapeute. Cest précisément lorsquil ny a pas dobjet quon se trouve obligé dinfliger au patient tous les éléments. Lobjet présente une double garantie : il oblige le thérapeute à faire le pari de lintelligence du patient et il permet au patient de situer avec précision la théorie de son thérapeute. Nous partons du pari que, dans un dispositif thérapeutique, il ny a pas de dupe. Le thérapeute est au service dune "chose" qui offre une destinée métamorphosante à un humain. Le patient apprend à connaître la chose, il découvre laventure quon lui propose. Il attend une amélioration et il veut tenter la transformation : il tente laventure, il sengage dans le jeu thérapeutique, il y consent. Plus exactement, il comprend quaucun changement ne peut advenir sil ne joue pas le jeu de la métamorphose, celle-là même que les objets techniques viennent confirmer, affirmant le bien-fondé de la théorie initiale. On peut ainsi comprendre le contrat thérapeutique comme une aventure dans laquelle le patient perd sa position dobjet et devient un partenaire, contraint, par le processus que déclenche lobjet, à rejoindre la théorie du thérapeute et le groupe auquel il est affilié : le patient, au même titre que le thérapeute, est placé en position dexpertise.
Les dispositifs qui excluent les objets, le devenir-humain de lobjet, le devenir-texte de lhumain, bref la plupart des thérapies savantes européennes, réduisent le patient au statut de dupe, réduisent la séance de consultation à un théâtre dillusion : le patient est "librement engagé" dans un contrat de type "capture unilatérale". Ces pensées thérapeutiques posent une question à la fois technique et politique : comment trouver les moyens de donner un autre rôle au patient, comment sortir de ce dispositif réducteur? Comment reconnaître et rendre actif le processus subversif que déclencherait la mise en position dexpertise des groupes de patients? Comment réintroduire le caractère dexpertise des familles sous la forme dun espace politique mettant en risque les institutions étatiques? Cest en raison de leur capacité à séduire, à enrôler, à constituer des groupes, à construire des hiérarchies parallèles que les autorités se méfient des dispositifs thérapeutiques et tentent de les contrôler.
Nous présentions la question centrale posée par la thérapie comme étant celle du changement, de la modification, de la métamorphose, du devenir-autre. Nous avons vu quil y a des choses et quil y a des objets. Nous avons également souligné la singularité du contrat thérapeutique : le patient consent à jouer, le dispositif correspondant à une sorte daventure à laquelle on ne peut jouer que si lon est malade. Et le thérapeute sengage à mobiliser la chose au profit du patient. Lengagement du patient est un consentement et les conséquences de ce consentement dessinent trois lignes de tension :
- vers la réussite de la métamorphose impossible avec lespoir dun surplus dimagination et de savoir, ainsi quune amélioration de son état
- vers la compréhension et la maîtrise dune pratique : le patient commence à manipuler les objets et à comprendre techniquement les méthodes de son thérapeute,
- vers son agrégation à lunivers du thérapeute selon des degrés : apprentissage, initiation, conversion.
Les dispositifs sans objets techniques, singularisés par lélimination des fétiches, partent dun modèle et produisent, comme seule issue, la conversion (à différencier de linitiation) : la conversion est bien un devenir, mais qui ne se règle pas sur de lhétérogène. Le refus des fétiches trouve son expression la plus courante dans ladhésion aux églises charismatiques en Afrique qui proclament que la conversion est la meilleure façon de lutter contre la sorcellerie. Les dispositifs thérapeutiques sans objets prolongent les systèmes de guérison chrétiens : la conversion est à la fois la cause et laboutissement de la guérison... qui se converti, guérit. Le modèle est dune simplicité limpide. La conversion guérit et la guérison convertit : la guérison dun seul converti lensemble de la communauté... définition même du martyr. Avec les chrétiens, la guérison devient véhicule de croyance. Et cest ce processus que prolongent les thérapies savantes, par une étrange obsession de "purification analytique" et dendoctrinement, démontrant par là quil existe au moins un "objet" quelles ne considèrent pas comme indifférent, mais au contraire comme un militant potentiel. Ce dispositif conduit à un état de guerre permanent en psychothérapie : production massive de phénomènes de conversion, production dun peuple de moutons convertis... tout comme le dispositif "secte" : promesse dinitiation tout en étant incapable dune transformation, dun devenir-chose. Il ny a pas de devenir- chose sans objet technique...
Proposition de paix...
Comment instituer réellement un "parlement des choses" : les fétiches, les lettres, les noms? Comment y ajouter une seconde chambre abritant un "parlement des êtres et des dieux", une chambre sous la forme dun espace de discussion, de négociation entre représentants engagés?
Une assemblée des choses? Une chose est un noyau de potentialités dont on ne peut prédire les intentions, le devenir : on n "a" pas les choses, on les touche. Une chose tient du concept qui aurait des exigences envers de lhétérogène, elle capture par contrat : telle lécriture alphabétique. À lautre extrémité se trouvent les êtres. Deleuze en parle comme des démons : ils ont quelque chose de démoniaque ou de démonique au sens du daîmon grec. Ce sont des forces dotées dintentions, dotées dexigences qui, si on les traite, permettent de saisir la stratégie des humains. Si les noms piègent la chose, les démons échappent toujours... Le démon est légion, dit lEvangile. Il sagit dès lors de négocier avec ces êtres démoniaques, tout en gardant une part de liberté intérieure : il sagit de tricher. Après avoir fixé un démon par linterprétation de son nom, il faut savoir le trahir. La tricherie est un jeu, une négociation créatrice dune ligne de fuite. Et entre les choses et les démons, il y a les dieux. Les dieux sont à différencier des démons que lon fixe par les noms : on attend deux quils normalisent notre accès à la chose. Cest une situation de jeu qui singularise leur étiologie : si nous ne les adorons plus, ils reviennent nous piéger sous la forme de démons... Les dieux ne sont des "choses" que si nous leur rendons hommage, si nous croyons en eux. Et parmi ces étranges choses, ces êtres redoutables peuplant notre scène contemporaine, il y a les drogues, les médicaments, les démons des captures, les démons qui réafillient politiquement, etc.
