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Voila des millions d'années
que les crocodiles du Nil contemplent silencieusement le courant.
Ils ont vu le Dieu-fleuve s'assécher et vagabonder certaines
nuits dans le lit des rivières consentantes. Ils ont mordu
les fellah, accueilli des 'afarit, croqué des souliers mignons
de filles de pharaons. Ils ont surveillé le Nil, s'étalant
à perte de vue, le pied en Delta, se prenant pour la mer. Ils
l'ont moqué, époux trompé des femmes répudiées
des juifs et juge vendu de procès truqués d'esclaves.
Ils l'ont consolé, se retirant avec lui dans de dignes hauteurs
lorsqu'il subissait les bulldozers socialistes d'Assouan. Ils se sont
vautrés dans son limon ; nul ne connaît comme eux la
profondeur de sa matrice et les secrets de ses jouissances aveugles
et torrides.
L'un d'eux, un petit vieux pelé
aux écailles eczémateuses, a tristement sorti un œil
de l'eau, puis a poursuivi sa lente nage millénaire, contre
le courant…
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Une réflexion sur l'exil… |
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Ce texte
se trouve dans Tobie Nathan, Psychanalyse païenne, Odile
Jacob 2000, p. 201. |