Le mort
par Tobie Nathan
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mis
à jour le
vendredi 4 janvier, 2013 13:21
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* Texte paru dans : François
Dagognet, Tobie Nathan, La mort vue autrement. Paris, les
empêcheurs de penser en rond, [1999]. |
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La vie, la mort la vie ! |
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Pourquoi parlerais je de la mort ? Non ! Je parlerai des morts ! En tant que clinicien, ce sont eux qui mintéressent eux qui surgissent dans lexistence des vivants. Et comme je suis psychologue et thérapeute, le lecteur simagine sans doute déjà que j'évoquerai les souvenirs et les représentations. Eh bien, non ! Il suffit de prononcer la phrase suivante : "le souvenir du mort surgissant au détour dune action ou dune pensée dans limaginaire du survivant " pour que la pensée s'interrompe. Avec un tel énoncé, on croit avoir tout dit ; on sest en fait déjà fourvoyé, on a brisé lélan de la réflexion capturé par la tentation de résoudre le problème trop tôt. Ces images fugaces sont tellement complexes Prenons un exemple. Je sens lodeur dune eau de Cologne. Dans un premier temps, mon esprit sursaute ; jai reconnu le parfum. Je ne saurais le décrire avec précision ; je suis certain, pourtant de lavoir déjà senti plus que cela, il fut une époque de ma vie où il métait familier. Mais des odeurs, on en renifle tous les jours par milliers. Pourquoi celle-là mattire-t-elle lattention ? Une image simpose immédiatement : le crâne chauve de mon grand père. Lexplication est évidente : le passant sasperge dun after-shave contenant le même type de senteurs que leau de Cologne de mon grand-père. Le problème est-il résolu pour autant ? Certainement pas ! Que vient faire mon grand père en cet après-midi dhiver alors que je flânais dans les librairies à la recherche dun ouvrage récent sur la psychiatrie transculturelle ? Et une autre senteur, immédiate, rejoint la première ; une odeur que je nai pas perçue mais reconstruite : celle de la pharmacie où officiait le vieil homme. Un souvenir la rejoint aussitôt, comme sil lui était accolé : lorsque ma mère nous conduisait tous deux à lofficine pour visiter notre grand père, mon frère recevait deux pièces et moi une seule. Certes, il était plus âgé que moi de cinq ans. Dailleurs, je sais maintenant que jétais alors exactement âgé de cinq ans lui, donc, de dix. Il mavait alors asséné une vérité banale "jai le double de ton âge" et une prédiction troublante "jaurai toujours le double de ton âge". Ainsi justifait-il que son cadeau était le double du mien. Ainsi prédisait-il que toute notre vie durant, il bénéficierait dune influence, dune autorité double de la mienne. En sexprimant ainsi, mon frère ne faisait pas quénoncer un souhait de hiérarchie ; il sappuyait sur lacte, à mon avis injuste, de lhomme alors le plus âgé de notre famille : notre grand père. Maintenant je comprends. Le livre que je recherche contient un article à mon sens pétri de mauvaise foi dun critique acharné à disqualifier la théorie que je propose. Cest précisément lorsque jai trouvé ce livre sur une étagère que cet effluve mest parvenu La mauvaise foi de mon frère ("jaurai toujours le double de ton âge") est entrée en collusion avec celle de mon contradicteur. E aussi soutenu par une autorité comme mon frère le fut autrefois par mon grand-père ? |
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Freud lavait déjà traité avec force dans son article célèbre sur les souvenirs-écrans, le souvenir nest rien ; rien quune occasion de construire une action, actuelle. Ici, une décision : trouver au travers de larticle sur quelle autorité sappuie mon contradicteur, tout comme mon frère sétait appuyé jadis sur celle de mon grand-père pour me faire avaler la couleuvre et cela afin de lui répondre. Le souvenir ne mintéressera donc pas ici, notion valise, fourre-tout. Nous ignorons trop le véritable fonctionnement de la mémoire ! Quant à la notion de représentation, étant donné quelle a rendu les psychologues paresseux, leur épargnant ce long parcours du détail, je labandonnerai de même à lorée de ma réflexion |
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Car peut-on parler de représentation de mon grand père apparue soudain au détour dune action ? Certes non ! Je suis au contraire tout entier préoccupé par les stratégies de raisonnement que je pourrai opposer à mon contradicteur que viendrait faire là une "représentation" de mon grand père ? Dautant que cet étrange objet qui se trahit à moi par lodeur deau de Cologne est manifestement chargé dintention, tout comme le serait un être humain, dune intention qui ne mest pas discernable a priori. Ce quil me faut, cest surtout, tout comme face à un être humain, ne pas céder à la facilité ; ne surtout jamais croire que jai à faire à un être passif, simple, unidimensionnel. Il sagit bien dun être doué dintention et il me faut, pour éviter déventuels désagréments, il me faut absolument et avant toute chose, lidentifier. La conception la plus respectueuse des faits est daccepter lapparence sous laquelle il mest apparu : la calvitie de mon grand père. Il me faut le retourner, découvrir son visage je suis donc conduit à me dire que mon grand père, mort depuis bien trente-cinq ans ma présenté larrière de son crâne chauve non pas son souvenir, non pas sa représentation, mais lui-même ! La question est maintenant déplacée : il ne sagit plus de savoir si jai pensé à mon grand père il est certain que je ny ai pas pensé mais de cerner lêtre, dans toute sa complexité. Que veut-il ? Que demande-t-il ? Comment faire pour quil ne vienne pas entraver mon action ? Reprenons : ce nest donc pas la mort qui mintéressera mais le mort, un mort et plus précisément, dans mon exemple, mon grand père maternel mort. Que vient-il faire dans ma vie ? Voilà comment il me faudra penser les événements si je ne veux pas les aplatir, les diluer, les banaliser jusquà ne plus me rendre compte que la réalité sest décharnée sous mes yeux. |
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Les êtres | ||
Ce que la science nous dit, jy attache, tout comme François Dagognet, la plus extrême importance, non pas à essayer den tirer des conclusions générales, des idées générales abstraites, mais en essayant de traduire en pensées ce que les actes et le labeur quotidien des scientifiques nous disent. Les scientifiques ne sintéressent pas à la vie de manière abstraite mais à la vie des êtres. Un naturaliste sopposera aux habitudes agricoles de telle ethnie malgache qui met en danger une espèce particulière de lémurien. Le lémurien nest pas le même être pour ces Malgaches qui consommeront volontiers sa viande que pour ce naturaliste pour qui il représentera une espèce à protéger de manière urgente. De même un éthologiste spécialiste des gorilles ne sintéresse pas au même être que telle ethnie ougandaise dans laquelle sa capture constitue une épreuve initiatique pour un jeune homme désirant se marier. Lêtre de léthologiste, grâce auquel il espère démontrer les réseaux neuronaux du langage est tout aussi précieux que celui de lOugandais qui espère échanger le crâne de lanimal contre la fiancée convoitée. Les deux êtres sont également construits celui du scientifique par son réseau professionnel ; celui du jeune homme par son ethnie. Le gorille est-il un être en soi ? Non ! Il sagit toujours dun être construit ; et toujours construit par un groupe. Les scientifiques proclament par leur activité quils sintéressent à la vie des êtres êtres étranges à la fois fabriqués et préexistant à leur fabrication. Ils sintéressent, comme le montre François