Saraka bô
 
Editions Payot-Rivages
Collection Rivages-Thriller et Rivages/Noir
   

première édition
Tobie Nathan a obtenu le prix Emmanuel Roblès (prix de la ville de Blois) pour son premier roman, Saraka Bô, en 1994

Saraka Bô

(sortir les offrandes)

Roman

 

par Tobie Nathan

Editions Payot-Rivages

Collection Rivages-Thriller 1993

et Rivages Noirs 1994

nouvelle édition 2013

mis à jour le Jeu 4 avril, 2013 1:09


nouvelle édition 2013

 

4ème de couv : « Je m'appelle Nessim Taïeb, poète et psychanalyste, prince de la vie et de la misère, joyeux au bourbon "Quatre roses", incarnant tantôt l'hystérie du diable, tantôt le fol espoir de la mort ; parfois prophète pour certains et parfois étourdi de bonheur au petit matin, je peux dire des paroles de lumière, mais je sais aimer et haïr. »
Ethno-polar foisonnant au ton unique qui fit date lors de sa parution en 1993, Saraka Bô ("Sortir les offrandes" en bambara) raconte à partir de meurtres de bourgeoises chic le désastre de la perte des repères et la puissance autodestructrice qu'il peut libérer.
"Serial Killer autant que polar ethnologique, Saraka Bô invente un nouveau genre de détective : celui qui enquête par la voie intérieure." (Antoine de Gaudemar, Libération)
Un meurtrier fou égorgeant les bourgeoises d'une commune cossue de la banlieue parisienne, un commissaire play-boy rompu aux techniques modernes de la police, un psychiatre passionné de littérature antique, un rescapé des idéologies des années 70 et une dizaine d'Africains immigrés en France... Récit du désastre de la perte des repères, véritable énigme policière résolue pas à pas, reconstitution par fragments de vies déstructurées par les aléas politiques des dernières décennies. Un polar actuel qui est aussi un conte mythologique et moral...

 

Tobie Nathan,
Psychanalyste, spécialiste d’ethnopsychiatrie,
professeur des Universités,
mais aussi écrivain de polars:Saraka bô,
porté à l’écran, Dieu-Dope, 613 et
Serial Eater
, aux éditions Rivages

 



Aïssa Maïga joue
dans Saraka Bô

extrait —>


"
_Tu dois me trouver une tire, Djinna. Tu sais que je suis en cavale, non?

_ Ne m'appelle pas comme ça! C'est toi qui es un djinna! J'aurais jamais cru qu'un margouillat décérébré comme toi pouvait encore baiser…

Je jette un œil par la meurtrière du sonacotra: Il pleut; deux moines en panne, chaussés de rangers noirs; la soutane de laine beige avec la capuche trempée comme un préservatif usé. Coupés au bol, le haut du crâne comme un prépuce, ils fourragent sous le capot d'une ami 6 ou 8 ou 9 – le moteur fume sous la pluie. Merde, ils m'ont déja repéré! " _ Regarde, Djinna… " Foula enfile sa mini-jupe et un col roulé moulé noir qui lui rase le nombril. Deux minutes plus tard, je la vois qui caresse les fesses d'un moine à travers sa robe. "Je peux toucher ta bure, Yvette?" Tiens, ils causent sérieux maintenant. Salif Keita monte sa voix à l'extrêmité des aigus de l'angoisse tandis que la cora tire de ses entrailles les sons qui apaisent."

   
 

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Interview


Extrait d'une interview de François Guérif
dans Hors série Passion-Polar, nov 2006

Centre France : Quel est le profil des jeunes auteurs qui vous envoient leur manuscrit ?

François Guerif : Certains sont étonnés de se voir refuser leur manuscrit, considérant

sans doute que l'exigence n'est pas la même lorsqu'il s'agit d'un polar…! Il en est d'autres qui écrivent bien, mais qui revisitent des lieux tellement communs que le livre vous tombe un peu des mains…Et puis, parfois, il y a des fulgurances comme chez Abdel-Hafed Benotman et ses Forcenés. C'est absolument stupéfiant. Il y a une force là-dedans, une nature, une puissance. Dans ce métier, on peut tomber sur un auteur que l'on ne connaît ni d'Eve ni d'Adam et en quelques minutes, on est émerveillé. C'est ce qui m'est arrivé avec Tobie Nathan. J'ignorais totalement qui il était (ndlr : professeur d'ethnopsychiatrie). Un jour, je l'ai reçu (il m'a d'ailleurs trouvé "glacial" !) et m'a donné Saraka bô. C'était tout simplement incroyable…!

