Ce texte est le résumé d’un mémoire de DEA soutenu par Georges Bloch en juin 2000, dans le cadre de l’Institut d’Études Européennes de l’Université de Paris 8 (Mutations des sociétés et cultures en Europe) – mémoire intitulé :

LES ORIGINES CULTURELLES DE GEORGES DEVEREUX ET LA NAISSANCE DE L’ETHNOPSYCHIATRIE

par Georges Bloch


Georges Devereux
(1908-1985)
© photographie Tobie Nathan

 

L’œuvre de Georges Devereux est très vaste, variée et souvent difficilement accessible, touchant plusieurs domaines de connaissances. Mal connue, rédigée en français et en anglais, avec quelques interviews explicatives données en allemand, elle comprend plus de trois cents titres, parmi lesquels treize livres publiés (bibliographie de Georges Devereux).

Théoricien, ethnologue, il a ouvert et élaboré un nouveau domaine scientifique : l’ethnopsychiatrie qu’il lui est arrivé d’appeler " ethnopsychanalyse ", dont le précurseur fut Géza Róheim, de même origine et de même culture que lui. Tous deux se sont inscrits dans la suite du courant né de la parution de Totem et tabou de Sigmund Freud (1913) et qui n’a pas tellement eu d’autres héritiers. Georges Devereux était aussi l’initiateur d’une pratique transculturelle de la psychiatrie, expliquant les relations entre le psychisme et la culture, entre les normes sociales et les désordres de l’esprit.

Poète, pianiste (amoureux de Mozart), compositeur, helléniste, chaman, il a fait de l’exil son pays.

Les origines de Georges Devereux remontent à cette Europe centrale, difficilement définissable de par sa complexité ethnique et politique, d’une ‘’géométrie historiquement variable’’, et plus spécialement du sud de la Transylvanie, – région appelée Banat.

Il est né le 13 septembre 1908 à Lugoj, ville hongroise à l’époque de sa naissance, sous le nom de György Dobó et est décédé le 28 mai 1985 à Paris sous le nom de Georges Devereux.

Hongrois de naissance, devenu Roumain après 1918 (Lugoj revenant à la Roumanie après le Traité du Trianon), Français par choix, Américain sur son passeport, Mohave de cœur et par élection. Juif de naissance, il a dénié par la suite sa judéité. Incinéré à sa mort et à sa demande, ses cendres reposent chez les Mohaves, peuple auquel il s’est identifié et qui, avec la Grèce Antique, restent sans doute parmi les seuls à mériter son admiration.

" Poète, pianiste (amoureux de Mozart), compositeur, helléniste, chaman, il a fait de l’exil son pays. "
La jeunesse de Georges Devereux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le contexte historique, social et culturel de l’Autriche, de la Hongrie et de la Roumanie avant 1926.

L’empire Austro-hongrois à la fin du XIXe siècle a été le lieu d’une véritable explosion culturelle et l’on comprendrait mal la monarchie si l’on n’évoquait, même brièvement, les immenses progrès accomplis dans ce domaine, ainsi que le rôle joué par Vienne et Budapest dans la culture européenne à la veille de la Première Guerre mondiale. Cette explosion culturelle se fait ressentir dans tous les domaines comme : la littérature, les arts plastiques, la musique, les sciences (médecine, physique, psychologie, on assiste à la naissance de la psychanalyse), la philosophie, la politique, etc.

Tout au long de la seconde moitié du XIXe siècle, en Autriche et aussi, un peu moins en Hongrie, on assiste à un déclin relatif mais régulier de l’aristocratie.

Comme le remarque Carl Schorske dans Vienne fin de siècle, l’aristocratie a cessé de jouer un rôle de mécénat et la vie culturelle s’est trouvée déplacée dans la " seconde société " (en allemand Zweite Gesellschaft). Celle-ci est composée essentiellement d’anoblis de fraîche date, de grands bourgeois, d’intellectuels et de juifs assimilés. Cette réussite correspond aux succès de l’ère libérale, le phénomène étant identique à Budapest. Le prolétariat se développe parallèlement avec l’industrialisation et la croissance des deux capitales, Vienne et Budapest.

Le phénomène de la migration des populations a toujours été présent dans l’empire des Habsbourgs – qui a même été encouragée par Vienne, surtout pour la Hongrie et la Transylvanie. Ainsi en Hongrie, les Magyars étaient en minorité ; ce qui a conduit à un réveil de l’ambition nationale sous une forme libérale, inspirée par le libéralisme anglais et les idées de la Révolution française. L’élite accélérait l’émancipation des Juifs hongrois accrus en nombre et déjà puissants sur le plan économique.

La bourgeoisie juive riche et cultivée, qui s’était intégrée dans la seconde société, provenait pour l’essentiel des pays tchèques, où ils avaient connu l’émancipation depuis plus longtemps et activement participé à l’industrialisation. De là provenaient, à l’exemple viennois, les universitaires (Sigmund Freud), des écrivains, des artistes, etc. Cette bourgeoisie, suffisamment assimilée pour se convertir comptait notamment Karl Kraus, Arnold Schoenberg, Gustav Mahler… les Baruch devinrent les Hoffmannstahl. Le destin et le parcours de chaque protagoniste de cette culture ‘’fin de siècle’’ (ou début du XXe) sont évidemment fort différents l’un de l’autre (voir la différence entre le parcours de Freud et celui de Théodore Herzl, ce dernier étant, lui aussi, un juif hongrois) ; leurs influences ont néanmoins marqué toute une génération.

Un autre phénomène produit des remous : la " magyarisation " forcée ; et plus particulièrement au tournant des années 1880 -1890 lors des préparatifs des festivités du ‘’millénaire’’ de la naissance de la Hongrie (1896).

Dans la population juive, surtout en voie d’assimilation, la fréquence des changements de noms est dans la logique de l’assimilation — c’est-à-dire de l’effacement des différences, l’homogénéisation aussi complète que possible. Ainsi un Weiss devenait Fehér, Klein se changeait en Kis, Fränkel était devenu Ferenci (puis Ferenczi)… des noms comme Balint, Radó, Fodor, Varga, Török, Kennedy, etc, remplacent les noms anciens. Il est vraisemblable que le nom " Dobó " soit apparu dans la même période.