Dagognet, à la vie des neurones, des bactéries, des virus, des gènes, des cellules, des molécules Ce sont bien des êtres "fabriqués" car que serait un neurone ou un virus sans la complexe théorisation, sans latelier je veux dire le laboratoire qui leur a donné naissance ? Sans doute nauraient-ils aucune existence ! Ils sont donc créés par le savant, techniquement, professionnellement fabriqués. Et pourtant, ces êtres, une fois sortis du laboratoire, je veux dire : une fois leur existence proclamée, ont létrange caractéristique davoir toujours préexisté à leur fabrication. Le savant construit le virus à laide de ses outils, de ses techniques, de son savoir faire ; il lui faudra néanmoins affirmer que ce virus a existé de toujours ; quil la seulement "découvert". Sétonnera-t-on que cet être qui préexiste à sa fabrication survive aussi à sa mort ? On a annoncé un temps que le virus de la variole avait été éradiqué était-il mort pour autant ? Certes non, une fois enfantés, ces êtres vivent léternité. Ainsi, les scientifiques ne sintéressent pas à la mort des êtres les êtres peuvent-ils seulement mourir ? Alors, que disons nous lorsque nous proclamons la mort dun être humain sinon la limitation de notre pensée. Que disons nous sinon que nous ne savons pas poursuivre notre regard, soutenir notre intérêt en tenant compte de sa migration dans un autre monde ; que nous ne savons pas le penser nouvel être dans un autre monde. Ce que nous faisons, puisque nous ne savons pas distordre notre pensée, lui faire subir des bonds, métamorphoser sa nature afin de poursuivre lobjet de notre curiosité tout au travers de sa migration, cest laisser notre raisonnement intact et seulement changer dobjet. Nous ne nous intéressons plus à Jean Dupont, mort le 30 décembre à 18 heures et reporterons tout notre intérêt sur lélasticité de ses artères ; sur lanévrisme qui sétait constitué en tel endroit, sur les motifs de sa rupture. Devant la mort de Jean Dupont, nous voila poursuivant de nouveaux êtres, identifiant, nommant, décrivant des vies de la vie, donc ! Et puisque la pensée des humains est incapable de poursuivre son investigation en se métamorphosant en phase des innombrables pérégrinations des êtres à travers les mondes, il nous faut admettre les faits : il nest aucun intérêt à penser la mort, seulement la vie. Je me vois même conduit à énoncer une règle de la pensée des humains ? Cette règle, je la crois valable partout, sous toutes les latitudes sans doute aussi de toujours : la mort est ce qui enfante la vie . La mort étant la disparition soudaine dun être, expulsé du monde où il se trouvait, la mort est donc ce qui contraint à donner naissance à dautres êtres. Et je montrerai plus loin que cette caractéristique de la pensée des humains explique quils enfantent toujours des êtres nouveaux êtres qui échappent toujours à leur contrôle et viennent les questionner, les contraindre à de nouvelles fabrications, de nouveaux aménagements du monde. Cest donc bien la mort qui enfante les êtres. Nous avons vu comment travaillent les scientifiques ; les spécialistes des sciences "dures" ; et en cela ils ressemblent étrangement aux ethnies dont leffort de pensée est tout orienté vers lidentification des êtres. Curieusement, les psychologues et notamment les psychanalystes proclament ne pas se préoccuper des êtres fabriqués et devenus autonomes mais seulement des abstractions. Ils ne sintéresseront pas à identifier le breuvage que ma sans doute peut-être ? fait avaler la mère de cette jeune fille dont je suis soudain tombé amoureux, mais à mon désir pour elle. Pourtant, mon désir nest pas un être fabriqué devenu autonome, seulement une allégorie. Ils ne sintéresseront pas à mon grand père mort mexhibant larrière de son crâne chauve dans une librairie du quartier latin, mais à ma relation à "la mort" ou à mon "complexe fraternel". Ils ne sintéresseront pas à lobjet de destruction que mon voisin a déposé sur mon seuil attendant que je le piétine le lendemain matin, mais à mon "agressivité" ou à celle de mon voisin. Cest en cela que les psychanalystes fabriquent de lidéologie : en écartant lintérêt pour les êtres, en les remplaçant par des abstractions vagues et souvent grossières. Exemple : Freud avait pris connaissance de la découverte par des biologistes dêtres monocellulaires se reproduisant habituellement par mitose mais pouvant soudain modifier leur mode de reproduction en adoptant une forme sexuée. Cest dans "au delà du principe de plaisir" [1] quil évoque cette découverte, toute récente à lépoque. Pourtant, il ne sintéressera pas à ces êtres étranges, il ne se demandera pas quelles nécessités singulières nécessités qui les définissent par conséquent en tant quêtres à part entière quelles nécessités les contraint à faire ainsi appel à deux formes de reproduction si radicalement différentes. Il se les adjoindra, réduisant leur identité à néant. Il les mettra au service de sa démonstration de lalliance de la sexualité et de la mort. Par une série dallégories, il montrera que lorsquils se reproduisent par mitose, ils sont dune certaine façon immortels alors que lorsquils se reproduisent sexuellement, ils deviennent mortels. En évoquant le caractère mortel ou immortel des monocellulaires, Freud ne parlait pas des bactéries, mais des humains. En quoi a-t-il démontré que ces bactéries étaient concernées par la mort ? En rien ! Nous aurions sans doute été intéressés à comprendre que ces êtres nouvellement "fabriqués" en laboratoire renouvelaient les solutions à la question du temps : comment rester le même à travers une longue période de temps ? Comment résister, transmettre tout de même son code génétique malgré lusure des défenses ; l'évolution des agresseurs. Sil avait explicité la réponse singulière apportée par cette espèce à un problème général, il aurait traité la singularité de la bactérie ; en cela il nous aurait sans doute éclairé. Mais il reste obsédé à seulement démontrer quil avait eu raison de penser que mort et sexualité étaient surs jumelles et que cette association concernait avant tout les humains. Sa pensée ne sattache quà développer une notion allégorique, en aucun cas à tenter de se saisir dêtres vivants, cest-à-dire récalcitrants .
Je me souviens dune situation difficile,
une famille togolaise, conduite à ma consultation [2]
du fait dun conflit explosif entre une mère et son
gendre. Le gendre prétendait que la mère de son épouse
était une sorcière qui avait tout fait pour le "manger",
sucer sa substance, le faire disparaître. La mère, elle,
accusait le jeune homme lui reprochant de ne pas assumer ses responsabilités
puisque, bien quhabitant sous le même toit et laissant le
bébé âgé de quelques mois à la garde
de sa grand mère, il nacceptait même pas de régler
la note de téléphone. En pleine consultation, en présence
des trois autres enfants de la mère et des deux assistantes sociales
chargés dune mesure daction éducative en milieu
ouvert, le ton sétait mis à monter. Bientôt,
on ne parvenait plus à sentendre ; les injures volaient de
toutes parts. Les thérapeutes eux mêmes, rôdés
pourtant aux consultations en famille, commençaient à bavarder
en aparté . Que faire ? Il me fallait agir
Je remplis
un verre dalcool, je crois me souvenir que cétait du
rhum, et le brisai violemment au milieu de la pièce. Et je dis
: "un mort est en train de réclamer, ici ! Continuez à
faire la sourde oreille et vous finirez par vous entretuer." Tout
le monde se tut un long moment. Puis, la mère prit la parole pour
raconter son histoire que les autres écoutèrent dans un
profond silence. Son mari était mort six ans auparavant, retrouvé
mort une nuit dans sa voiture, mystérieusement assassiné.