 

 

Noir Bazar

Irène A.

Un tueur en série égorge quelques bourgeoises de Neuilly ; un ex-activiste, clochardisé, pleure sa belle Laure envolée ; un commissaire qui collectionne les femmes à problèmes enquête, assisté d'un ethnopsychiatre.

Quelques mots pour résumer un livre qui ne peut l'être : Saraka Bô (sortir les offrandes) n'est pas qu'un roman policier, c'est aussi un recueil de contes, un instantané sociologique, une histoire des migrants.

Au dela de l'apologie de l'ethnopsychiatrie dont Tobie Nathan est un fervent partisan, il y a de belles histoires de femmes et d'homme.
L'ethnopsychiatre, Nessim Taïeb, est né en Egypte, comme Tobie Nathan. Il connait les djinnas et le poids des cultures. Quant au commissaire il porte le nom transparant de "Simoune" ce qui pour un psychanalyste...n'est qu'un clin d'oeil évident.

Et tous les autres personnages nous content les douleurs de l'exil, des fuites, des pogroms, de la misère, de l'illusion d'un paradis ailleurs.

Un beau livre.

 

   
 

Polars en rafale

Une sélection pour l'été. Et d'abord deux Français: un ex-policier et un psychiatre qui explorent la ville, côté peur…

Par Pasquier Sylvaine

publié le 01/07/1993

Au commencement, il y a la ville. C'est là qu'est né le roman noir dans 1' «Asphalt jungle» américaine de la première moitié du siècle, entre prohibition et bootleggers, Al Capone et Frank Nitti, Sacco et Vanzetti, jusqu'au krach de Wall Street et les 14 millions de chômeurs de 1933. Raymond Chandler eut un jour ce mot, devenu célèbre, à propos de Dashiell Hammett: «Il a sorti le crime du vase vénitien et l'a laissé tomber dans la rue.» Dans ce territoire saturé de désirs et de frustrations, où l'humanité se concentre pour exercer ses plus effroyables talents. On appelle ça la civilisation urbaine. Le roman noir lui a donné sa forme d'expression la plus aboutie, comme un négatif qui révèle le rictus blême du rêve américain sur papier glacé. De Hammet à Ellroy, les monstres sacrés du genre ont le label USA. Ils irradient d'énergie sauvage, en ficelant la pègre les politiciens et les flics dans le même sac.

En France, Jean-Patrick Manchette a sauvé l'honneur, à sa manière sèche et décapante. On attendait la suite. Signe des temps, sur fond d'obsession sécuritaire et d'emploi sinistré, deux thrillers prennent la mesure de la souffrance sociale. Pour une fois, la ville est au rendez-vous, avec ses quartiers chics et ses rades, ses foyers Sonacotra et ses hachélèmes crapoteuses. Et les gens qui vivent dedans. C'est rare.

Responsables de ce double coup de projecteur: Tobie Nathan et Hugues Pagan. Quoi de commun entre eux? A priori rien. Le premier est ethnopsychiatre, prof d'université.


en poche, chez Rivages noirs,
2nde édition

 

Il a fondé à Saint-Denis le centre Georges-Devereux d'aide psychologique aux familles migrantes. Depuis quinze ans, il écoute des patients venus du Maghreb et d'Afrique, ou des marges de la société blanche. Le second a été flic plus longtemps encore. Jusqu'à cette nuit de juin 1988, dont il ne s'est jamais remis. Catastrophe ferroviaire, gare de Lyon: il se retrouve avec plus de 40 cadavres sur les bras. Choc. Trou noir. Il écope d'une sanction administrative et plonge dans les congés longue maladie. «Tarif de groupe», huitième roman de Pagan, déballe le linge sale de l'Usine - la police, en jargon interne. Le spectacle d'une poubelle de fast-food serait sans doute plus ragoûtant. Ce flic qui a le blues ne fait pas dans le sous-entendu. Son ex-inspecteur Chess les connaît à fond, ces types qui pratiquent les méthodes du grand banditisme, «sous le masque de la vérité et de la justice». Des flics «qui se goinfrent»: 50 briques sur un plan de came. Le plus sinistre ripou de l'histoire a commandité le meurtre d'une prostituée. Pourquoi? Pour rien. «Parce qu'elle n'a jamais accepté de baiser avec lui.» On l'a découverte morte et torturée de la pire façon. Affaire classée. Chess remue la boue. Au final, dans ce camp-là, le crime paie.