La proposition de paix peut sénoncer comme suit : comment convoquer, sous la forme dune assemblée de représentants engagés, les différentes thérapies en leur proposant dexposer leurs objets, de sexposer à cette prise de risque? Nous nous dirigeons vers un supermarché de la thérapie et de la théologie... Comment réinstituer un endroit où puissent se dire les noms de dieux? Cest là la tentative du centre G. Devereux.
Et nos "objets" phalliques?
Le phallus ne constitue-t-il pas un "objet" freudien? Linconscient nest-il pas un "objet" en tant quil est impliqué par la castration? Cette lecture lacanienne de la pensée freudienne a effectivement produit une chose : le mouvement psychanalyste français. Mais quelle est la fonction de la sexualité par rapport aux symboles inscrits dans les livres? En quoi Freud a t-il gonflé nos alentours de phallus proliférants? Nest-ce pas là une étrange tribu d "objets" renvoyant à une "chose" que serait la sexualité? Et en quoi toute proposition de paix passe-t-elle par cette question de la sexualité? La sexualité nest-elle pas la "chose", le lien à reconstruire vers nos propriétaires? Nest-elle pas le vecteur dun devenir-animal?
La pièce de Sophocle, "Oedipe Roi", est une pièce confuse dans les faits, compliquée, seconde si lon en croit les réactions du public grec de lépoque. Le phénomène décrit, sur base des observations cliniques, est le suivant : les enfants "oedipiens" sont souvent des enfants séparés de leurs parents dès leur plus jeune âge. Prenons lexemple dune famille démigrés laissant leur enfant au pays comme représentant de la famille, comme représentant marquant leur présence là-bas. Lorsque lenfant rejoint ses parents, il apprend et découvre soudain les personnes qui lui sont les plus proches. Il frappera son père ou sera tenté de dormir avec sa mère. Cest le phénomène de la séparation précoce : dans la tête de lenfant, intellectuellement, ce sont des proches, mais en sensation, ce sont des étrangers. Freud y voit là une théorie générale de lhumain : il ne comprend pourtant pas de quoi il sagit, de ce phénomène tel que les grecs lentendaient. Non seulement il y voit une théorie générale de lhumain, mais de plus il y introduit une série dinterprétations sur lesquelles viennent se greffer une série de symboles malheureux.
On peut effectivement construire une "chose" autour de la sexualité, pour peu que lon comprenne la sexualité comme un problème dorganisation politique : la sexualité est le principe de ce qui divise. Les gens parlent ensemble et se sentent indivis... Si maintenant quelquun pose la question : as-tu des problèmes sexuels?, il coupe toute possibilité dalliance, il laisse la personne seule, sans mère, sans père, ni frère chrétien, ni frère de sang. Le psychanalyste sépare par lintervention technique de la sexualité. Cest le levier le plus puissant de la théorie psychanalytique. Un être sexué est un être seul, un être allié est un être dont la pensée sur la sexualité est soumise à ses appartenances, à ses propriétaires : le thérapeute est un groupe et travaille de groupes à groupes. Un enfant ne se pose pas la question de la différence des sexes (comme un donné irréductible de la perception), il se demande plutôt : comment le même engendre-t-il le même, comment deux grecs engendrent-ils un grec? Le phallos est un autre personnage, cest un Dieu... comme Papa Legba, statuette en bois avec son cigare, dans le film de Najman Les illuminations de Madame Nerval : il parle toutes les langues, il est copule, il peut provenir dalliances diverses... Bref, il ne se réduit pas à une grammaire lacanienne de la castration et de lengendrement. La question de la différence des sexes a permis à Freud de construire un espace thérapeutique imparable : cest une proposition contingente qui sépare lêtre de ses alliés, de ses alliances. À la différence du dispositif ethnopsychiatrique où se pose la question suivante : comment entrer en relation avec un homme lié? Le rêve ou le phallus sont des processus intéressants dans la mesure où ils participent dune construction médiée par des objets qui déclenchent un processus vers lavenir, vers lagir, vers le lié. La castration renvoie vers le passé : comment faire de la sexualité un prescription dalliance, constructrice dun devenir, dun avenir?
Contraste entre les voies de la guérison et les voies du salut
Peut-on réduire lhistoire du monothéisme à une grande histoire de thérapeutes, sans objets et sans fétiches de surcroît? Ne faut-il pas sauvegarder le contraste entre lespace thérapeutique et lespace théologique, les voies de la guérison et celle du salut? Il est à noter que ce contraste est posé de lintérieur même de lEglise chrétienne comme source de conflit...
Ne peut-on penser la conversion en terme de salut et non de guérison? Ne faut-il pas précisément préserver ces espaces et leurs logiques de constitution propre : lespace où lon négocie avec les démons par la tricherie est peut-être à séparer de lespace dun Dieu appréhendable par la seule voie de la vérité? Il nen reste pas moins que le christianisme est une religion de la conversion et que le principe du dispositif sans objet, cest la conversion.