Elle était rentrée lenterrer au Togo et avait dû
se soumettre à des rites de veuvage, extrêmement pénibles
[3]
. Naturellement, comme si souvent
dans les rituels africains, on avait dabord accusé lépouse
; on lavait incriminée dans le décès de son
mari. Peut-être avait-elle engagé quelquaction de sorcellerie
contre lui. Dans ce cas, lassassinat pouvait être considéré,
non pas comme un accident, mais comme un instrument de la sorcellerie
de la femme il fallait le vérifier, interroger, "laver",
comme on dit là bas. Or, la femme navait pu supporter le
déroulement du rituel qui devait durer tout un mois et avait pris
la fuite au bout de seulement deux jours. Aujourdhui, six ans plus
tard, elle voyait réapparaître son mari décédé,
dans la consultation, précisément au moment où il
sagissait dévoquer les problèmes de couple de
sa fille. Une telle situation permet de comprendre, je crois, ce que jentends
par un "être". Le mari mort est un "être"
et en tant que tel, il est "vivant", cest-à-dire :
actif, doué dintention. Cependant, nul ne connaît encore
les modalités dexpression de cet être au fond "trop
jeune" dont nul na encore entrepris de déchiffrer
les modalités dexpression. Lhypothèse que je
propose de manière dramatique durant la consultation pourrait permettre,
si elle savérait vraie, dexplorer les intentions de
cet être. Qui est-il réellement il est fort probable
que le mari mort ne ressemble que de très loin à ce quil
était lorsquil vivait ? Que demande-t-il ? Et dernière
question : comment investiguer la véracité dune telle
hypothèse ? En proposant dabord une interprétation
de laction souterraine de lêtre ("un mort est en
train de réclamer, ici") et des propositions concrètes
: des actions à accomplir. Si les manifestations cessent, cest
que linterprétation était correcte. |
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Le
cadavre |
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"Nous sommes loin ici de la détresse et de la mort de lindividu", dit François Dagognet et je ne peux quy souscrire! On pourrait trouver étrange lidée idée pourtant très répandue selon laquelle il existerait une vie après la mort. Pourtant, à y réfléchir, cette idée est nécessairement vraie ; elle nest quun constat dévidence et non pas une proposition dordre mystique. Un corps humain peut survivre deux millions dannées puisquil nous arrive de retrouver des squelettes datant de cette époque [4] En fait, si lon voulait utiliser un langage banal, lon dirait que la vie disparaît mais que la matière subsiste et quelle peut même subsister très longtemps. Pouvons nous dire pour autant que la vie dun être humain peut atteindre deux millions dannées ? Ces corps dont on a retrouvé des fragments, ont certes subi de très nombreuses modifications, à tel point que lon est en droit de penser quil ne sagit pas des mêmes êtres. Cependant, des fragments de ces corps existent toujours, néanmoins ! Le point crucial est donc leur modification détat ; le fait quils ont changé de nature. Ainsi, ces théories qui postulaient une vie après la mort étaient au fond matérialistes puisquelles tentaient de rendre compte de la survivance et des transformations de ce que nous appelons la matière. Alors que nos théories interrompant linvestigation au moment du changement détat se font paresseuses.
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Parenthèse |
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Mais
si lon réduit la vie à une période débutant
à la naissance, ou à la rigueur à la conception,
et se terminant à la mort définie de manière biomédicale,
nous nous trouvons conduits à disqualifier lexpérientiel
au bénéfice du potentiel . Je mexplique.
Une idée, me semble-t-il fort nouvelle, sest insidieusement
infiltrée dans notre culture idée qui modifie radicalement
notre philosophie de la vie. On se comporte comme si lon pensait
que le potentiel (la force, lintelligence, le stock génétique)
était préférable, et de loin, aux acquis de lexpérience
et de lapprentissage. On peut comprendre quune telle idée
se développe dans un monde en mutation rapide. En effet, le contenu
des enseignements se modifiant de génération en génération,
et même au sein dune même génération,
il devient relativement secondaire dacquérir des connaissances
complexes qui se révèleront vite obsolètes. Seul
le potentiel constituerait une richesse véritable, puisque non
soumis aux mutations incessantes. Or, selon les biologistes, ce potentiel
serait déjà constitué dès la période
ftale. On arrive donc à lidée quun ftus
est infiniment plus riche quun enfant, lui même plus riche
quun adulte, plus riche à son tour quun vieillard.
Envisagée de ce point de vue, la vie de lêtre humain
nest que courbes descendantes et la vie une longue lutte
toujours perdue contre la mélancolie. |
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La vie du cadavre |
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Dans une telle discussion, la vie du mort
devient donc un enjeu crucial de la discussion elle décide
de laxe selon lequel une société organisera les priorités.
François Dagognet, à juste raison signale limportance
de celui qui sait "faire parler" le cadavre : le médecin
légiste. Il me semble tout de même que nous sommes loin de
la complexité des constructions africaines. Là, nombre de
sociétés renferment en leur sein des spécialistes
des crânes par exemple, les cultures du Sud Bénin
et du Sud Togo [5]
, ainsi que nombre de sociétés camerounaises et congolaises
pour ne citer que celles que je connais un peu. La compréhension
de lidée qui préside à ces constructions nécessite
un détour anthropologique. En général, les sociétés
qui traitent les cadavres, et plus spécialement les crânes,
sont des sociétés à initiation cest-à-dire
des sociétés dans lesquelles les passages importants sont
réglées par des rites complexes. Je prendrai ici lexemple
des sociétés du Sud Bénin au sujet desquelles jai
déjà eu loccasion de réfléchir [6].
Là, lidée qui prédomine
est celle de la multiplicité. Dans la constitution de tout être,
la multiplicité est première ; elle est une donnée
immédiate on pourrait la dire "naturelle". Cependant,
cette multiplicité est aussi désordre, complexités
impossibles à démêler, bruits par oppositions
par exemple aux chants et aux rythmes. Là, un être naissant
est une combinaison chaotique déléments multitudes.