En 1916, à la date de l’entrée en guerre de la Roumanie contre l’Autriche-Hongrie, seule une minorité d’activistes roumains, envisageait d’annexer la Transylvanie et le Banat à la Roumanie. Après la défaite de 1918 et conformément au traité du Trianon, cet annexion de territoire créa une fracture profonde entre Hongrois et Roumains.

L’économie de guerre a laissé exsangue aussi bien l’Autriche que la Hongrie (y compris ses provinces de Transylvanie et du Banat) et a conduit à une baisse sensible du revenu des populations.

L’année 1918 était donc l’année des défaites. Après la paix signée en mars à Brest-Litovsk avec la Russie, après l’échec de l’offensive autrichienne sur la Piave contre les Italiens et après l’entrée de la Roumanie aux côtés de l’Entente, rien ne pouvait plus arrêter les troupes françaises commandées par le général Franchet d’Esperey (successeur de Sarrailh) de pénétrer en Hongrie méridionale. La ville de Lugoj fut également occupée par les troupes françaises, et il paraîtrait que le jeune György Dobó, alors âgé de 10 ans, a connu le général français à cette occasion.

La guerre et l’inflation furent rendues responsables du malheur dont tout le monde souffrait, et les masses n’étaient plus disposées à poursuivre l’effort. Par ailleurs, la révolution d’Octobre 1917 en Russie commençait à susciter de grands espoirs dans les masses. Dans ce contexte, le parti communiste de Béla Kun fut formé en Hongrie en décembre 1918, avec un certain nombre d’anciens prisonniers de guerre, convertis au léninisme en Russie.

Le 21 mars 1919, un Manifeste du Conseil de gouvernement révolutionnaire, désigné par le Conseil ouvrier et composé de sociaux-démocrates et de communistes, proclame la transformation de la Hongrie en République des Conseils, sur le modèle de la Russie.

Le fait que Béla Kun et la majorité des membres de l’état-major de la Commune étaient d’origine juive a provoqué une flambée d’antisémitisme, voire de terrorisme, dont communistes, socialistes et juifs eurent également à souffrir.

La contre-révolution s’organisa d’abord à l’étranger (à Vienne) puis un contre-gouvernement fut crée à Arad ensuite à Szeged occupée par les troupes françaises. Finalement l’ancien contre-admiral de l’armée autrichienne, Miklos Horty a organisé une " Armée nationale " et avec l’accord des puissances de l’Entente et des Tchèques a repris le pouvoir (car Horty était prêt à signer le diktat de paix, ce que Karolyi et les communistes avaient refusé).

Dans ce contexte, le Parlement, élu au suffrage universel mais truqué, adopta la prèmière loi antisémite en Europe, le " numérus clausus " limitant le nombre de Juifs admis dans les universités. La conséquence fut qu’un certain nombre d’intellectuels, et non des moindres, choisirent l’émigration vers l’Allemagne, l’Autriche, la France et surtout vers les Etats-Unis. Par la suite, un grand nombre parmi eux ont acquis une réputation internationale.

Que se passe-t-il alors en Roumanie en cette même période précédant le départ à Paris, en 1926, du jeune György Dobó ?

Alors qu’en Hongrie l’émancipation des juifs a été votée par une loi, bien laconique, le 27 décembre 1867 reconnaissant aux juifs l ‘égalité des droits avec les autres citoyens, en Roumanie la situation des Juifs était totalement différente. En effet, dans la période d’avant la Première Guerre, l’antisémitisme était devenu partie intégrante de la vie intellectuelle. Avant la guerre, les Juifs étaient exclus de la citoyenneté, ils ne pouvaient acquérir d’exploitations agricoles, et ne pouvaient se faire naturaliser en raison de de leur " non-appartenance à la Chrétienté ". Ils ont été exclus de la vie politique : beaucoup d’activités politiques, économiques et culturelles leur ont été interdites, ils restaient des étrangers. Le caractère urbain de leurs communautés faisait que leurs membres avaient des activités prédominantes dans le commerce, l’artisanat et l’ industrie.

Dans la même période, le " concept de Grande Roumanie " prenait naissance, avec l’idée de rassembler et unir toute la population " Ethniquement Roumaine " des territoires limitrophes de l’ancien royaume. Après l’émergence d’une notion d’identité nationale et la réunion des deux principautés séparées depuis le Moyen-Âge ; d’abord sous l’influence de la révolution de 1848, puis après l’élection du prince Alexandru Ioan Cuza comme souverain unique de la Moldavie et de la Valachie, une même entité roumaine apparaît enfin. En 1866 Cuza est remplacé par le Prince Carol Ier de la dynastie allemande des Hohenzollern qui est alors couronné roi de Roumanie. Le pays est reconnu indépendant par les puissances européennes en 1878.

L’idée de la " Grande Roumanie " a triomphé après 1918 avec la désagrégation de l’empire Austro-Hongrois. La délégation roumaine à la négociation de paix de Versailles, a obtenu les provinces de  Transylvanie (appartenant auparavant à la Hongrie), Bucovine (auparavant autrichienne) et Bessarabie (auparavant russe) au Royaume Roumain. Ainsi, la " Grande " Roumanie  a plus que doublé son territoire et sa population. Cette population, du point de vue ethnique et religieux, est devenue très diversifiée, et ceci surtout dans les provinces nouvellement acquises. Ainsi le nouvel état avait une population minoritaire, ethniquement non-roumaine, autour de 30 % – le groupe le plus significatif étant la population juive.

Le caractère éminemment agricole du pays avec, dans les villes, une forte population " étrangère ", spécialement dans les provinces nouvellement acquises, faisait que pour les gouvernements, la constitution et l’implantation d’une élite de souche roumaine s’imposait comme une priorité. De ce fait, un climat nationaliste populiste, xénophobe avec un discours antisémite se développait de plus en plus. Ceci était encore exacerbé par l’opposition paysannerie - population urbaine non-roumaine, et les problèmes liés aux disparités culturelles. En conséquence, le système scolaire et universitaire devenait un instrument stratégique dans la politique de " roumanisation " des régions et donc de la consolidation des acquis territoriaux – d’autant que dans les années vingt, les villes, de ces nouvelles provinces n’étaient peuplées que de moins d’un tiers de Roumains de souche.