Mais dans quelle mesure les dispositifs psychothérapeutiques occidentaux sinscrivent-ils dans le prolongement de cette tradition de la conversion? Ny-a-t-il pas dans lidéal de "purification analytique" qui caractérise les psychothérapies savantes la marque dun héritage singulièrement occidental : quen est-il de cette obsession délimination des "choses qui causent", cette obsession de ne pas influencer, de ne pas déformer le message adressé par linconscient? À défaut dobjet, la psychothérapie endoctrine, produit en masse des phénomènes de conversion, démontrant par là quil existe au moins un objet quelle considère comme un militant potentiel. La machine de la conversion psychothérapeutique désafillie lêtre de sa multiplicité agencée, de ses groupes naturels pour en faire le membre dune classe statistique. De plus, elle transforme une affliction en culpabilité : soit le patient se convertit, soit il est damné... soit il se soumet à la théorie, soit il se découvre définitivement seul et incurable. La question se pose peut-être moins sous la forme dun contraste entre tricherie et vérité, guérison et salut, quentre les traditions singularisées par la fabrication de technique dinfluence et celles qui, aujourdhui, sous la forme dun idéal de purification analytique, prolongent lancestrale tradition de la vérité ascétique et scientifique... À quelles conditions, en tant quhéritiers de cette singulière tradition de la purification, peut-on rejouer cette question de la liberté, telle que celle-ci procède, depuis Saint-Augustin, dun impératif de conversion face auquel doivent se dissoudre toute immanence créatrice et tout humour spéculatif? Le sérieux, la volonté de ne pas suggérer, de ne pas influencer, nest-elle pas le moteur de la suggestion la plus imparable? Comment réinventer comme "dépassable" cette vérité anthropologique marquant de son sceau les voies de la guérison occidentales et chrétiennes?
Linvention moderne des médicaments. Autour de Philippe Pignarre...
Philippe Pignarre, Isabelle Stengers
© photo Tobie Nathan
Ces étranges "objets"...
Les psychothérapies savantes ont éliminé les objets. Elles se définissent par ces objets quelles excluent. Cependant, les médicaments ont surgit, curieux objets refoulés par les traitements de lâme, sans quaucun exercice de pensée nait été fait sur ce quil se passait. Quen est-il de ce marché des maladies de lâme? Et comment amener une contribution au dispositif ethnopsychiatrique en posant la question : quest-ce quil nous arrive avec les médicaments? Comment prolonger à cet égard le "bien se présenter" des blancs, défi exposé dans la leçon inaugurale de Bruno Latour?
Notre proposition de paix est la suivante : comment réaliser des expérimentations en passant par des agencements qui nous sortent des dispositifs figés? Comment penser le rapport, le contraste, la concurrence existant entre le système des psychotropes et le système psycho-thérapeutique? Sobserve, ces dernières années, une redéfinition de la profession médicale par le monopole de la prescription des médicaments. Cette redéfinition est liée à la valeur "universelle" du système des médicaments : ceux-ci permettent de penser un système de compréhension des maladies de lâme étendu au monde entier. Un double danger guette cette compréhension. Le danger dune compréhension symbolique qui réduirait trop simplement les psychotropes à des objets décriture, à des fabrications collectives. Un danger de décalque mimétique du mécanisme biochimique également : comparaison de lagencement datomes constitutif dun médicament avec les agencements constitutifs de lobjet scientifique. Si la manière dont on soigne renvoie à la manière dont un groupe se définit, quen est-il de cette biochimie? Cest quil sagit, pour comprendre le système des médicaments, de partir de nouvelles proposition : peut-on penser le dispositif psychothropique et le dispositif pathologique comme étant inséparables? De quels agencements singuliers sont-ils les éléments?
Ce débat nous sépare de la psychiatrie transculturelle américaine, laquelle promène des cliniciens avertis partout dans le monde. Celle-ci peut se comprendre comme une forme de multiculturalisme, traversant les différentes langues qui permettent dénoncer plus ou moins bien les troubles pathologiques : moins une langue est évoluée, plus elle sapproche dune description somatique. Et cette psychiatrie transculturelle se dit "participer à la modernisation du monde". Sa méthodologie "transculturelle" implique lexclusion des psychothérapies traditionnelles, tout au plus médiées par le patient lui-même. Cette procédure de brassage disloque lensemble des symptômes, balladant les patients au gré détiologies diverses. Mais les patients semblent friands de ce melting pot : les causes sont à chaque fois différentes, les systèmes dexplication sont imbriqués, se mélangent en permanence, sans inquiétude. Les "troubles" sont en conséquence assez peu fiables et les médecins redéfinissent sans cesse leurs "groupes" de patients. Les "troubles" sont à séparer et du médecin et du patient.
La définition du terme "psychiatrie", inséparable des médicaments?
Les psychotropes sont indépendants des causes du trouble mental, de la pathologie. Ce dont témoigne la séparation radicale du psychiatre et du pharmacologue. La seule exigence est la démonstration de léfficience du médicament dans un but clinique. La médecine sinvente sur deux fronts : la pathologie clinique (thérapeutique) et les outils du diagnostic. Lacte médical est ainsi mis en tension entre ces deux pôles : ceux-ci ont en commun la possibilité de mettre en évidence des "témoins fiables", résistant avec succès à lépreuve dun "faire preuve". Or, il ny a pas de "témoin fiable" dans le champ de la psychiatrie : le corps est toujours susceptible de guérir pour de mauvaises raisons, larrivée brutale de nouvelles molécules bouscule les vérités de présomption provisoires... Le tout empêchant la stabilisation des catégories pathologiques. Cest ainsi que la paralysie générale quitta un jour lhôpital psychiatrique pour rejoindre le secteur quon lui connaît aujourdhui.
La stabilisation dune molécule répond à un modèle pharmaco-induit : une substance agit sur les patients... action et transformation, certes, mais pas de devenir-animal suscité par la substance. Les psychotropes détachent les patients de toutes leurs causes ouvrant la possibilité dune interchangeabilité, mais ils attachent les prescripteurs par le monopole de la prescription. Sans enracinement biologique sérieux, les psychotropes peuvent sétendre : ils viennent sintercaler dans le moule somatique du laboratoire... Le pire, pour le devenir de ces objets, serait précisément la découverte dun marqueur biologique qui obligerait la psychiatrie à se replier. Marqueur qui redéfinirait les paradigmes et redisposerait les frontières. Cest linventivité permanente, lincertitude qui ouvre sur de nouveaux possibles.