Le danger que court cet être est de se retrouver figé
dans la multiplicité, donc de ne pouvoir progresser vers lidéal
presque impossible à atteindre, celui de lunicité
cest-à-dire de la transparence et de la
densité . Pour lempêcher de se figer , lon
procède à intervalles réguliers à des actions
de fracture et de fixation . |
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Lidée est donc toujours dempêcher lagglomérat insignifiant déléments hétéroclites. La multiplicité est toujours bonne, toujours prometteuse, toujours grosse dun avenir créatif à condition quelle soit en perpétuel mouvement ; quil reste toujours une possibilité de la démêler. Lexemple le plus parlant à cet effet est le traitement du crâne. Le crâne dun nouveau né est composé dune vingtaine dos non encore totalement soudés, et comporte à son sommet une ouverture : la fontanelle. On le considère donc comme "ouvert" ; cest-à-dire, si lon a suivi mes développements précédents, susceptible dévolution favorable. À sa naissance, le bébé sera rasé ; puis lon scarifiera le sommet du crâne au niveau de la fontanelle pour y introduire des substances. Plus tard, au moment de la première initiation qui survient en général à ladolescence, lon dira que lon "casse la tête" du jeune homme. En vérité, on ne lui fracture pas le crâne non ! on se contente de le scarifier à nouveau pour y introduire encore des substances. Mais on le soumet néanmoins à toutes sortes dépreuves, souvent paradoxales cest sans doute lentreprise dans son ensemble qui mérite la désignation "casser la tête". Casser la tête de limpétrant signifie en vérité que lon se livre à une désarticulation du conglomérat auquel lexistence la nécessairement conduit. Linitiation est donc lacte "culturel" par excellence, celui par lequel on résiste à la "nature" qui amène tout être, nécessairement constitué de multitudes, à se figer en conglomérats. Cependant, afin que lêtre en initiation, cest-à-dire momentanément désarticulé, ne séparpille, perdant ainsi tout espoir dun jour trouver la densité (on dit là bas : "être lourd"), on le fixe , durant son initiation. On le fixe à des êtres dont la densité et lunicité sont déjà connues et avérées : les divinités. Lon ne peut donc initier que là où la divinité est installée : dans le temple. Que cette entreprise est une position philosophique, une véritable construction conceptuelle, jen veux pour preuve que lon soumet tout être naissant à ce même type de procédure et non pas seulement les jeunes gens. Ainsi en est-il du mort récemment décédé par opposition aux morts anciens qui accèdent, les années passant, et au fur et à mesure des rituels auxquels on les soumet, au statut dancêtres. Lorsque lon a enterré le mort, on sait quil ne faut pas lapprocher puisque, comme tout être accédant à lexistence, il grouille de multiplicité. On dit alors quil faut le laisser "pourrir". Cest de lui et non pas dune norme que proviendra le signe indiquant quil est temps de procéder à ce que lon désigne généralement comme les "secondes funérailles" ou plus souvent comme les "grandes funérailles" [7] . Des désordres parmi les survivants, diverses sortes de négativités échecs, maladies, malchances peuvent être lus comme un "appel" du mort ; une exigence quil pose dêtre initié à son nouveau statut. Là, on commence par récupérer le crâne. Dailleurs, on peut savoir si lon ne sest pas trompé en interprétant les négativités de lexistence comme un appel du mort en constatant que le crâne se détache facilement du reste du corps. Il faut en effet pouvoir lextraire sans effort. Cest alors que des spécialistes vont "lire" les soudures des os du crâne. Puis, on lui "cassera la tête" pour la première fois dans son existence de mort. Jignore si autrefois on fracturait réellement les crânes. Il existe quelques probabilités pour que les choses se soient passées ainsi autrefois puisque certaines amulettes camerounaises, réputées très efficaces, étaient constituées pour partie de fragments de crânes dancêtres. Toujours est-il quaujourdhui, lon fracasse des poteries préalablement identifiées au mort. À force de fragmentation de conglomérats et de fixations, le mort parviendra petit à petit à toujours plus de densité. Cependant, tous les morts ne sont pas équivalents. Certains, sans doute ceux dont la famille sest éteinte, a émigré ou sest convertie à dautres rites, interrompront à lun ou lautre niveau leur lente maturation. Jimagine que ceux là se rigidifieront dans un premier temps pour finir par exploser en myriades retrouvant la multiplicité originelle du rien ceux là redeviendront sable poussière. Dautres, plus chanceux sans doute aussi parce quils savent mieux préserver leur descendance accèderont à des statuts dancêtres respectés ou même vénérés. Une minorité pourra devenir divinité. Cest pour cette raison que lon dit dans ces sociétés que toute divinité a dabord été un jour humaine [8] . Nous voyons donc que le cadavre, avec toutes ses métamorphoses [9] , est ici le noyau dune construction conceptuelle particulièrement complexe qui diffuse sa logique dans tous les secteurs de la vie sociale. Un modèle de réflexion simpose aux vivants, sourd de manière permanente des pratiques rituelles et simpose comme une logique de lunivers. Selon ce modèle, ne pas initier les êtres, cest nécessairement assister à terme à leur paralysie. Ne pas les initier, cest les figer dans leurs tentatives toujours infructueuses de contenir la multiplicité ; les voir se rigidifier dans linutile effort dempêcher limplosion qui finira nécessairement par les transformer en grains de sable. Dans un tel contexte, peut-être est ce seulement aux êtres non-initiés quil conviendrait de réserver le mot "morts", tout du moins dans notre acception du terme. Alors, de ce point de vue, certains vivants sont "morts" alors que la plupart des morts, correctement traités par leur famille, sont des êtres bien vivants. Cette conception est naturellement aussi celle qui guide les thérapeutes dans lappréciation dune situation. Un thérapeute béninois, un babalawo , un bokono [10] , considérera toujours le désordre qui lui est présenté comme une tentative désespéré de lêtre de résister à la décomposition, premier temps nécessaire de linitiation. |
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Mort ou tué ? |
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Les descriptions des premiers ethnologues
sans doute nombre de descriptions dethnologues modernes sappuient
sur lidée dune dualité de la pensée humaine
: sauvage versus civilisée chez Frazer, Spencer, Tylor ; primitive
versus rationnelle chez Levy-Bruhl. Cette hypothèse, que je dirais
psychologique, se pense évidemment généreuse accordant
aux autres les Fidjiens, les Malais, les habitants de Nicobar,
les Aruntas une même nature, un même type "dâme".
Cette générosité se révèlera bientôt
expansive lorsque, sans doute initiée par Levy-Bruhl, mais surtout
très largement développée par Freud, elle partira
à la recherche de la sauvagerie et de lirrationalité
dans les tréfonds des modernes. Freud était un lecteur assidu
de Frazer et il simaginera reconnaître chez les Aborigènes
australiens les mêmes fantasmes dipiens quil avait construits
à lécoute de ses névrosés. Cependant,
même sil fallait retenir les similitudes, les Aborigènes
structurent la vie sociale, fabriquent des êtres, diffusent des
logiques complexes à partir de ce type de pensées alors
que les névrosés décrits par Freud senlisent
dans des comportements infantiles la différence est dimportance !
Cette seule remarque suffirait, à mon sens, à disqualifier
toute tentative de comparaison à partir de telles prémisses,
psychologiques. La démarche de Frazer, tout comme celle de Freud,
souffre de leur amateurisme. Ils ne savent pas nous dire ce que ces rituels
créent ; ils ne savent nous décrire que ce quils empêchent.
Et quempêchent-ils tout au moins daprès
eux ? La perception rationnelle, lacceptation triste de la fatalité
de la mort. La belle affaire ! Ces pensées complexes, tout comme
celles qui président au traitement des cadavres au Bénin
et au Togo, tout comme les nôtres, sont destinées à
produire des êtres nouveaux ; pas à constater des banalités.