Les langues hongroise et allemande étaient couramment utilisées par les habitants de ces régions nouvellement rattachées à la Roumanie, ce qui posait problème aux nouvelles autorités décidées à introduire la langue roumaine dans les écoles et dans l’administration.

Lors de l’unification de 1918-1920, trois initiatives, jugées révolutionnaires, étaient envisagées sous la pression, modérée, il est vrai, des puissances occidentales signataires du traité de paix : le suffrage universel (mais pas encore la vote des femmes), une réforme agraire et l’émancipation des Juifs. Ces mesures, par elles-mêmes démocratiques, ont été fortement destabilisatrices. Dans l’arène électorale apparaissaient le Paysan et le Juif, mais, dans la symbolique roumaine, le juif était l’antipode du paysan ; les conflits devenaient inévitables.

Les conflits les plus révélateurs ont eu lieu en 1921-1922, conduisant à la création d’une " Union Nationale Chrétienne . L’origine de ces conflits était dûe à l’élite roumaine, plus précisément au milieu scolaire et universitaire. Ce milieu est parti du constat que les enfants non-roumains étaient les plus hautement scolarisés. Par exemple, dans les universités, les Juifs représentaient dans certaines disciplines (droit, médecine et pharmacie) jusqu’à 50 % du nombre des étudiants.

Devant cette situation, un fort mouvement nationaliste estudiantin – qui s’est plus tard transformé en un mouvement fasciste (les Légions de l’Archange Michel et plus tard les Gardes de Fer), a fomenté des émeutes qui culminèrent en 1922. L’exclusion des juifs des campus universitaires était demandée ainsi que l’introduction d’un système de numerus clausus. Il a même été demandé l’interdiction de changer les noms à consonance non-roumaine en noms roumains, pour empêcher l’entrée, par ce biais, des minorités dans l’enseignement supérieur.

La situation conflictuelle ainsi créée en Roumanie, plus particulièrement dans les provinces de Transylvanie et du Banat, touchant les minorités, a été fortement ressentie dans l’environnement de la famille Dobó à Lugoj. Mais avant de décrire la jeunesse de György (Gyuri pour les familiers en hongrois), devenu Gheorghe en roumain (donc voici son premier changement de prénom !), nous n’allons pas nous attarder seulement, comme on l’a fait jusqu’à présent, sur le contexte historique et social de sa jeunesse. Une influence majeure sur son développement intellectuel a été aussi le contexte culturel à l’époque de sa jeunesse, dont jusqu’à présent nous nous sommes contentés de donner seulement quelques repères.

Nous avons déjà brièvement mentionné qu’à Vienne comme à Budapest, à la fin du siècle a eu lieu une vraie explosion culturelle. Le vivier de cette culture et de la création artistique était la " seconde société " composée de ceux qui craignaient le retour en force du conservatisme clérical et qui étaient tourmentés par l’apparition de l’antisémitisme. Cette société était dominée par une élite intellectuelle d’origine juive, ayant plus ou moins rompu avec la religion de leurs pères et de toute façon assimilée. Certains étaient des sociaux-démocrates actifs comme Victor Adler ou Otto Bauer, les autres se réfugièrent dans le culte de l’art pour l’art et l’invention de la modernité ; d’autres enfin fondèrent avec Théodore Herzl, profondément choqué par l’affaire Dreyfus, le mouvement sioniste.

Avant, et tout suite après la Première Guerre, à Vienne la littérature était dominée par la figure d’Hugo von Hofmannsthal, décédé en 1929. Il fut un maître de la poésie lyrique et de la dramaturgie fournissant aussi des livrets d’opéra à Richard Strauss comme le Chevalier à la Rose (der Rosenkavalier). La nouvelle génération d’écrivains se regroupa sous la rubrique " Jeune Vienne ", tous contestataires de la culture bourgeoise et de sa moralité. Leur chef de file fut Hermann Bahr, et c’est grâce à lui qu’Arthur Schnitzler devint célèbre. Le Praguois Franz Werfel et le Viennois Stefan Zweig affirmèrent leur talent. La période 1900 fut également faste pour la littérature Hongroise. On retrouve de grands noms comme Endre Ady ; Zsigmond Moritz, Mihàly Babits, Endre Kosztolànyi, François Molnar, Arthur Koestler et Georges Lukacs. Seuls ces trois derniers seront réellement connus à l’étranger.

L’architecture et la peinture ont aussi connu un renouveau. À Vienne les architectes Otto Wagner et Adolphe Loos ont rompu avec le style et la décoration baroque. En peinture Gustave Klimt prit la tête d’un mouvement typiquement viennois, la " Sécession ", l’équivalent de " l’Art Nouveau ". Les jeunes artistes contestèrent les traditions académiques, ils s’inspiraient des impressionnistes français, des naturalistes Belges et des préraphaélites. La " Sécession " était le salon des refusés des Viennois. Se regroupant autour de leur revue Ver Sacrum (Printemps sacré), ils voulaient se dégager de leurs aînés, pour " tuer le père " comme Freud commençait à le leur enseigner (voir l’oeuvre de Klimt et notamment Thésée tuant le Minotaure).

En musique aussi la jeune génération se tourna contre les règles classiques ou néo-classiques représentées par Johanes Brahms. Parmi ceux qui se font connaître à cette époque on peut citer Anton Bruckner, Hugo Wolf, Gustave Mahler ou les jeunes Arnold Schoenberg, Alban Berg et Anton von Webern, qui ont crée le " seconde École de Vienne " après Beethoven et Schubert, notamment après 1920 avec l’apparition du dodécaphonisme.

Un des hommes les plus importants de cet début de siècle demeure, bien entendu, Sigmund Freud. Il est très représentatif du milieu intellectuel viennois juif, dont la famille est venue de Moravie, complètement assimilée. Malgré de brillantes études et un séjour à Paris en 1883, il eut du mal à se faire nommer professeur titulaire à la faculté de médecine de Vienne, retard qu’il attribuait à l’antisémitisme. Toutes ses frustrations ont certainement contribué à l’élaboration de la méthode psychanalytique.