Reprenons le problème des essais dexpérimentation clinique. Il sagit moins dun intérêt pour la molécule que de savoir si lon a bien constitué le groupe. Les candidats à devenir patients et la molécule candidate à devenir un médicament doivent se rencontrer dans les conditions idéalement libres de toute interférence. Pour ce faire, le laboratoire va établir deux groupes de malades à chacun desquels on prescrit soit le futur médicament, soit la substance placebo. Et ceci sans que le groupe candidat à devenir patient, ni les prescripteurs, connaissent lequel des deux groupes est sous leffet du véritable médicament. Le succès de la rencontre entre le corps et la molécule passent par la preuve de lefficacité de cette dernière à circonscrire une pathologie le plus précisément possible. Ce sont moins les cliniciens qui font appel à linventivité des pharmacologues que ceux-ci qui, en discriminant leffet de certaines de ces substances, créent de nouveaux syndromes psychopathologiques et par là de nouvelles populations de malades. Quelle est la manière dont on définit la population de malades, le groupe de patients? Comment tient-il? Le laboratoire est non seulement le lieu de constitution dun médicament mais également le lieu de constitution dun groupe réel dans la société, dun groupe qui va grossir en permanence, dun groupe qui nous intéresse. Lorsquun individu seul ne pas pas bien, il na rien de particulier... angoisse du médecin face à ce qui nest pas formalisable. Il lui faut un groupe qui "tienne".
Lhistoire nous montre la victoire des pharmaciens sur les médecins. Nous sommes les héritiers dune tradition singulière qui, depuis toujours, sépare le monde de la préparation de celui de la médecine. Que serait dés lors une médecine sans médecins?
Les psychotropes... Un système de compréhension universel? Pour fabriquer un être humain universel, il faut renoncer aux causes : un être est toujours renouvelé dans sa cartographie. Linconscient comme "objet" auquel on a tenté daffilier les occidentaux entre en crise. On peut aller plus vite dans la conquête du monde en renonçant aux causes. La psychiatrie crée détranges "objets" qui sont aussi des marchandises faisant lobjet de captures particulières. Comment penser ce passage de la causalité à la marchandisation? Peut-on penser ce passage dun médicament accessible seulement par lordonnance dun médecin à une pure marchandise soumise aux lois de loffre et de la demande?
Le psychiatre : une fabrication singulière
Comment fabrique-t-on des psychiatres? Selon lanthropologie américaine, la manière dont on se propose de servir les patients les définit. Ainsi, le DSM : cet outil produit en même temps les patients et les psychiatres comme lieu qui organise la rencontre. Quelles sont les étapes de la formation du psychiatre : le traumatisme du premier patient, la prise de pouvoir trop soudaine face à des personnes ayant trente ans de profession derrière eux... Un bon psychiatre est celui qui parviendra à formuler le diagnostic instantané du prototype à identifier.
Proposition de paix...
Toute opération de conquête a provoqué des conflits, des confrontations, des fractures... Cest le risque de la mondialisation. Comment traverser les lignes de fractures, comment recréer des discontinuités positives par rapport aux continuités de lhomogénéisation statistique (mise au point de catégories statistiques), de la relation figée entre les psychotropes et la clinique... Comment mettre en place de nouveaux agencements déstabilisant la relation qui unit ces deux domaines? Changement dexpertise et de profession : il sagirait alors denlever le pouvoir de la prescription au médecin et de le donner aux patients... Pour une situation de guerre civile : on supprime la prescription et on brise le lien artificiel qui unit la profession et les psychotropes. Partant dun constat déchec : les psychiatres ont échoué à transmettre un lieu de connaissance sur les psychotropes. Le seul savoir vient de la médecine pharmaceutique.
Mais lindépendantisation, la marchandisation et léventuel devenir-mortel du patient nenfoncent-ils pas encore plus dans la destinée "autonome" du marché mondial? Nest-ce pas là une proposition en faveur de la Liberté Mondiale du Consommateur, dés lors définitivement seul? Le système actuel attache un psychiatre mais détache les patients : comment créer de nouveaux dispositifs attachants? Quelles seraient les bonnes "captures", les bonnes affiliations? Et "qui" parle? Quels vont être les descendants de ce discours?
Connexion avec lêtre indomesticable des drogues?
Peut-on penser ensemble la capture prohibitionniste des drogues, elle-même inséparable de leur impossible domestication par les toxicomanes, et le monopole médical de la prescription des médicaments, inséparable de leur progressive marchandisation? Dans les deux cas, la domestication et la prescription sont mises en crise par la prolifération dêtres redoutables, de "choses" dont on ne comprend encore que trop peu les étiologies. La chimiothérapie moderne est en train de construire une chose incroyable, un être fait de molécules élémentaires dont découle sa qualité de vivant, elle propose un devenir qui tient à la fois du devenir-plantes des amérindiens (passion des substances) et du devenir-lettres des guérisseurs juifs (passion des combinatoires). Les molécules, "objets" en grand nombre, lui permettent de médiatiser le rapport à sa chose. Linventivité de la chimiothérapie fait voler le noyau de la psychiatrie, sa nosographie, restructurées par lirruption soudaine et proliférante de ses objets techniques. Dans un même mouvement, elle redéfinit le poison, la drogue dont elle redistribue les certificats de liticité. Elle expédie lhumain dans un devenir-chimique...et fait des toxicomanes des chercheurs possédés par "la chose" plus encore que les chimistes : possédés sans parvenir à négocier avec elle, à tricher... Ils la prennent peut-être trop au sérieux. Cette "chose" dont les êtres démoniaques prolifèrent, dont les objets techniques bousculent toute catégorisation, viendra désormais, au même titre que lêtre de ce qui fait "secte", recruter parmi les humains en bonne santé : à qui veut jouer? Situation de guerre des mondes, déclarée ou non... bonne ou mauvaise affiliation?