Je ne sais pas parler des Aruntas que je ne connais que dans les livres,
mais jai quelques idées sur linterrogation du mort
en milieu bakongo jusquà lui faire avouer son meurtrier. |
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Une histoire banale | ||
Eugène vient de mourir. Il nétait pas très âgé pas plus de soixante ans. Eugène jouissait tout de même dun certain prestige dans cette petite ville du Congo Brazzaville où il exerçait la profession de médecin. Il avait fait ses études en France et puis, il était rentré au pays où il avait pris épouse, une femme originaire du même village que lui, parlant exactement la même langue. Quoique lettré et plutôt enclin à un athéisme modéré, Eugène avait tout de même "fait les choses", comme on dit là bas. Il avait envoyé son oncle maternel demander la main de sa fiancée à sa famille maternelle et les oncles et les tantes de la jeune fille avaient dressé la liste de toutes les richesses quils demandaient comme dot. Cela lui avait paru bien cher à lépoque, dautant quil venait de rentrer au pays et navait pas encore de revenus très élevés. Alors, il a donné progressivement. La famille maternelle de son épouse a dû attendre près de six ans avant dobtenir le paiement intégral de la dot. Eugène sétait aussi marié à léglise et à la mairie. Il sétait donc marié trois fois, indiquant par là quil respectait les forces qui sexprimaient dans ces trois lieux : le village, léglise et létat. Et puis, il avait mené sa vie. Sa femme lui avait donné cinq enfants quil aimait et dont il soccupait avec tendresse. Comme beaucoup dautres, il avait également eu des maîtresses, des "deuxième bureau", comme on dit. De ces maîtresses, qui ont été passablement nombreuses, deux autres enfants lui étaient nés. Au fil du temps, il réussit à faire accepter à sa femme la visite régulière de ces enfants dans la jolie villa quil avait racheté à un coopérant français. Eugène occupait un poste important à lhôpital : il était chef du service de gastro-entérologue. Nombre de personnes des alentours lui devaient lamélioration de leur état, certains même la vie. Et puis, il est mort soudain, dans son lit, sans crier gare, dun arrêt cardiaque. Son oncle qui était encore vivant a trouvé cette mort suspecte. Il a demandé une autopsie. Et cest à ce moment quil lui a été répondu que son neveu était mort dun arrêt cardiaque. Mais quest ce que cela peut bien vouloir dire ? Ne meurt-on pas toujours dun arrêt cardiaque ? Au cimetière, ils sont plusieurs centaines : la famille, les proches, les amis, les curieux. Le cercueil approche. La foule se sépare en deux groupes, dun côté la famille paternelle dEugène, de lautre sa famille maternelle. Ils se disposent de part et dautre du trou dans lequel il devra être enterré. Ils ont planté des bâtons dans le sol. Lorsque le cercueil arrive, la sur aînée dEugène se met à invectiver le mort. " Dis nous, Eugène ; dis le nous. Qui ta tué ? Qui ta mangé ? " Le cercueil arrive, porté par une demi douzaine de solides gaillards. Arrivés près de la famille, les porteurs commencent à vaciller sous le poids. Il fait très chaud ; ils transpirent à grosses gouttes. " Qui ta mangé ? Qui ta mangé ? " répète la sur. Et puis, comme emportés par un invisible élan, les porteurs se mettent à courir, le cercueil brinquebalant sur leurs épaules. La foule les suit en criant. Ils arrivent dabord à lhôpital, entrent par la grande porte et sengagent dans les longs couloirs de ladministration. Ils sarrêtent devant le bureau du directeur. La foule gronde sa colère. Mais très vite, ils reprennent leur course. Ils ressortent, traversent la rue. Les autos freinent brusquement pour laisser passer la longue procession. Ils arrivent devant la maison de lune des maîtresses dEugène. À nouveau, la foule se met à gronder. Ils sen vont, repartent vers la maison de loncle maternel dEugène, etc Que se passe-t-il donc durant cet enterrement qui se déroule de nos jours dans une ville moyenne du Congo Brazzaville ? Dabord, il ne se passe rien que de très commun. Les méthodes ne sont pas toujours identiques, les intentions non plus ; mais il est rare que lon ne trouve pas le moyen, au Congo, dinterroger le mort afin dobtenir des informations sur son meurtrier. Quelquefois, cest une jeune fille qui entre en transe et prend la voix du mort que les aînés de la famille soumettent aux questions ; quelque fois, toute la famille se rend chez un devin pour quil regarde leau dans une calebasse et désigne le responsable il faut en tous cas poser la question du meurtre. Est-ce à dire que la famille dEugène pense que les circonstances de cette mort sont suspectes ? Oui et non ! Sans doute si on les interrogeait, ils répondraient que oui, mais admettraient aussitôt que lon procède ainsi à chaque mort. Suspectes, sans doute, mais pas inhabituelles, pourtant ! Une question simpose alors : quel est donc le statut de cette vérité recherchée par de tels moyens ? Lorsquon décrit une telle procédure à des Congolais, lorsquon leur relate un tel récit, ils sourient et répondent souvent : " oui, cest ainsi ; ce sont nos coutumes ". Ils laissent entendre par là que nous ne sommes pas capables den pénétrer le sens et quà tout prendre, il vaut encore mieux quon sen tienne à un relativisme de bon aloi. Que derrière cette procédure de questionnement du mort, règne une théorie de lagression cachée et généralisée théorie que les Congolais désignent par le terme ndoki , "sorcellerie" [11] ne change rien au fait que la mort dun proche 1) produit du drame, 2) des actes, 3) du lien social. Là encore, nous sommes bien obligés de convenir que cest bien le mort et non les survivants qui agissent. Cest du fait de leur changement de monde quils contraignent les survivants à adopter des attitudes, des comportements, à obéir à des règles qui nappartiennent pas au monde ordinaire, comme sils signifiaient quils sadresseraient désormais aux humains à partir dun autre lieu. Devons nous pour autant admettre que les Congolais sont plus naïfs, plus crédules, plus infantiles ou plus englués dans des pensées irrationnelles que nous ? Avant den arriver à de tels énoncés paresseux qui clôturent les questions en croyant poser le problème, essayons plutôt de saisir la rationalité intrinsèque de cette série dactions. Dabord en nous demandant quelles pourraient être les autres solutions que les Congolais refusent en choisissant de respecter leur coutume. Ils pourraient, bien sûr, "se résigner" ; accepter de se soumettre à la loi de la nature qui veut que les humains finissent par mourir et quil faut bien "mourir de quelque chose". Mais sils acceptaient une telle philosophie, ils seraient amenés à devoir se passer de lêtre naissant que vient de devenir le mort. Or, il leur faudra vivre avec cet être ! La mise en scène que je viens de décrire est en vérité lacte de naissance du mort la cérémonie à travers laquelle on le promeut actif dans un autre monde ; à travers laquelle on définit les modes spécifiques de relation que lon devra désormais adopter à chaque fois que lon voudra à nouveau entrer en relation avec lui. Mais il reste une énigme : pourquoi le postulat du meurtre est-il indispensable à la construction de ce nouveau mode relationnel ? La réponse est facile : car toute autre procédure ne contraindra pas suffisamment les survivants à accepter la vitalité du mort. En effet, le meurtre implique un coupable et le suspect est sommé à comparaître, contraint de se justifier, de produire du récit. Les Congolais ont donc trouvé une solution pour obliger les survivants à faire de la mort loccasion de produire du drame. Mais de qui parlons nous lorsque nous disons Les Congolais ? Dun groupe ! Un Congolais pourra avoir toutes sortes dopinions concernant le destin du mort y compris des opinions "modernes" ; il pourra justifier personnellement lidéologie de son groupe, surenchérir, évoquer des histoires mystérieuses et parfois rocambolesques où des morts se sont mis à invectiver leur assassin ; mais il pourra tout autant adopter un scepticisme critique à légard de croyances "archaïques". Sans doute devons nous tenir compte, pour comprendre ce type de procédures, des habitudes dune société où thérapeutique et juridique sont si étroitement imbriqués [12] .