La psychanalyse eut un retentissement prodigieux d’abord chez ses disciples viennois et en Europe centrale, puis dans le monde entier. Le Hongrois Sandor Ferenczi, qui fut un des disciples les plus proches de Freud, créa à Budapest, l’une des écoles de psychanalyse les plus prestigieuses du monde, dont Melanie Klein, Michael Balint, Imre Herman, Géza Róheim, Nicolas Abraham, Maria Török, Béla Grunberger, André Haynal et bien d’autres peuvent se prévaloir.

L’œuvre de Georges Devereux est très vaste, variée et souvent difficilement accessible, touchant plusieurs domaines de connaissances. Mal connue, rédigée en français et en anglais, avec quelques interviews explicatives données en allemand, elle comprend plus de trois cents titres, parmi lesquels treize livres publiés (bibliographie de Georges Devereux).

Théoricien, ethnologue, il a ouvert et élaboré un nouveau domaine scientifique : l’ethnopsychiatrie qu’il lui est arrivé d’appeler " ethnopsychanalyse ", dont le précurseur fut Géza Róheim, de même origine et de même culture que lui. Tous deux se sont inscrits dans la suite du courant né de la parution de Totem et tabou de Sigmund Freud (1913) et qui n’a pas tellement eu d’autres héritiers. Georges Devereux était aussi l’initiateur d’une pratique transculturelle de la psychiatrie, expliquant les relations entre le psychisme et la culture, entre les normes sociales et les désordres de l’esprit.

Poète, pianiste (amoureux de Mozart), compositeur, helléniste, chaman, il a fait de l’exil son pays.

Les origines de Georges Devereux remontent à cette Europe centrale, difficilement définissable de par sa complexité ethnique et politique, d’une ‘’géométrie historiquement variable’’, et plus spécialement du sud de la Transylvanie, – région appelée Banat.

Il est né le 13 septembre 1908 à Lugoj, ville hongroise à l’époque de sa naissance, sous le nom de György Dobó et est décédé le 28 mai 1985 à Paris sous le nom de Georges Devereux.

Hongrois de naissance, devenu Roumain après 1918 (Lugoj revenant à la Roumanie après le Traité du Trianon), Français par choix, Américain sur son passeport, Mohave de cœur et par élection. Juif de naissance, il a dénié par la suite sa judéité. Incinéré à sa mort et à sa demande, ses cendres reposent chez les Mohaves, peuple auquel il s’est identifié et qui, avec la Grèce Antique, restent sans doute parmi les seuls à mériter son admiration.

 

Enfance et adolescence (1908—1926 à Lugoj).
 

 

Fils d’Eugène Dobó, Georges Devereux est né dans la petite ville de Lugoj, chef-lieu d’un canton, situé à 60 km à l’est de Timisoara (à l’époque Temesvàr), capitale de la province de Banat. À cet endroit, la Puszta (la plaine hongroise) touche les premières collines des contreforts de Carpates. La ville de Lugoj est traversée par la rivière Timis. Elle a été constituée à l’époque de trois quartiers : allemand, hongrois et roumain.

Sa mère, Margareta Deutsch parlait plutôt la langue allemande. La famille, typique de la bourgeoisie juive aisée, était une famille d’intellectuels et, comme souvent dans ce milieu, mélomane. Apparemment son père, qui était avocat, fut connu à Lugoj pour ses opinions socialistes et son esprit libéral. Ce que nous savons de la vie du jeune György, concernant la période vécue dans sa ville natale, nous le savons des entretiens qu’il en a donnés en 1982 et 1984. Son père décède quand György a 49 ans.

Son grand-père maternel avait deux filles. Cinq de ses petits-fils deviendront professeurs à l’Université, mathématiciens et physiciens aux États-Unis. Ce type d’études est donc récurrent dans la famille. L’un de ses cousins, Edward Teller, peut être considéré comme le père de la bombe thermonucléaire, qui, par ailleurs, se déclare ouvertement juif, fait qui met dans l’embarras Georges Devereux, quelques années plus tard au moment de sa conversion. Devereux évitera autant que possible de parler de ses origines et de sa religion.

Très tôt déjà, le jeune György est prédestiné à devenir polyglotte. Il connaît dorénavant quatre langues, il en parlera huit plus tard.

Georges Devereux ne gardera que peu de souvenirs plaisants de sa ville natale, en dehors de la nourriture et de la baignade dans la rivière. À part cela, il y est " très malheureux " et il ajoute dans son entretien avec Ekkehard Schröder : " Aussi longtemps que je me souviens, je n’avais qu’un seul désir : m’en aller loin, loin, loin… ". Il se plaignait du manque d’amour maternel et ne désirait rien tant que de s’en aller découvrir d’autres horizons.

Georges Devereux voulait devenir pianiste virtuose, et s’est beaucoup dépensé pour atteindre ce but dès son plus jeune âge. Une opération mal exécutée par un " chirurgien de province ", de sa main droite, l’empêchera de réaliser ce rêve. Il ne voulait pas devenir compositeur " ne voulant pas mourir de faim ", malgré ses connaissances musicales.

György commence à écrire très tôt, mais c’est véritablement à quinze ans qu’il écrit ses premiers poèmes. Il en publie à l’âge de seize ans dans la presse locale, et à partir de 1924, il commence à signer ses poèmes " Georg S ".

Un événement tragique s’est produit en 1925 dans sa vie, c’est le suicide de son frère Istvan. Cet événement le bouleversa profondément. Une myopie apparut soudainement et après un effondrement physique consécutif à la douleur de cette perte, le jeune György serait arrivé dans une école de Schloss-Heiligenstadt en Haute-Bavière. C’est peu après qu’il partait à Paris continuer ses études.

" Son grand-père maternel avait deux filles. Cinq de ses petits-fils deviendront professeurs à l’Université, mathématiciens et physiciens aux États-Unis. "
Jeunesse ( années parisiennes : 1926- 1932).

Lorsque György Dobó arrive à Paris en 1926, âgé de dix-huit ans, c’est pour apprendre la physique, la chimie et les mathématiques. Il étudie avec Marie Curie et Jean Perrin, et il restera toute sa vie imprégné par ces connaissances, surtout par les théories probabilistes de Werner Heisenberg, Niels Bohr et Georges Cantor. György va interrompre ses études à cause de disputes avec ses parents, et décide d’apprendre un métier afin de plus être à leur charge.