II. Les chemins de lélection. Les modalités du rapport aux dieux dans le paganisme et le Soufisme... guerre des hommes et dévoration du maître.
Présentation dun paganisme historique constitué avant lirruption de la fracture monothéiste. Autour de Bruno Pinchard...
Bruno Pinchard
© photo Tobie Nathan
Présentation des perspectives
Trois perspectives sous-tendent notre problématique :
- Une perspective politique, premièrement : comment arracher la question païenne au néo-paganisme, comment la libérer des entreprises impérialistes et des naturalismes autoritaires? Comment faire remonter le continent païen dans sa douceur, contrastant avec les captures brutales opérées par la modernité? Proposition païenne sous le signe de la paix.
- Une perspective littéraire, ensuite : La mémoire doutre-tombe de Chateaubriand nous permet de répondre aux pressions de la modernité. Trois valeurs y sont présentes : la noblesse des moeurs, la beauté du langage et la majesté qui donne à lespèce humaine une certaine grandeur.
- Une perspective sinscrivant dans le débat qui nous anime, enfin : comment définir ce que serait une élection hors du champ dans lequel elle a été créée, à savoir la Bible ?
Deux voies de résolution se dessinent concernant cette dernière proposition : ou bien on part du texte biblique (élection locale dun peuple, cantique des cantiques pour un peuple, un Dieu, un livre), ou bien on cherche à créer un espace pour une voie délection complémentaire. La vocation des gentils, laquelle constitue une voie alternative, ouvre une perspective quant à elle trop large (prosélytisme à linverse de lintégrisme juif) : annonce de la Bonne Nouvelle et constitution dune Église comme communauté vivante du Saint-Esprit.
Cest le petit nombre de livres écrits sur le paganisme qui nous permettra de décrire lélection païenne : en particulier loeuvre de Virgile, les Énéides, les Bucoliques et les Géorgiques, laquelle permet détablir un statut païen. On peut également citer les Antiquités de Varron, lequel sattaque à une tâche ultime : les nominations enfin prononçables des dieux, écrits contrastant avec Le Livre de la tradition biblique caractérisé par lindicibilité de Dieu.
Virgile et linquiétude païenne...
Dans les Énéides, Virgile reprend lessence dÉné (fils de Vénus et dAnchise) comme initiale dans linquiétude païenne. Il sagit ici dun paganisme lunaire, entretenant des liens privilégiés avec le monde des morts. Tout se passe à Rome, majestueuse ville qui me donne la couleur de mes yeux, le marbre blanc et labsolu miroir de la terre. Ville encore qui me donne mes chances lors de mon retour dexil, de dépossession. Sobserve une conjonction régulière du divin et de lhumain : la Rome païenne fait droit aux religions, aux règles de la vie privée, à lorganisation de la vie publique par une nomination des dieux permettant laccès à toute une catégorisation du réel. Lanticipation de lincarnation est fondée sur la co-propriation des dieux et des hommes dans la terre païenne.
Étymologiquement, le terme "latin", les "latins" vient de latium, mot qui concentre à lui seul la vérité de ce paganisme blême. Vient de lateo qui signifie se cacher, se tenir en retrait, être dissimulé. Il sagit alors de sinterroger sur la latence constitutive du paganisme. Vient aussi de latona, la déesse Diane qui se cache dans les herbes. La question du paganisme remonte au cours des eaux de Diane et dAppolon, le fils de Laton. Pour que le paganisme grec puisse arriver à sa profondeur romaine, il fallait que le soleil soit complété par les sources des eaux. Le latin est celui qui fonde, qui enfouit dans la terre première, le latin se caractérise par un destin dinstauration.
Lélection païenne nest pas prophétique. Elle ne relève pas de lannonce, mais du secret, de loracle, de ce qui se cache et se soustrait : léradication et la ruine de Rome est comme son message même... latin. Quest-ce qui se cache dans le début de Rome : Éné, personnage provenant dune ville détruite qui a brûlé... païen absolu, il rencontre la perte essentielle de type prométhéen. Lhistoire romaine naît de lhistoire de Saturne chassé par Jupiter : de lOlympe est tombé Saturne, le premier caché, fuyant la foudre, exilé après avoir perdu sa royauté. Linséminateur commence par la pâleur : cest la métaphysique de lexilé que prolongera Dante, fils de Virgile. Saturne sera le fondateur dun âge dor : leffet de sa chute signe lâge des exilés cachés. Les âges dargent et de fer suivront. Éné sera lexilé de lâge du fer. Et larx sera le lieu démergence, la citadelle. Entre les thématiques de lenfouissement et de lémergence, Virgile témoigne dune rationalité par attraction, un magnétisme verbal qui respecte la discursivité du discours, sensible à la sphère archaïque du discours.
Dans les Bucoliques, Virgile nous dit encore : "nous fuyons la patrie", comme dans les Énéides : "je suis jeté dans lhistoire, fuyard persécuté par le destin". Lélection païenne est inséparable dune guerre des hommes à lencontre des dieux, à lencontre de la violence des supérieurs. "Si je ne peux plier les dieux supérieurs, je réveillerai lenfer", lélection se tourne vers la religion des morts, le lunaire. Lessence païenne conduit à lenfouissement des fondements de Rome pour instiguer les dieux dans le latium. Cest de là que vient la gente latine. "Par quelle divinité blessée sest retrouvé cet homme a subir tant de malheurs... pourquoi tant de colère dans les âmes célestes, un tel acharnement à légard de la terre?