Pagan a des complaisances: il nous balance ses références culturelles, sa planète jazz, ses réflexions sur Soulages ou Canaletto... Et alors? Chess a ses habitudes au couscous de Saïd, il écoute les TGV partir à l'heure, il connaît l'envers
de la ville - des entrepôts condamnés qui sentent la ferraille et le moisi, les
porches de la rue Saint-Denis et les chambres d'hôpital où échouent des mômes en perdition. Il raconte la France des droits de l'homme, version ministère de l'Intérieur.

Tobie Nathan élargit le cercle. Son «Saraka Bô», premier roman d'un psy, a bondi dans la liste des best-sellers. Titre superbe, comme une incantation. C'est du bambara et ça veut dire: «Sors les offrandes». Sinon les «djinna» - les génies qui jouent les intermédiaires entre le monde des vivants et l'autre - feront de toi 1' «animal de sacrifice». Autant le savoir «ils traversent les siècles et les océans».
A Asnières, le commissaire Fred Simoune ignore que les ancêtres n'appartiennent pas au passé, mais à l'avenir. Il ne connaît pas le nom de son père, il vit des amours perturbées. Flic sérieux - il y en a. Pour l'heure, il piétine: près d'une dizaine de femmes assassinées à Neuilly depuis trois ans. «Etranglées, pendues, égorgées, saignées.» Psychose dans les banlieues chics. Au centre de l'enquête, Nessim Taïeb, un psy invité en renfort, tire le fil rouge de l'invisible. Il sait reconnaître pourquoi l'un est malade et pourquoi l'autre tue - âmes errantes enfermées dans une souffrance qui n'a pas droit de cité dans la raison occidentale et qui mène à l'autodestruction ou à la violence absolue. Celle du «serial killer» qui joue du poignard de commando. Celle de cet ancien mao, famille disparue à Auschwitz, qui trucide tout ce qui le renvoie au spectre des camps: «En laissant des survivants, les nazis ont oublié une bombe atomique amorcée avant de partir.»
Nessim oriente les flics médusés. On ne leur a jamais dit quel langage sanglant parle le meurtre, ni de quels deuils il surgit - lorsqu'on n'a, pour tout héritage, que la rage des morts.

Cherchez: pas un seul roman noir ou blanc ne convoque, comme le fait Tobie Nathan, tous les protagonistes de la société française, et les maux dont elle souffre. Lorsqu'elle en vient à traquer l'Autre en elle, elle tombe dans le reniement de soi.
Tarif de groupe, par Hugues Pagan. Rivages, 276 p., 119 F.
Saraka Bô, par Tobie Nathan. Rivages, 284p., 119F.


   

Critiques

L'humanité, paru dans l'édition du 3 avril 1993.

 

« SARAKA BO ».

Sept bourgeoises de Neuilly sont assassinées en trois ans, dans d’horribles circonstances. Un commissaire play-boy, une juge puis un psychiatre tentent tour à tour de résoudre ces énigmes, passant pour ce faire, des quartiers chics aux communautés afro-judéo-arabes !

On le sait depuis belle lurette, le « polar », lorsqu’il est bon, est un extraordinaire miroir de notre société et de ses « déviations ». Sans doute faut-il y voir là la raison pour laquelle un ethno-psychiatre célèbre, habitué des ouvrages scientifiques destinés aux spécialistes, s’adonne, pour la première fois, à cette littérature populaire, au meilleur sens du terme.

en poche, chez Rivages noirs,
1ère édition

Les clins d’oeil sont nombreux, à commencer par le nom du commissaire, Fred Simoune, l’autre, le vrai Sigmund ne devrait pas s’en offusquer... C’est que chaque homme est fondamentalement une « énigme ». Et tout comme les psychanalystes parlent de « récits de cas », chaque assassin potentiel est également porteur d’une histoire, l’amenant éventuellement au « cas pathologique ». Tobie Nathan choisit donc de faire éclater la vérité grâce au psy, plus que tout commissaire ou juge apte à comprendre et à « entendre » l’homme pour remonter aux origines de ses pulsions meurtrières. Ce qui, entre parenthèse, n’est pas sans rappeler une phrase définitive, comme beaucoup le furent en 68, traitant les psys de « flics de l’inconscient »... Un ouvrage à lire sans tarder...