On peut se demander pourquoi notre jeune homme a choisi la France comme pays d’immigration. Il s’explique sur ses choix ainsi : " L’origine de ma famille ; mon amour pour la littérature française, faire le contraire de sa mère qui haïssait les Français et contre la passion de sa mère pour tout ce qui était allemand.

En 1927, György Dobó écrit quelques textes et poèmes en allemand. Afin de pouvoir situer son activité littéraire et ses fréquentations parisiennes, nous allons brièvement analyser l’environnement culturel et artistique parisien, qui devait représenter un vrai changement, pour notre jeune provincial, débarqué de son Europe centrale.

Le contexte de la France, et de Paris plus particulièrement, dans les années qui précédèrent l’arrivée de György, n’est plus le contexte de la " Belle Époque ". La fin de la guerre de 1914-1918 bouleverse bien des choses, les mentalités changent. Place à la vitesse, au rythme saccadé de l’industrie et de la musique, au désir de s’éclater, aux " Années Folles ", au modernisme, c’est-à-dire à l’expression d’un monde transformé.

Pour les dadaïstes (leur initiateur Tristan Tzara était aussi un juif originaire de Roumanie) ou pour les surréalistes, 1924 est l’année du Manifeste du surréalisme lancé par André Breton. Ainsi les " Twenties " apparaissent comme une époque déconcertante. À Paris, toutes les excentricités sont permises, les gens s’amusent, c’est la Folle Époque, indifférente à la montée du nazisme et du fascisme comme aux crises sociales. La ville présente une attraction extraordinaire, elle est accueillante pour les étrangers de tous horizons : écrivains, artistes, intellectuels ou mondains. Tous se retrouvent à Montparnasse, ou dans les cafés de Saint-Germain.

Le cinéma commence à prendre une place importante. En 1925 Chaplin crée " La ruée vers l’or ". La même année George-Bernard Shaw présente " Sainte Jeanne " jouée par les Pitoëf. C’est aussi l’année de la Revue Nègre de Joséphine Baker et de l’Exposition des Arts Décoratifs. À côté, des grands artistes comme Matisse, Picasso, Delaunay, Léger, Brancusi, Bonnard ou Kandinsky, travaillent à leurs œuvres novatrices. En 1925 à Paris, a lieu la première exposition surréaliste à laquelle participent Picasso qui vient d’achever " la Danse ", Chirico, Max Ernst, Masson, Man Ray, Klee, Miró… Breton entreprend dans " La Révolution Surréaliste " la publication de ses articles sur " le Surréalisme et la Peinture " où il reproduit pour la première fois " Les Demoiselles d’Avignon ", Mondrian, Brancusi avec son " Oiseau dans l’espace " ou Malévitch commencent à être présentés. Les " années folles " finissent avec la crise de 1929.

Dans l’énumération des divers mouvements artistiques qui existaient avant l’arrivée de György Dobó (futur Georges Devereux) à Paris, mouvements qui ont pu ouvrir ses horizons culturels, nous n’avons analysé ni le fauvisme ni le cubisme, ni les divers courants de peintures ou de sculptures abstraites ou néo-réalistes. Ces courants, ont été promus par des artistes français ou étrangers, dont nombreux furent des immigrés d’Europe centrale ou de Russie, comme ce fut le cas de ceux regroupés sous le nom de " Ecole de Paris ".

Arrivant à Paris, notre jeune homme suit un itinéraire assez semblable à bien d’autres intellectuels juifs d’origine hongroise : Michael Bàlint, Arthur Koestler… Il fait connaissance de Klaus Mann, avec lequel il se liera d’amitié et qui lui publiera des nouvelles

En 1928, Il se rend à Leipzig pour faire un apprentissage de libraire à la Buchhändlerlehranstalt, et il dit lui-même à ce sujet dans son interview de 1983 : " Je voulais me débarrasser de ma maison parentale et vite apprendre quelque chose ". Après quoi, en 1929, il revient à Paris et trouve du travail chez un éditeur.

Suit un court retour en Roumanie où ses parents l’avaient fait rapatrier contre son gré à la suite d’une hospitalisation de 10 semaines à l’Hôpital Pasteur suite à une fièvre typhoïde. Georges revient à nouveau à Paris (afin d’échapper au service militaire roumain), où il s’était inscrit au cours de malais à l’Institut des langues orientales juste avant d’aller en Roumanie. Une fois de retour à Paris il termine ses études de langue malaise en une année et demie au lieu de trois ans. Après ses études de malais et ses lectures multiples sur le sujet, il espère obtenir facilement le diplôme universitaire en ethnologie, sans suivre de cours, avec Marcel Mauss et Lucien Lévy-Bruhl. Les deux professeurs le mirent à la porte pour cette impertinence. C’est le même sort qui l’attend en agissant de même avec Paul Rivet qui, par contre, lui conseillera de préparer ses examens en se procurant les notes des cours des autres étudiants. C’est ainsi qu’il fut reçu deuxième au diplôme d’ethnologie, ses professeurs ayant enfin décelé ses qualités. Au bout d’un an, il obtint une bourse Rockefeller pour sa première expédition.

En cette année 1932, il commença à écrire et publier ses premiers articles en anglais pour la prestigieuse revue American Anthropologist.

Toujours en 1932, György Dobó, se fait baptiser, change son nom en George (ou Georges) Devereux.

On peut observer chez Georges Devereux une réflexion, tout au long de sa vie, sur le problème de l’identité et son changement, sur la nature de la personnalité ethnique, et sur les problèmes d’appartenance de l’individu. Trente cinq ans plus tard, en 1967, il livre l’explication principale de son propre changement et renoncement, sans qu’il y ait une relation apparente entre ce qu’il écrit et son propre vécu, dans un article exceptionnel, dont le titre est plus que révélateur : " La renonciation à l’identité : défense contre l’anéantissement ". Il est vraissemblable que ce titre n’a pas été choisi au hasard. Sa peur d’être asservi et possédé (donc anéanti) joue un rôle important dans sa vie et son œuvre. Ceci peut expliquer le fait que lui-même " a travesti sa propre identité, s’est toujours prétendu être hongrois, sans le manifester devant les autres " (T.Nathan).

En 1933, avant même son changement de nom, Georges Devereux quitte la France pour aller sur le terrain, pour se ‘’mettre à l’épreuve’’.