Proposition de paix...
Notre proposition de paix sera la suivante : comment retrouver le sens du secret maintenu dans les émergences, lui-même associé à un sens de travail des hommes par rapport aux dieux?
Situation de guerre non-déclarée : le culte "blanc" des idoles
Ne sommes-nous pas plutôt dans une situation de guerre non-déclarée? Pourquoi ce conflit entre deux traditions, la tradition biblique et la tradition païenne? Et comment comprendre ce déchaînement anticipatoire par rapport au paganisme? Il semble que lhistoire du paganisme ait toujours été mal comprise : cest lhistoire dun long malentendu... La critique, et la proposition de paix qui la sous-tend, concernent la politique naturaliste : comment donner la parole à dautres natures, réhabiliter une assemblée des dieux? Il ne nous reste que des ruines du paganisme. Nous sommes arrivés moins comme des monothéistes subvertissant la multiplicité des dieux que comme des destructeurs didoles. Si la notion d "idole" renvoie à la valeur du "faire", lefficience romaine résonne dans le terme titemi qui vient du grec et du sanscrit thémis et qui signifie la justice comme étant ce qui est posé : lidole, je la fais parce que je la pose avec un fatum. Le fatum vient du terme fari, parler. Comment réarticuler fari et fatum, facere? Ce quon voulu faire les romains avec les idoles, cest la facticité posante selon une parole qui fait destin. Pourquoi ce déchaînement des chrétiens contre le paganisme, dés lors que nous le comprenons comme facticité posante? Le terme "païen" vient de pago, terme qui signifie pourtant "district". Ce qui explique que le processus de paganisation des religions anciennes sest opéré en reliant celles-ci sous forme de districts : César brisait les arbres sacrés des druides afin que les paysans ne soient plus autonomes. Lhistoire des idoles est celle dun long malentendu : il sagit peut-être moins dun passage du polythéisme au monothéisme, que des féticheurs aux briseurs didoles... Mais cette étrange histoire de la destruction des idoles nous caractérise, nous les "blancs", de façon cruellement singulière : cette longue histoire nous ramène aux grecs rompant avec les idoles de la Caverne mais dressant les Idées, aux chrétiens brûlant les statues païennes mais peignant les icones, aux protestants badigeonnant les fresques à la chaux mais dressant sur la chaire le texte véridique de la Bible, aux révolutionnaires renversant les anciens régimes et fondant un culte à la déesse Raison, aux philosophes du marteau, auscultant le vide caverneux de toutes les statues de tous les cultes, mais redressant les dieux païens de la volonté de puissance... Les "blancs" ne peuvent remplacer les idoles anciennes que par une autre statue, mais elle aussi brisée par le martyr et aussitôt détruite. Cest dire que les "blancs" rendent un culte aux idoles assez étrange, souvent mal compris, source de longs malentendus... telle que la guerre larvée séparant la Bible du paganisme.
Cest avec Saint-Augustin que nous pouvons tenter de comprendre "politiquement" ce passage du polythéisme au monothéisme, passage qui sera dit, historiquement, inaugurer le renversement du paganisme par la tradition du Livre. Dans la Cité de Dieu, Saint-Augustin opère une réfutation technique du paganisme avec un enjeu politique : les chrétiens ont voulu que leur Dieu prenne la place des dieux politiques des romains sous la forme dun Dieu spirituel. Or, les romains soutenaient lexistence de trois théologies. Une théologie du cosmos et de la nature, premièrement : les stoïciens. Une théologie civile, ensuite : le Panthéon permettant dasseoir la latinité du pouvoir. Une théologie des poètes, enfin : réservée au théâtre (le tragique : violence des mythologies primitives). Ces théologies supposent donc une nature autonome, des obscénités et des dieux des cités (fabriqués par les sociétés). Or, pour les chrétiens romains, Dieu fait la nature, Dieu nest pas obscène et ne supporte pas les idoles rivales. Ainsi se confrontèrent deux théologies du pouvoir dont lenjeu politique chrétien peut se lire, pour Saint-Augustin, dans une simplification du fait théologique de la triplicité à la trinité (entropie).
Situation de guerre anticipée...
Le latin est celui qui fonde, qui enfouit dans la terre première. Léléction païenne est celle du secret, de ce qui se cache et de ce qui se soustrait : le païen absolu rencontre la perte essentielle, lâge des exilés cachés. Lessence païenne conduit à lenfouissement des fondements de Rome pour instiguer les dieux dans le latium. Cette lecture implicite de léchec du paganisme romain comme message caché ne "marche"-t-elle pas encore dans la combine chrétienne? Il semble que le mot dordre qui expliquerait la chute, le pas qui donnerait la clé de son échec ne tienne pas compte du rapport quentretenaient les romains à leur ennemis. Le romain va sinvaginer dans une terre, il a perdu sa patrie, et il dit : pourquoi les hommes sont-ils des ennemis et pourquoi les dieux se vengent-ils? La grande faillite relève plutôt de létrange sentiment par lequel les peuples prédisent eux-mêmes quels vont être leurs ennemis : les romains avaient prévu que les chrétiens allaient les anéantir. Ils prédisent par où ils seront détruits.
Mais en quoi cette lecture implicite dans la littérature romaine nous oblige-t-elle à penser? En quoi cette logique de "prévision implicite de lennemi" nous permet-elle de comprendre notre occidentalité moderne?