Alors que viendraient faire des explications du type "les Congolais
nacceptent pas la mort", auxquelles Freud pourrait ajouter
: "en cela, ils ressemblent bien aux enfants et aux névrosés"
? De telles explications ne peuvent quempêcher la compréhension
de la productivité intrinsèque du rite ; de sa capacité
à construire des entités ou plutôt de contraindre
à les construire. |
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Freud,
la mort, le deuil |
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Et puis, il existe une étrange prémisse des théories psychologiques et psychanalytiques qui ma toujours parue fallacieuse : pourquoi pense-t-on toujours que ce sont les rites qui se sont adaptés à la psychologie des humains ? Pourquoi ne peut-on imaginer que cest au contraire le fonctionnement psychique des humains qui est venu copier le rite, se bâtir à son image ? Cette dernière proposition me semble plus raisonnable, plus spontanément acceptable. En réfléchissant de cette manière, lon comprendrait facilement que certains symptômes obsessionnels empruntent leur forme aux rites, que la plupart des délires trouvent leurs images, leurs récits dans les mythes. Si cette position paraît raisonnable au premier abord, elle na pourtant pas été acceptée, pas été exploitée par la profession des "psy". La raison est facile à deviner : à penser de cette manière, on serait naturellement conduit à lidée dun psychisme "construit" et non pas donné ; un psychisme fort éloigné alors de cette nature quasiment biologique que voulait Freud une nature sur laquelle pourrait sexercer ce que lon imagine devoir être une activité scientifique de type médical. Si le psychisme est construit, sil lest au travers des rites et des mythes, sur quoi donc travaillerait le savant ? Pire même, le savant produisant à son tour rites et mythes, se trouverait en position de démiurge, de Frankenstein, créant à son tour les fonctionnements psychiques quil prétend investiguer. Après cent ans de psychanalyse ; après cinquante ans de diffusion intensive des énoncés psychanalytiques dans la culture occidentale, na-t-on pas fait apparaître une espèce nouvelle de deuilleurs en état de perte dobjet libidinal ? Car, à examiner les réactions dun humain à la disparition dun proche, est-on en droit daller bien au delà du constat quil lui arrive quelquefois déprouver de la tristesse ? Je dis bien "quelquefois" car même la tristesse nest pas un sentiment obligatoire à la perte dun être aimé. Je me souviens dun soir, à Cotonou, au Bénin, alors que je sortais vers minuit dun dîner chez des amis ; je me souviens mêtre trouvé en pleine rue au cur dune véritable fête. Tout le quartier était réuni, on avait sorti les tam-tams par dizaines et les jeunes gens se livraient à de véritables concours de danse. Nous nous sommes attardés à contempler le spectacle, ravis de ladresse acrobatique des danseurs, de la joie qui sétait emparée de la rue. Au bout dun certain temps, je demandai à lami qui maccompagnait quelle était le motif de ces réjouissances et il me répondit : " on fête comme il se doit la mort dun personnage important " Certes, cela ne prouve pas grand chose, sinon que lattitude compassée, la certitude de lépreuve, lidentification de la mort du disparu avec la mélancolie des survivants ne sont au fond que des généralisations hâtives. Arrêtons nous un instant et reprenons sérieusement les propositions de Freud. La prémisse qui semble toute naturelle est en vérité extraordinaire ; si elle était vraie, elle constituerait à elle seule la plus grande découverte de la psychologie. Plus même, elle constituerait la première pierre de lédification de la discipline. Malheureusement, elle est restée ce quelle était à lorigine : un postulat heuristique. Freud prétend que la tristesse éprouvée par le survivant après le décès dun proche nest pas un sentiment contingent ; il prétend quil sagit là du signe de lexistence souterraine dun processus intérieur et nécessaire : le travail du deuil . Ainsi, la réaction à la perte dun proche ne doit-elle pas être considérée comme le résultat des sentiments quéprouvait le survivant à légard du disparu, nest pas dépendante des rites de deuil que lon pratique dans son univers, pas plus de sa langue ou des théories de son peuple sur le devenir des morts. Partout et de tous temps le processus serait le même [13] et Freud nous en expose léconomie. Des investissements libidinaux ayant été placés sur les représentations de la personne de son vivant vont se retrouver flottants, libres. Et que peut faire le Moi dune telle énergie non canalisée sinon se la réapproprier dans un premier temps, puis la réinvestir sur dautres représentations. Freud nous donne même une extraordinaire description du travail du Moi contraint à retirer cette part dénergie de chaque représentation ayant conservé la trace du disparu. Cette théorie, il faut ladmettre, rend assez bien compte de la douleur quéprouvent les endeuillés en repensant à certains événements de leur vie auxquels était mêlé le disparu ; un peu comme sils repassaient en revue les occasions de se souvenir et déprouver de la douleur. Mais une phénoménologie ne suffit pas à démontrer une théorie se situant à un tel niveau dabstraction. Dautant que cette théorie se retrouve en contradiction avec un certain nombre de faits.
Jai assisté un jour au travail thérapeutique dune guérisseuse réunionnaise. Lhomme présentait des symptômes de type mélancolique depuis le suicide de sa fille, qui sétait jetée, deux ans plus tôt, du haut dune falaise [20]. Eh bien, la guérisseuse na jamais parlé de la tristesse du malade du fait de la disparition de sa fille. À aucun moment elle na laissé supposer que ce type de sentiment pouvait provoquer lanorexie et le mutisme dans lequel sétait enfermé le vieil homme. Elle a proposé lexplication suivante qui englobait habilement la maladie de la fille et celle du père : la fille avait été investie par une sorte desprit cannibale (une bébête , en créole réunionnais). Lorsque lesprit avait fini de dévorer la fille, raison pour laquelle elle sétait donné la mort, il sétait jeté, affamé, sur le père affligé. Le traitement a d'ailleurs apparemment consisté à appâter lesprit par le sang du poulet de sacrifice, à le mettre en appétit par le ragoût (le carry, en créole de la Réunion) avant de le conduire, à la suite des restes du plat, emporté dans le coffre d'une voiture, jusqu'au pied de la falaise où il sen est allé rejoindre l'âme de la suicidée, en mer Admettons que cette construction nest ni plus ni moins fantastique que lhypothèse freudienne de multiples instances du moi (surmoi, moi idéal, idéal du moi) Ce nest pas dans la construction des hypothèses que ces thérapeutes différent, mais dans les conséquences de leur application : dans le cas de la guérisseuse, son intervention présuppose, mais aussi génère, produit le groupe, dans le cas de Freud, elle installe lendeuillé seul face au désastre de la mort. Nous pouvons nous poser le même problème dune façon différente : quel intérêt Freud a-t-il de séparer par son intervention lendeuillé de son groupe ? Quel intérêt a la guérisseuse réunionnaise de contraindre le patient à sadresser aux techniciens de son groupe ? Pour la guérisseuse, la réponse est évidente : elle nest pas au service du patient, mais des invisibles quelle honore par le travail quelle accomplit. Elle se décrit elle-même comme ayant reçu un don la contraignant à soigner. Travaillant pour les invisibles du groupe, elle ne peut que contribuer à rassembler les membres pour quils soient plus nombreux à servir leurs divinités. Pour Freud, la réponse est moins immédiate en tous cas sa position rappelle étrangement celle de lÉglise qui proclame "laissez les morts enterrer les morts". De ce point de vue, en tous cas, les intérêts de lÉglise sont connus : délier les personnes de leurs attaches païennes, les convaincre de venir sagglomérer au grand tout (étymologie du mot catholique "hors de lÉglise, point de salut"), les convaincre aussi que les différences dorigine, de langue, de coutumes ne valent rien en comparaison de lunion, de la communion dans le même corps [21]. Car traiter le mort implique toujours le recours aux techniciens locaux, alors que traiter lendeuillé, en le détachant de ses liens les plus profonds, permet les captures dâmes nécessaires à la construction des plus grands empires.