" Sa peur d’être asservi et possédé (donc anéanti) joue un rôle important dans sa vie et son œuvre. Ceci peut expliquer le fait que lui-même " a travesti sa propre identité "
Les années de maturité (1933-1963).
 

 

Grâce à des bourses française puis américaine et encouragé par Mauss, Georges Devereux se retrouve élève de Robert.H.Lowie et d’Alfred Louis Kroeber (lui-même élève de Boas), alors professeur d’anthropologie mondialement connu, à l’Université Berkeley en Californie.

En 1933 donc, c’est le départ sur le terrain, d’abord en Arizona chez les Hopi puis au Colorado chez les Mohaves, à la demande de la Fondation Rockefeller. Avec ses derniers, il noua un attachement durable, en découvrant leur culture. Il partira ensuite en Nouvelle-Guinée puis en Indochine, sur les Hauts Plateaux, chez les Sedang de la tribu Moï. Ces dix-huit mois de vie solitaire lui permirent de prendre du recul et de se trouver lui-même avec sa nouvelle identité, d’asseoir son travail dans un cadre et une méthode scientifique, C’était aussi une période initiatique à la connaissance des cultures indigènes, non-occidentales. Ses écrits sur cette période sont aussi du type " autobiographie scientifique " et lui servirent de base dans ses écrits épistémologiques, surtout sur le contre-transfert et les angoisses de l’observateur. À partir de là, il publiera uniquement sous le nom de George(s) Devereux.

Les retombées de l’affaire Stavisky et l’impossibilité pour un étranger d’occuper un poste de chercheur dans l’administration en France, l’atteignirent en 1935 en Indochine. Comme il avait, d’une part, des contacts aux Etats-Unis et que, d’autre part il pressentait qu’une nouvelle guerre se préparait en Europe, il décida alors de retourner aux Etats-Unis, de s’y installer et de demander la nationalité américaine qu’il conserva jusqu’à sa mort.

Georges Devereux passe dès 1935 le doctorat d’anthropologie à l’Université de Californie à Berkeley, sous la direction de A.L.Kroeber. Le sujet de sa thèse s’intitulait : " La vie sexuelle des Indiens Mohaves ". Après sa thèse, il continue d’écrire des articles scientifiques tout en poursuivant ses recherches sur la sexualité et le suicide. Il fait aussi des séjours répétés chez " ses chers Mohaves " paraissant s’identifier à leur tragédie. Il s’attachait à eux, lui, qui était un déraciné, un " homeless ", toujours en quête d’une identité. Élevé dans des cultures multiples, " en voie de disparition " (celles de l’Autriche-Hongrie d’avant la première guerre), il s’est pris de fraternité pour ces indiens déchirés entre la culture des blancs et leurs traditions.

En regardant les écrits de cette période, nous pouvons nous rendre compte que les préoccupations de Georges Devereux ne s’arrêtent pas au seul domaine de l’ethnologie ; ses observations vont également aux problèmes psychologiques et psychiatriques des populations étudiées. Il s’intéresse aux implications de la culture du sujet observé sur certains de ses troubles psychiques, comme la schizophrénie par exemple qui serait un " désordre ethnique " et dont les symptômes seraient fournis par la culture environnante. Donc, on voit qu’il commence à regarder les phénomènes sous leurs aspects multiples, complémentaristes. Son intérêt va dorénavant vers la psychiatrie comparée, discipline imaginée par Emile Kraepelin à la fin du XIXe siècle.

À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, Devereux qui n’était pas médecin, réussit à obtenir plusieurs postes de chercheur dans le milieu hospitalier en Californie, puis à Chicago et ensuite à Worcester. Obtenant sa naturalisation, il s’engagea dans la Marine et c’est avec le grade de lieutenant qu’il est envoyé en Extrême-orient, comme officier de liaison avec les autorités françaises se trouvant dans cette région

Après sa démobilisation en 1944, il obtint un poste d’enseignant de Français à l’Université de Columbia et enseigna la sociologie à Port-au-Prince ; puis nouveau retour à Paris où il occupe durant une brève année, en 1946, un poste de chargé de recherches au CNRS.

En revenant à Paris, tout en restant citoyen américain, il décide de devenir psychanalyste et débute une psychanalyse avec Marc Schlumberger. En décidant de devenir psychanalyste.

L’analyse de Devereux fut interrompue par Schlumberger au bout d’un an. L’analyste lui recommandait de retourner aux Etats-Unis, où un poste lui était offert par Karl Menninger à Topeka, au Kansas, dans un hôpital pour vétérans (Winter General Hospital), rattaché à la célèbre Menninger Clinique.

Arrivé à la Menninger Clinic, Georges Devereux ne pouvait exercer que des fonctions officielles de chercheur, n’étant ni psychologue, ni médecin, et si peu avancé dans son cursus psychanalytique. Il reprit une analyse avec Robert Hans Jokl, lui-même analysé par Freud. Par la suite, il adhèra à la Philadelphia Psychoanalytic Society, et plus tard, après 1963 et son arrivée en France, à la Société Psychanalytique de Paris.

Le Winter Veteran Hospital de Topeka était spécialisé dans le traitement des vétérans de la Deuxième Guerre mondiale. C’est dans ce cadre donc, que Georges Devereux s’est quelquefois vu confier l’écoute de patients indiens. En entreprenant les séances de thérapie avec l’Indien alcoolique et névrosé qu’il appelle Jimmy Picard, il croyait fermement à une association entre le relativisme culturel et l’universalisme. Ne se voyait-il pas lui-même comme un être acculturé et assimilable aux Indiens.

Devereux s’inspira de cette expérience thérapeutique pour son premier ouvrage : Psychothérapie d’un Indien des Plaines, paru en 1951. A travers le cas de Jimmy Picard et de la souffrance de ce dernier, son hypothèse de l’existence d’une personnalité ethnique liée à une aire culturelle d’une part et à l’existence de troubles psychiques commune à tout humain d’autre part, sont confirmés à ses yeux.

En quittant le Kansas, il s’installe à Philadelphie où il deviendra en 1956 professeur de recherches en ethnopsychiatrie à la faculté de médecine de Temple University (où Il enseignera jusqu’à 1963), puis déménage à New York. Il débute à cette époque une pratique privée de psychanalyste, pratique qu’il abandonnera en 1963 lors de son retour en France.