Si lon peut tenter de décoder les discours des romains en tant quils annoncent implicitement leur échec, on ne peut cependant y lire un devenir commun des dieux et des hommes. Leur système ne permet pas aux hommes de devenir des dieux. LOccident sest toujours singularisé par une préservation de la transcendance des dieux. Il ny a pas de passage possible de lhomme à Dieu, pas dincarnation fondée sur la co-propriation des dieux et des hommes. Pas de conjonction du divin et de lhumain, pas de contact avec le divin sans lexpertise dun archevêque, dun pape, dun curé... et aujourdhui dun psychiatre. Il y a bien un devenir-Dieu possible, pensable, mais celui-ci sinscrit dans les parcours initiatiques dautres traditions : cest la relation au maître. Le maître est celui dont on se nourrit, dont on dévore une part. Et les récits qui décrivent ces singuliers rapports aux maîtres sont sans contenus : ils décrivent une multiplication de dévorations... à la différence des romains qui ne peuvent penser le rapport au maître sans quitter la relation à larchevêque.
Peut-on penser ce rapport au maître à travers la tradition du Soufisme?
Le monde de lIslam et la dimension du Soufisme. Autour de Faouzi Skali...
Une expérience vécue...
Le Soufisme est une tradition mystique à la recherche de la face cachée du mot "être". Cette face cachée de lêtre ne peut se réduire à lidée de "néant" et doit en être distinguée. Jétais un trésor caché, jai aimé et créé le monde afin dêtre connu de lui : la plénitude de lêtre se donne sous la forme dun trésor caché. Un passage du Coran est explicite à ce sujet : les mystiques initient Moïse afin quil parvienne à atteindre cette dimension cachée, à la découvrir par le biais dune déconstruction.
Le Soufisme renvoie au mystère dune expérience "au-delà de la parole", expérience pratique située dans une tension entre le caché et le manifeste :"sans goûter, tu ne peux savoir". Si lon reprend les histoires populaires, le secret est dans sarcnoun et non dans noun : cest pourquoi on ne peut en parler que par symboles. Le Soufisme exerce un rôle de remise en doute : la rationalité doit se fonder sur la complexité de lexpérience vécue. Cest une science des choses non-expérimentées, des états intérieurs : derrière la surface, les profondeurs de la voie du coeur. On retrouve cette tension dans le rapport qui existe entre la Kabbale (Judaïsme de Moïse Iddel : retrouver dans lénoncé de la loi sa complexification) et la Loi (Judaïsme sacerdotal de la Loi : interdits primaires du monothéisme) : il ne sagit pas de jouer lun contre lautre, mais de penser le non-manifeste comme inséparable du manifeste. Cest encore cette tension qui anime le Confucianisme par rapport à Lao-Tseu : cest dans cette interaction que naît le sens profond, la complexité de ce qui est vécu. Comment faire tomber le mur?
Le processus de désidentification..
Cest la question centrale : comment faire tomber le mur du moi? Lexpérience vécue renvoie prioritairement à un processus de désidentification, un processus de déconstruction des identités et des conditionnements. Lextinction progressive du moi permet déliminer les "idoles aliénantes" afin de retrouver le non-lieu, la présence de lêtre-en-soi. Ce processus de dépouillement se signifie comme le faker, la pauvreté, le "ne plus sattribuer". Ce sont ces identités, ces conditionnements qui nous rattachent à un certain état de conscience : on sen libère et on passe à un état au-delà des mots, au-delà de toute tentation de pouvoir. On arrive alors à lunivers psychique, lequel est plus vaste que le psychisme individuel inséparable dune recherche scientifique. Le processus samorce au travers dun passage, dune montée par différents niveaux de perception de ces êtres : il sagit dune série détats signifiés par des mots allégoriques qui font référence à une expérience vécue. Par exemple, 1) le moi despotique (amara : chef), le volontarisme et lautoritarisme personnels, lenfermement dans un univers clos, 2) lâme qui peut se blâmer de quelque chose (existence dun ordre moral), la capacité dévaluation, de regard sur soi, 3) lâme inspirée : degré dintériorisation, de voyage, de découverte, de dévoilement pour aller puiser dans une source plus transcendante de laquelle on reçoit, capacité de recevoir dune source supra-rationnelle, 4) lâme pacifiée, etc. Ces différents degrés du moi ont été colorés : en fin de parcours, la couleur est transparente, la subjectivité disparaît et lessentiel est caché, non-révélé. Quon pense à lexistence du célèbre Ibn Arabi : à Fez, marchand de henné, il vivait selon un degré dinsignifiance complète...
Le rapport au maître...
Le rapport au maître : sans goûter, tu ne peux savoir... Processus de dévoration? le savoir ne sort que dune expérience partagée, dun voyage commun et jamais dun savoir surimposant, dune autorité extérieure : il sagit dun désir commun, dune interaction vivante. Cest avant tout la création et laccomplissement dun culte qui permet déviter la construction close.
III. Irréductibilité de lobjet-concept à lobjet-sort
Nous avons posé le problème du contraste entre les voies de la guérison et les voies du salut, entre la conversion comme mécanisme résultant dun dispositif sans objet et les voies de la conversion comme salut... Mais aussi entre les "autres" et "nous", entre les mondes à univers pluriel et nos mondes en guerres, nos mondes à nous, les blancs. Comment les blancs peuvent-ils bien se présenter? fut notre question inaugurale. Comment pouvons-nous, nous les "blancs", nous faire les représentants "engagés" par notre tribu occidentale, cette tribu faite de républicains laïcs, de techniciens scientifiques... mais aussi de philosophes : ces fameux constructeurs de concepts. Comment ceux-ci peuvent-ils eux aussi se présenter comme "engagés" dans un parlement contradictoire où négocient entre eux les multiples diplomates et leurs propriétaires? Engagés et représentants de leur tribu à eux, de leurs ancêtres à eux, les philosophes? Thérapie et philosophie peuvent-elles dés lors sexposer au risque dune confrontation?...Deux multiplicités opératoires irréductibles, dirait Deleuze.