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La
mort moderne |
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Mais ce nest quen théorie que les différences sont aussi tranchées entre ceux dailleurs et ceux dici, entre ceux qui traitent le mort et ceux qui soignent lendeuillé. En vérité, en Occident, le mort parle tout autant, mais pas dans les mêmes endroits pas dans les endroits attendus. Il ne sexprime plus au cimetière, comme au Congo, pas dans la concession du babalawo , comme au Sud Bénin, ni à lÉglise, comme autrefois, car aucun représentant de ces institutions ne sait interpréter ici les expressions de lêtre passé dans lautre monde. Il sexprime peut-être toujours autant chez les thérapeutes, mais sa voix se perd en échos "symboliques" dans les interminables labyrinthes kaléidoscopiques des mondes Psy. Aujourdhui, en France, les morts sexpriment tout autant ; et ils sexpriment du fond de leur statut de mort. Lexemple que prend François Dagognet de lexhumation dYves Montand est particulièrement parlant. Le juge ordonne lexamen génétique, Aurore Drossart veut obtenir une certitude sur lidentité de son père. Lun comme lautre veulent "faire parler le mort". La presse sinsurge : "Yves Montand ne le souhaitait pas de son vivant". Certes ! Mais qui sait ce que souhaite le mort ? Qui peut se prétendre son porte-parole ? Ayant changé de monde, de nature aussi, sans doute, il lui faut des représentants spécifiques. Le juge savance alors et parle. Il parle au nom du peuple français, au nom de lÉtat : lui seul semble être le représentant autorisé du mort. Et sa décision équivaut interprétation du véritable souhait du mort. Si le juge décide dexhumer le corps et de le livrer à lexamen génétique, cest que le mort Yves Montand le souhaite Non pas Yves Montand vivant, mais le mort Yves Montand ! Rien détonnant ni de scandaleux ; nous avons bien dautres occasions de constater quen France, de nos jours, lÉtat est le véritable propriétaire des humains. Lorsquune veuve demande à être inséminée par le sperme de son époux décédé, cest à nouveau lÉtat qui décidera du caractère fondé de sa demande ; comme si lhumain avait été prêté de son vivant aux siens et que son état de mort nécessitait une nouvelle négociation du contrat avec son véritable propriétaire : l'état. La Bible raconte un cas comparable et montre comment les Hébreux de lantiquité ne différaient pas véritablement, quant à leur logique, de nos propres modes de fonctionnement. On se souvient que Tamar, la bru de Juda, après la mort prématurée de son premier mari, Er, réclama son dû : un enfant autrement dit, du sperme de la lignée de son mari. Juda appliqua la règle du lévirat et lui donna pour second époux son second fils, Onan. Et si Onan " se soulageait par terre ", cest parce quil ne voulait pas faire un enfant qui ne lui appartiendrait pas, qui porterait le nom de son frère disparu [22]. Et Dieu le tua, non parce quil se masturbait, non parce quil refusait de mener à son terme la relation sexuelle, mais parce quil se croyait seul propriétaire de son enfant. Après le décès dOnan, Tamar ne désarmait pas. Elle revint à la charge, réclamant toujours son dû, le troisième fils de Juda, Chêla. Mais le père refusa. Alors, Tamar, sa bru, " quitta ses vêtements de veuve, elle prit un voile et s'enveloppa ; et elle sassit à la porte des chemins " Juda, napercevant pas son visage, la prit pour une prostituée, s'unit à elle, mais se rendit ensuite compte qu'il n'avait pas de quoi la payer. Il lui promit de revenir. Elle exigea un gage de sa bonne foi : " ton sceau, ton manteau et le bâton que tu as à la main " c'est-à-dire ses insignes de chef de tribu. Trois mois plus tard, l'on informa Juda : " Ta bru, Tamar s'est prostituée et elle est même enceinte ! " Mais Tamar envoya dire à son beau-père : " Je suis enceinte du fait de l'homme à qui ces objets appartiennent. " Juda comprit alors toute l'histoire et dit : " elle est dans son droit plus que moi, cest quen effet, je ne lavais pas donnée à Chêla, mon fils. " Ainsi, lenfant à naître à Tamar était dès lorigine propriété des ancêtres, représentés par le chef de tribu, Juda. Les trois frères, Er, Onan et Chêla ne sont que vecteurs ils sont dailleurs substituables lun à lautre là réside la signification de la règle du lévirat. Ainsi donc, pour les Hébreux de lantiquité, lenfant nappartenait pas à son père, pas à ses parents, mais à lancêtre de la tribu. De même le sperme nétait pas propriété de lhomme (Onan est mis à mort par Dieu pour avoir manifesté le désir de disposer de son propre sperme), pas plus propriété de la femme, qui doit sadresser, lorsquil y a litige, au représentant des ancêtres : le chef de tribu, pour lobtenir. Étrange coïncidence de cette femme moderne qui sest adressée à létat pour obtenir le sperme de son mari décédé et de Tamar sadressant aux ancêtres par lentremise du chef de tribu pour obtenir un dû de même nature. Dans notre monde également, lorsque le mort doit sexprimer depuis son état de mort, les vivants restent perplexes et font appel aux représentants autorisés pour connaître les modalités concrètes de la communication. Car les vivants ne demandent jamais des significations, toujours des solutions pragmatiques. Peut-on procéder à linsémination ? Au prélèvement de l'ADN ? Cest aussi lÉtat qui fixe les modalités concrètes de linhumation, ce qui est autorisé et ce qui est interdit les lieux, les dispositifs, les rites. Cest lÉtat qui fixera dans un avenir proche les nouvelles règles qui régiront les dons dorganes, lui aussi qui autorisera ou interdira la fabrication des clones humains qui seraient, sils parvenaient un jour à lexistence, plus que tous autres, sa propriété quasi exclusive. Car pour tout le reste le fait quils soient des identiques dexistants, le fait quils naient pas été sexuellement "fabriqués", le fait quils aient été les bénéficiaires (ou les victimes) dun eugénisme génétique tout cela ne pose pas particulièrement et a priori de problème psychologique. Mais quils soient la propriété exclusive de létat risque en revanche de prêter à conséquence. Restons en là, néanmoins pour ce qui concerne la prospective et essayons de saisir un peu mieux les modalités concrètes de communication quutilisent les morts dans le monde moderne. Leur représentant autorisé ; celui qui les présentifie, les incarne, les fait parler et qui leur permet de dialoguer avec les vivants, ce nest pas le prêtre, pas le croque-mort, pas le psy mais le notaire ! Certes, le médecin légiste, comme le signale à juste titre François Dagognet, peut leur extirper quelque confidence de dernière minute. Celui là est comme la jeune fille entrant en transe à Brazzaville devant la tombe du défunt qui, profitant de la folie de l'adolescente, exhale ses derniers aveux, énonce ses accusations, formule ses premières volontés de mort. Rien à voir avec le notaire, consacré par la puissance publique, représentant autorisé sil en est Plus même, une loi récente votée en 1981, a beaucoup fait pour faire parler les morts avant leur mort : la "donation-partage". Si le vivant peut négocier avec avantage la distribution de son héritage avant même sa mort, lui donnant ainsi l'impression qu'il peut infléchir les décisions de son propriétaire, le voici se rendant chez le notaire pour se voir