Arrivé à la Menninger Clinic, Georges Devereux ne pouvait exercer que des fonctions officielles de chercheur, n’étant ni psychologue, ni médecin
L’aboutissement 1963-1985.
 

 

Georges Devereux revient en France en 1963 à l’invitation de Claude Lévi-Strauss, Roger Bastide et Fernand Braudel. On lui propose de créer la chaire d’ethnopsychiatrie de la 6ème section de L’Ecole pratique des hautes études (EPHT), devenue École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Avant son arrivée, il avait déjà écrit plus de 150 articles et ouvrages divers et était déjà connu comme un des grands pionniers de l’anthropologie psychologique.

Venant en France, il va commencer une autre carrière, cette fois en tant qu’humaniste. Il entreprend alors, à l’âge de cinquante cinq ans, des études de grec ancien. Ces études deviennent sa dernière grande passion. Après quelques années d’études de grec et la publication d’ouvrages sur la Grèce antique, E.R.Dods, helléniste réputé devenu son ami, l’invite à enseigner pour la durée d’une année au All Souls College d’Oxford.

Les nécessités (et le hasard) de la vie firent de G.Devereux un errant, un exilé, un nomade, confronté aux apports des trois cultures : Austro-germaine, française et anglo-saxonne. Il a pu acquérir dans sa vie un très grand sens de l’observation et de l’analyse expérimentale et théorique, jointe à une grande rigueur de jugement scientifique. Peut-être son passage initiatique par les sciences physiques l’avait-il amené à distinguer ses objets d’études avec discernement, en appliquant des méthodes de contrôle et de validation. Ses approches donnèrent un jour naissance à une conceptualisation du réel en termes de " dedans-dehors ", c’est-à-dire que toute conception du psychisme implique une certaine conception du social et inversement.

Par ailleurs, sa vie d’errance a amené G.Devereux à étudier le rôle de l’angoisse dans tout travail scientifique. Il reconnaît comme outil de connaissance l’angoisse et l’émotion contretransférentielle. Il affirme que l’objectif de l’étude des sciences du comportement est l’analyse rigoureuse des angoisses de l’observateur. La présence du thème de l’angoisse et aussi du thème des différences individuelles dans l’œuvre de Georges Devereux, peut s’expliquer également par ce qu’on a présenté de sa vie.

Georges Devereux meurt au mois de mai 1985, à l’âge de 77 ans, d’une maladie invalidante, l’emphysème du poumon. Il fut incinéré au crématorium du Père-Lachaise à Paris. Ses cendres furent transférées, ainsi qu’il l’avait souhaité, dans la réserve indienne Mohave, de Parker au Colorado.

" Il entreprend alors, à l’âge de cinquante cinq ans, des études de grec ancien. Ces études deviennent sa dernière grande passion. "
Bref regard sur l’œuvre de Georges Devereux.
 
Il y a —bien sûr, comme source première, — Freud et sa double approche psychanalytique-ethnologique ou mythologique-psychanalytique. Devereux utilisera les notions d’inconscient, de refoulé, la référence à l’Œdipe, à la psychanalyse appliquée, les rêves, etc. Il s’inspirera plus tard de Freud dans la façon de traiter l’histoire, surtout grecque. Mais il y a encore l’enseignement et l’œuvre de Mauss, son savoir méthodologique, ses considérations du fait sociologique et la prise en compte des données dans leur double sens.

Plus que l’œuvre proprement dite de Marcel Mauss, il apprend de son professeur les conceptions durkheimiennes. Émile Durkheim, comme plus tard G.Devereux, furent au premier chef intéressés par le rapport individu/société. Mais si Durkheim analysa ce rapport du point de vue social et par la socialisation de l’individu, au contraire, Devereux regarde la société surtout du point de vue de l’individu et de la culture définie comme un système standardisé de défense solidaire des fonctions du Moi.

Pour Freud, l’élément le plus important dans sa méthode d’investigation qu’est la psychanalyse, est le transfert. Devereux affirme dans l’argumentaire de son livre: De l’angoisse à la méthode dans les sciences du comportement , que c’est le contre-transfert qui constitue la donnée la plus importante, parce que, contrairement à l’information fournie par le transfert, celle fournie par le contre-transfert ne peut être obtenue par aucun autre moyen. L’observateur en tant qu’individu avec ses angoisses, ses mécanismes de défenses et le fait qu’il est porteur de sa propre culture étant placé au centre du dispositif, il va recueillir des informations différentes à celles d’un autre observateur. Ceci implique aussi que l’anthropologie n’est pas une science de l’objectivité. L’observateur, en l’occurrence l’ethnologue, doit s’adapter au terrain sur lequel il travaille et à ses réalités humaines.

Par ces élaborations, G.Devereux combat les affirmations des tenants du relativisme culturel américain des années ‘50’, issu du courant de l’anthropologie culturelle américaine. Dans les écrits de Devereux, nous voyons qu’il tente de définir les critères de normalité et anormalité en termes universellement humains, en comprenant aussi les valeurs culturelles. Par ailleurs, pour Devereux, l’explication d’un phénomène doit être entreprise par une double démarche scientifique. On n’analyse jamais un fait en simultané, mais toujours d’une façon complémentaire, donc du point de vue psychologique et sociologique.

Une autre illustration de son avance par rapport à son temps fut, dès 1939, l’écrit :  A Sociological Theory of Schizophrenia , sur une théorie de la schizophrénie, qui serait, d’après lui, un désordre ethnique, dont les symptômes seraient fournis par la culture environnante.

Son premier " grand " ouvrage écrit à l’âge de quarante-deux ans, en fut le livre Psychothérapie d’un Indien des plaines : réalité et rêve. L’ouvrage, édité en 1951, porte le titre en anglais : Reality and Dream : The Psychotherapy of a Plains Indian. Il a été préfacé dans sa première édition par Karl Menninger et Robert Lowie et à la seconde, par Margaret Mead. Ceci dénote la notoriété déjà acquise par Devereux aux Etats-Unis, malgré certaines remarques critiques contenues dans ces préfaces. Devereux distingue la Culture en soi, en tant que phénomène humain universel, des cultures telles qu’elles ont vécues, intégrées, par ‘lindividu. L’importance de ce livre fut très grande. Ainsi qu’il indiquait en son temps K.Menninger, ce livre offre à la fois la première théorie, le premier exemple d’utilisation des leviers culturels en psychothérapie.