La question de la non-communication. Autour de lintervention deleuzienne de Brian Massumi...
Brian Masumi
© photo Tobie Nathan
Isabelle Stengers définit le monde commun comme construction active de possibilités de distance et comme impossibilité dinterchangeabilité des places. Impossibilité contrastant avec les idéaux post-modernes dun Habermas ou des mouvements gauchistes...
Lincommunicabilité comme bégaiement...
Deux sources pour cette question de la non-communication. Une japonologue australienne, S. Berkeley, et G. Deleuze, dans son essai sur le bégaiement. Le bégaiement peut se comprendre comme pacte non-dit de passer sur le silence qui fait sensiblement bruit. Un seul phonème en fuite du langage qui résiste à toute articulation volontaire, lattente du sens sans pouvoir de décision. Dans le bégaiement, on ne peut plus se définir, on reste relation : fait brut sans définition de sens. Socialité, être-ensemble sans qualité. La socialité est bégaiement et lêtre-ensemble sans qualité est la tenue en réseau de la différence articulée. Cest une force de répétition immanente au langage. Simondon en parle comme dun champ pré-individuel. Lêtre de la relation est une tension, une polarité, une tendance : rien ne se détache, ni ne coïncide. La socialité dépend dune appartenance indivise, dune symétrie indépassable, dune impossibilité intégrale de prendre une part de lautre. Le discours contient son asymétrie constitutive, le langage traduit-trahit sa propre condition. Comment donner à ce noyau de lincommunicabilité une description positive, une description plus technique le rendant apte à sappliquer à un champ dintervention en soi? Simondon décrit le champ pré-individuel comme un champ fait de différenciations complexes, dans une instantanéité de la variation, et selon une résonance locale globale : susceptibilité de tous les termes à subir instantanément un même effet et à exprimer ce qui se passe dans une variation locale globale. Lêtre en relation est premier par rapport aux qualités individuelles (unité dynamique de ce qui sindividue). Il faut différencier la cause (propagation linéaire) de linstantanéité locale de sa propre effectuation. Deleuze et Guattari en parlent comme dune quasi-cause : action de moduler instantanément lunité dynamique dun champ dappartenance opérant de façon sauvage. Cest le suspend de la conversation : la collision, la négociation modifiée par lirruption... feu dune socialité sans expression. Logique de lindéterminé : linclusion des variations comme outils techniques façonnés pour se connecter.
Le performatif
Le performatif peut se définir comme capacité à transformer instantanément un état de chose, rien quen parlant avec des mots. La performance est prise en charge dun champ relationnel, force dynamique qui nappartient quà lappartenance. La performance est potentiel de trahison, de divorce...
On peut, à laide de ce performatif, tenter le rapprochement entre les pensées primitives et modernes. Giordano Bruno définissait la magie comme lart dallier la connaissance et la puissance dagir. Pour une pratique magique politique...
Un exemple. Année 1988, bicentenaire de la colonisation du continent en Australie. La réconciliation samorce : réclamation du droit ancestral pour les aborigènes, reconnaissance par le système juridique de la loi des aborigènes (tradition), nécessité dune assistance sociale, etc. Les aborigènes créent une mosaïque traditionnelle pour loccasion. Mais un motif dans la mosaïque performait un potentiel de trahison : une malédiction contre les blancs. Le performatif rapproche la malédiction de la limite, fait bégayer la socialité australienne. Cest un performatif indépendant dun quelconque contenu informationnel, il précipite toute une population dans la difficulté de se parler. Et comment surmonter cet épanchement du racisme entre les militants modernistes et les traditionalistes? La question qui se pose dés lors : comment faire pour que la conversation reprenne? Cest une transformation et locale et globale.
Le dispositif de communication capture la différence culturelle, il détermine des termes relatifs enchevêtrés dans des enchaînements narratifs en termes normatifs, il développe des asymétries de base en divisions achevées.
Ne pourrait-il y avoir, entre le dispositif "objet" et le dispositif "être", un être de la relation : un processus transformationnel entre la forme et linforme, telle une technique quasi-causale et opératoire selon laquelle les niveaux se relayent et se résorbent mutuellement.
Le performatif se déploie à un double niveau. Un niveau éthique, tout dabord : comment soigner lêtre ensemble, comment pouvons-nous nous faire les intercesseurs soignant les appartenances? Un niveau politique, ensuite : comment négocier avec les formes établies? Une troisième technique est envisageable, sous une forme qui relie les deux premiers niveaux : le niveau éthico-politique. Comment soccuper du rythme, du processus en tant que tel? Telle létho-poièse : la création dêtres condamnés à vivre-ensemble? Comment fonder un nouveau droit à la non-communication? La nécessité de sexprimer amène à une capture par un dispositif qui souvent divise... mieux vaut bégayer.
Négociation?
On peut distinguer le bégaiement événementiel "deleuzien", prolongé dans le sens dun performatif éthico-politique, du bégaiement "ferenczien". Si lon peut lire dans le performatif une nouvelle forme dêtre de la relation, de négociation pré-individuelle, au contraire, selon Ferenczi, le bégaiement est ce qui transis lespace du scepticisme moderne : il est ce qui permet de se connecter à dautres pratiques en terme de force.
Mais ne peut-on, à côté de ces formes philosophiques et psychanalytiques, inscrire le concept "performatif" dans la singularité de la tradition quil prolonge? Peut-être le performatif est-il le vecteur dun avenir à la mesure du passé singulier quil prolonge? Lancêtre du performatif nest-il pas, éventuellement, le sacrement? Nous ne savons plus ce quest le performatif... les mots sont les vecteurs dinconnues.
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