mort, représenté par lhomme de loi auprès de ses propres enfants. À mon sens, cette loi a fait bien davantage pour la prise en charge dun éventuel "deuil pathologique" que nimporte quelle "découverte" psychologique. Car cette loi contraint par avance les futurs survivants à s'accoutumer aux modalités de communication avec leur futur mort. Combien de problèmes familiaux insoupçonnés surgissent à l'occasion d'une telle donation-partage ; combien de morts des générations passées viennent rappeler à cette occasion leurs stratégies d'ancêtres, leurs constructions testamentaires, et cela dans l'étude du notaire ! On répète à satiété qu'en France, on dénie l'existence de la mort Rien n'est plus faux ! Jamais les études de notaires n'ont été plus fréquentées ; jamais les conflits testamentaires souvent pour pour quelques milliers de francs n'ont été aussi aigus. Là, les morts réalisent leur travail de mort ce même travail qu'ils accomplissent ailleurs avec bien d'autres méthodes : ils mettent le désordre dans la vie des vivants, contraignent à laisser la place aux représentants autorisés pour interpréter les signes provenant d'un autre monde. Et ceux qui ne participent pas de la dramaturgie notariale les enfants décédés avant d'avoir eu des enfants ceux qui ne seront pas conviés ni représentés chez le notaire ; ceux là reçoivent encore souvent en France des traitements singuliers. On improvise souvent pour eux des sortes d'autels domestiques, autour de photographies, de quelques objets, de bijoux, de vêtements. Le croyant y ajoute une croix, le laïque des fleurs, le marxiste un poème. La mère pleure immanquablement au pied de cet autel, tous les jours, à la nuit venue ; implore quelquefois le petit disparu, le supplie de protéger les survivants. Elle incite les petits frères à le prier, le supplier Il arrive même qu'on les nourrisse, leur présentant des offrandes à la manière de sauvages imaginaires. Et lorsqu'il arrive que l'un de ces rituels soit évoqué dans le cabinet d'un "psy", le voilà qui affiche sa perplexité, déconseillant la poursuite d'activités à la fois "irrationnelles" et nuisibles au développement des enfants. C'est méconnaître un problème fondamental : l'existence du mort présuppose celle de son représentant. En l'absence de représentant autorisé, les survivants improvisent des rituels fait du bric de vagues souvenirs d'un passé révolu et du broc de pensées psychologiques diffuses dans la vie sociale. Ces morts gelés, ces morts exclus, viennent pourtant nous signaler, il me semble, que tous les autres, tous les morts pour lesquels il n'a pas été nécessaire de fabriquer des autels domestiques, ceux là ont trouvé leurs représentants et vivent en paix |
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Tobie Nathan : |
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Notes |
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[1] Freud, S. 1920, "Au delà du principe de plaisir", in Essais de Psychanalyse, Paris, Payot, 1981 [2]
Université de Paris 8, Centre Georges Devereux , Centre
universitaire daide psychologique aux familles migrantes. Pour
la description du dispositif spécifique dune consultation
dethnopsychiatrie, Cf T. Nathan, Fier de n'avoir ni pays ni
amis, quelle sottise c'était
Principes d'ethnopsychanalyse.
Editions de la Pensée Sauvage, Grenoble, 180 p., 1993 et
L'influence qui guérit. (Une théorie générale
de l'influence thérapeutique) Paris, Odile Jacob, 350 pages,
1994.
[5] Cf par exemple Adoukonou, B. , 1979, Pour une problématique anthropologique et religieuse de la mort dans la pensée adja-fon, in Bamunoba, Y. K. et Adoukonou, B., La mort dans la vie africaine, Paris, Présence africaine et Unesco, p. 118-335 ; Iroko, Abiola, Félix, 1984, "Le spectacle de la mort à Cotonou des origines à nos jours : un essai de l'histoire des mentalités", in le mois en Afrique n° 227-228 ; Smadja, M. , 1991, Les affaires du mort (Tamberma, Nord Togo), in Le deuil et ses rites, II, p. 57-89 ; etc. [6] T. Nathan et L. Hounkpatin, La parole de la forêt initiale. Paris, Odile Jacob. Repris en édition de poche sous le titre La guérison yoruba , Odile Jacob, Opus, 1998 ; T. Nathan, "Le défunt, lancêtre et le bébé" in sous la direction de Ruth Scheps : La fabrication de la mort. Paris, Synthelabo, Les empêcheurs de penser en rond, 1998. [7] Cf par exemple Jamous, M. J. , 1994, "Fixer le nom de l'ancêtre (Porto-Novo, Bénin)", le deuil et ses rites, III, 13, p 121-157.
[9] Cf le beau livre de Louis-Vincent Thomas sur le Cadavre Paris, Ed. complexe, 1981. [10] Guérisseurs traditionnels béninois. Babalawo signifie en yoruba "maître du secret" ; alors que les étymologies couramment proposées du mot bokonón renvoient à la possibilité de lire les poussières des morts cest-à-dire le sable. [11] Nous nous sommes très longuement expliqué sur ce type de théorie dans un livre écrit en collaboration avec C. Lewertowski : Soigner le virus et le fétiche. Paris, Odile Jacob, 1998. [12] Je ne peux que renvoyer ici aux études sur la sorcellerie congolaise, notamment : Buakasa Tulu Kia Mpansu, 1973 : Limpensé du discours. Kindoki et nkisi en pays kongo du Zaïre. Thèse, Kinshasa ; Presses Universitaire du Zaïre UNAZA -CEDEF .
[14] Comme chez plusieurs peuples dAmérique du Sud, les Cashinawas, les Yanomam, les Guayakis Cf Biocca E., Yanoama. Paris, Plon, 1968; Clastres P., Chronique des indiens Guayaki. Paris, Plon, 1972; Lizot J., Le cercle des feux. Paris, Le Seuil, 1976, etc. Curieusement, ces pratiques rituelles que lon rencontre chez certaines populations dAmazonie évoquent les "pulsions cannibaliques" que Freud attribue aux mélancoliques : "Nous avons ailleurs émis l'idée que l'identification est le stade préliminaire du choix d'objet et la première manière, ambivalente dans son expression, selon laquelle le Moi élit un objet. Il voudrait s'incorporer cet objet et cela, conformément à la phase orale ou cannibalique du développement de la libido, par le moyen de la dévoration. Abraham a sans doute raison de rapporter à cette relation le refus d'alimentation qui se manifeste dans les formes sévères de l'état mélancolique". Freud, Freud S., 1915, "Deuil et mélancolie"; in Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1968, p. 159. [15] Freud S., 1915, "Deuil et mélancolie"; in Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1968. [16] "Si l'on écoute patiemment les multiples plaintes portées par le mélancolique contre lui-même, on ne peut finalement se défendre de l'impression que les plus sévères d'entre elles s'appliquent souvent très mal à sa propre personne, tandis qu'avec des petites modifications elles peuvent être appliquées à une autre personne que le malade aime, a aimée ou devait aimer. " Freud, op. ci., p156.
[18] Groupe ethnique du Sénégal.
[20] Jai présenté une description plus détaillée de ce cas dans Nathan T., " Rituels de deuil, travail du deuil. Prolégomènes à une ethnopsychanalyse du traitement du mort et de l'endeuillé " in T. Nathan ed., Rituels de deuil, travail du deuil. Grenoble, La Pensée sauvage, 1995 ; quant au travail de cette guérisseuse, on pourra en trouver une description détaillée dans Andoche J., "Une désenvoûteuse réunionnaise: Mamie Louisa." Nouvelle Revue d'Ethnopsychiatrie, N° 24, 1994, 19-44.
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