Les années 1963-1972 voient la parution d’un nombre important d’œuvres majeures de Georges Devereux. Nous voulons rappeler celles dont nous avons déjà fait mention. Ainsi en 1967, paraissent successivement les deux écrits suivants :  De l’angoisse à la méthode (préfacé par Weston la Barre) et l’article remarquable, paru dans la Revue française de Psychanalyse (organe de la Société Psychanalytique de Paris), dont nous avons déjà fait mention, sous le titre : La renonciation à l’identité : défense contre l’anéantissement.

En 1970 paraît  Essais d’ethnopsychiatrie générale , avec une longue préface de Roger Bastide. Dans cette préface, nous trouvons certains commentaires sur les notions d’inconscient idiosyncrasique, inconscient culturel, symptômes chamaniques ou l’acculturation antagoniste, notions reprises dans les œuvres de G.Devereux. Dans l’introduction de ce livre, l’auteur nous fait savoir qu’il a rassemblé dans ce volume la quasi-totalité de ces articles " dont l’ensemble formule la théorie et les méthodes de base de l’ethnopsychiatrie psychanalytique, au sens rigoureux du mot ".

La même année, Devereux présente dans un colloque en Autriche, ses idées sur la notion d’identité ethnique, ses fondements logiques et ses dysfonctionnements. Suit en 1972, une de ses œuvres majeures :  Ethnopsychanalyse complémentariste , dont plusieurs chapitres ont déjà paru antérieurement sous forme d’articles.

Après 1972, la plupart des écrits de Georges Devereux sont consacrés à ses études sur la mythologie grecque et à ses interprétations psychanalytiques de l’histoire ancienne. Dans ces écrits, nous ne trouvons que très peu de commentaires dans la bibliographie consultée, qui est, à notre avis, assez complète.

Devereux, d’une façon assez originale, sut montrer la richesse de l’application de la psychanalyse à l’étude de l’histoire. Il a déployé un effort considérable pour comprendre et interpréter les réalités psychiques inconscientes des acteurs du passé, en leur donnant un éclairage inédit. Dans  Tragédie et poésie grecques. Études ethnopsychanalytiques  (1975), il interprète les rêves dans les tragédies d’Eschyle, de Sophocle, d’Euripide, montrant qu’un poète authentique invente des rêves psychanalytiquement plausibles et proposant l’idée que la psychanalyse pouvait se révéler un bon outil d’investigation historique.

Dans Femme et mythe (1982), Devereux analyse une série de mythes grecs concernant le sexe, l’interdit de l’inceste, les aventures des déesses etc. Il soutient que les mythes montrent que tout humain est soumis, dans sa petite enfance, au régime matriarcal, ceci étant, en fait, le " roman familial du névrosé ".

À travers le mythe grec de Baubo-Iambé, représentant du sexe de la femme, nous trouvons réhabilités la vulve et le vagin, à travers toute une symbolique des organes de la femme, que notre culture a dévalorisés par rapport au phallus masculin.

Nous trouvons encore des écrits publiés par Georges Devereux traitant des sujets d’ethnopsychanalyse, se rapportant à la mythologie grecque, jusqu’à l’année de sa mort. Après son décès, en 1995, fut publié son livre rédigé en collaboration avec W.G.Forrest, professeur d’histoire ancienne à l’université d’Oxford, portant le titre  Cléomène, le roi fou . C’est un livre évoquant Cléomène II de Sparte, souffrant d’une schizophrénie paranoïde et, dont le suicide n’est pas confirmé historiquement. C’est un ouvrage éminemment psychobiographique.

" d’abord une aventure, au sens plein du terme. Devereux ne s’est pas contenté d’explorer des chemins bien connus et bien balisés. Il s’est risqué vers l’inconnu ; il s’est évidemment heurté aux règles et aux hiérarchies en place. "

En conclusion
 

nous devons remarquer que G.Devereux a été fortement influencé dans sa vie et dans ses œuvres également par des cultures non-européennes. En effet, il a séjourné chez les Sedang-Moï au Vietnam, chez des Indiens Mohaves aux États-Unis, puis il a passé une très grande partie de sa vie aux Etats-Unis où il a acquis la nationalité américaine.

Après la culture de ses origines remontant à l’Autriche-Hongrie, puis à celle de son adolescence passée en Roumanie, nous avons, brièvement, donné une esquisse de l’influence de la culture des " années folles " Parisiennes de 1920-1930. Mais toutes les cultures ont influencé son œuvre.

À l’instar de la complexité du personnage que fut Georges Devereux, il ne voulait et ne pouvait appartenir à personne, à rien, ne se sentant " chez lui " nulle part. Son œuvre - la création de l’ethnopsychanalyse — en porte évidemment la marque : complexe et difficilement pénétrable.

Dans ces quelques pages nous n’avons donné qu’un bref aperçu d’une œuvre impressionnante par sa qualité et de son auteur, Georges Devereux à l’érudition immense. Elle est d’abord une aventure, au sens plein du terme. Devereux ne s’est pas contenté d’explorer des chemins bien connus et bien balisés. Il s’est risqué vers l’inconnu ; il s’est évidemment heurté aux règles et aux hiérarchies en place. Il a été victime d’incompréhensions, il a essuyé des revers et des échecs. Mais il a réussi à créer une discipline, sur les traces de son compatriote Géza Róheim. Plus que bien d’autres chercheurs de sa génération, Devereux a compris les limites de Freud et de Durkheim. Il a essayé de fonder une épistémologie qui réunirait, d’une façon complémentaire, la psychologie et la sociologie.

 
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et sur le net :

Bibliographie des publications de Georges Devereux (384 références établies par Georges Bloch)

Éléments biographiques sur Georges Devereux

Georges Devereux, un hébreu anarchiste : préface de Tobie Nathan à Ethnopsychiatrie des Indiens Mohave de Georges Devereux, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 1996.

Un texte de Tobie Nathan : L'héritage du rebelle. Georges Devereux et l'ethnopsychiatrie clinique

Un texte de Georges Devereux : La pseudo homosexualité grecque et le "miracle grec" paru en français dans Ethnopsychiatrica, II, 2, 1979, 211-241

 
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Georges Boch
   


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