 

Antoine Aubert

Après avoir lu ce livre, je suis tombé fortuitement sur un article sur l'auteur dans ... La Recherche du mois de Septembre 98. Du coup, tout s'éclaire : L'auteur est "ethnopsychiatre". Voilà pourquoi, au coeur d'une enquête somme toute classique, il s'attache à décrire, par le biais de son héros psychiatre, les affres d'immigrés déracinés. Et cette omniprésence de la culture des esprits (les djins) permettra de résoudre notre affaire criminelle.
Quand une culture, souvent méprisée, permet de nous guérir de nos maux d'occidentaux ...
Un polar "ethnopsychiatrique" puissant. On ne peut qu'aimer ces livres écrits par des auteurs qui savent de quoi ils parlent. [Antoine Aubert]

 

 

Irène A. dans Noir Bazar, corpus critique du roman et du film noirs, désintéressé, passionné et un peu bordélique

Un tueur en série égorge quelques bourgeoises de Neuilly ; un ex-activiste, clochardisé, pleure sa belle Laure envolée ; un commissaire qui collectionne les femmes à problèmes enquête, assisté d'un ethnopsychiatre.

Quelques mots pour résumer un livre qui ne peut l'être : Saraka Bô (sortir les offrandes) n'est pas qu'un roman policier, c'est aussi un recueil de contes, un instantané sociologique, une histoire des migrants.
Au dela de l'apologie de l'ethnopsychiatrie dont Tobie Nathan est un fervent partisan, il y a de belles histoires de femmes et d'homme.

L'ethnopsychiatre, Nessim Taïeb, est né en Egypte, comme Tobie Nathan. Il connait les djinnas et le poids des cultures. Quant au commissaire il porte le nom transparant de "Simoune" ce qui pour un psychanalyste...n'est qu'un clin d'oeil évident.

Et tous les autres personnages nous content les douleurs de l'exil, des fuites, des pogroms, de la misère, de l'illusion d'un paradis ailleurs.

Un beau livre.(Irène A.)

 

 

Yvon Allard — SDM] A la poursuite d'un tueur en série, un commissaire débordé, un psychiatre (comme l'auteur) qui s'improvise détective. Un roman policier très mûr pour gens mûrs.

 

   
Le film :

Saraka Bo (1996)
Un film de Denis Amar avec

Richard Bohringer, Yvan Attal
Anne Roussel joue dans Saraka Bô

 

 

 

Assassinats de jeunes femmes noires. Enquête d'un commissaire (Richard Bohringer) qui s'allie les services d'un ethnopsychiatre (Yvan Attal), spécialiste des rites et croyances africains...

L'intrigue de Saraka Bô, le film, est loin de reprendre le foisonnement du livre de Tobie Nathan (1), qui décryptait les mystères d'une culture souvent opaque à nos yeux d'Occidentaux. A l'image de l'affiche - qui se passe de la présence des Noirs alors qu'ils sont au coeur de l'histoire -, le film de Denis Amar contourne son vrai sujet - le choc des cultures - pour se réduire à la banale confrontation de deux hommes, le flic et le psy, que tout oppose. Heureusement, il reste l'interprétation inspirée d'Yvan Attal, magistral dans les séances de psychothérapie de groupe. Heureusement, Sotigui Kouyate (prodigieux acteur habitué des planches chez Peter Brook) arrive, lui, à faire passer la magie et l'envoûtement qui font défaut par ailleurs. Isabelle Danel

(1) Editions Rivages/Thriller.

Isabelle Danel

Télérama, Samedi 08 février 1997

Richard Bohringer et Yvan Attal jouent dans Saraka Bô