../Paris 8/UFR7/Aide psychologique aux familles migrantes/EA2034

 

 

 

 

Auteur

Fatima Guessoum

Titre

Pour une introduction à une approche plurimodale en psychothérapie (À propos de six années d’expérience auprès des boulimiques et des phobiques (agoraphobie, claustrophobie, phobie sociale…)

Diplôme

Thèse de doctorat en Psychologie [Psychologie Clinique et Psychopathologie]

Directeur de recherche

Tobie Nathan

Jury

Tobie Nathan (Paris 8), Alain Blanchet (Paris 8), Alain Houlou (Lille 3)

Date de soutenance

30 octobre 1999

 

Décision

Mention très honorable.

 

 

 

 

RÉSUMÉ

Notre présente recherche sur la métamorphose du désir dans les troubles des conduites alimentaires (boulimie) et les phobies (agoraphobie, phobie sociale) cherche à cerner l'origine de la dépendance à l'objet.

Ces troubles qui possèdent leurs propres modalités organisationnelles liées à la personnalité de chaque individu, et qui ne procèdent pas de la même classification nosographique, ont cependant une caractéristique commune : Le lien de dépendance à l'objet.

a) La dépendance à l'objet nourricier, (nourriture sucrée, salée) avec son versant, la peur panique des formes chez les boulimiques.

b) La dépendance à l'objet phobogène vécue comme anxiogène dans le cas des phobies (agoraphobie, claustrophobie, phobie sociale).

Ces objets chargés d'un sens particulier établissent un lien entre le monde extérieur et la réalité intérieure de l'être. Dans cette forme de dépendance, nous retrouvons une relation particulière qu'entretient Ie sujet vis à vis de soi, de son corps, des personnes et des objets générant par-là des rituels qui sont autant de symboles recouvrant des significations et des implications différentes.

Vu l'étendue et la complexité des nosologies abordées, et par souci de cerner au mieux ce lien de dépendance à l'objet, notre étude s'est donnée comme objectif majeur d'élucider dans la première partie les fondements épistémologiques des conduites addictives (Boulimie) par une approche multimodale, associant les théories anthropologiques, cognitivo-comportementales, psychanalytiques, philosophiques et neurobiologiques.

À travers ces concepts, nous avons d'abord cherché à cerner l'origine du vide jamais assouvi, vide lié à la quête incessante de la satisfaction qui se referme inlassablement sur le manque. L'origine de ce manque serait liée à la recherche de sensations et peut paraître comme l'un des facteurs favorisant la compulsion alimentaire.

Cette modalité d'expression associant le plaisir du goût, le remplissage, la diminution des tensions contribue à une régulation affectivo-émotionnelle, car c'est la rupture de cet état qui favorise la répétition.

Cet apport extérieur substitut du manque dont le sujet éprouve le besoin afin de rétablir un équilibre qu'il ne peut trouver au niveau de ses propres ressources et qui relèverait d'un déficit de la sensation – la non-stimulation cutanée, serait à l'origine d'un grand nombre de troubles psychologiques voire de perturbations durables, ainsi que l'ont démontré les recherches sur la privation sensorielle.

Ainsi, la stimulation revêt une importance capitale dans le développement de l'être humain et dans la survie de l'espèce animale. Les découvertes contemporaines confirment l'importance attribuée à la stimulation cutanée.

" L'homme de par sa continuité biologique est largement tributaire des communications cutanées ". Et c'est encore la stimulation affective émotionnelle qui permet la mise en place du corps perçu comme corps identifié.

Nous avons ainsi, d'un point de vue pratique, établi une corrélation dans nos prises en charges thérapeutiques entre le trop de stimulations cutanées et l'absence de stimulation cutanée dans deux cas de phobie : Phobie sociale et phobie d'impulsion.

Ces études de cas qui, initialement ne devaient pas faire l'objet de notre recherche, viennent renforcer notre précepte autour de la sensation dont l'importance est vitale.

Le postulat sur lequel est fondée notre approche de la sensation relève d'une démarche pratique ayant comme primat l'expérimentation d'une palette d'exercices (Relaxation, visualisation, respiration diaphragmatique, désensibilisation systématique, immersion, approche corporelle par le toucher, etc.).

Notre seconde partie comporte deux étapes, à savoir :

1, La première étape correspond à une prise en charge thérapeutique classique où sont abordées l'anamnèse et l'analyse fonctionnelle qui permettent de cibler les problèmes clés autour desquels s'oriente la thérapie.

2, La seconde étape s'articule autour de la rencontre de l'objet in situ, c'est à dire sur le terrain. Cette forme d'approche qui se réfère à la technique comme substrat, nous permet de vérifier les propriétés qui se rapportent au vécu de l'expérience immédiate. Comme nous le savons, certains comportements n'apparaissent qu'en présence du stimulus déclencheur. En cela, l'immersion considérée comme un rituel qui tire ses origines des thérapies dites traditionnelles permet par le retour aux sources de l'objet, de modifier le comportement dont le but est l'autonomisation. Dans cette forme d'approche, il s'agit de l'interaction sujet-objet qui contient toutes les propriétés circonscrites à un ensemble comportementale unique.

Partant de cette rencontre in vivo, nous sommes ainsi en mesure d'objectiver la signification que revêt la capture de l'objet dans le cas de la boulimie et l'évitement de l'objet phobogène dans le cas des phobies.

- De saisir la manière dont le sujet affronte l'objet qu'il est s'est construit : Objet fusionnel dans le cas de la boulimie et objet d'évitement dans le cas des phobies.

- L'immersion ou rencontre de l'objet sur le terrain dont le principe est basé sur le déconditionnement, à savoir l'extinction des réponses anxieuses, qui a prouvé son efficacité dans les phobies (Agoraphobie, claustrophobie, phobie sociale...).

Partant de ces critères d'efficacité des traitements par exposition restreinte au seul champ des phobies, nous avons transposé ce modèle d'approche dans les troubles du comportement alimentaire (Boulimie) qui s'est avéré très efficace dans 80 % des cas traités.

Nous pensons, d'après notre expérience auprès de boulimiques et d'agoraphobes, que la prise de conscience intellectualisée ne suffit pas à débarrasser le phobique de sa peur irrationnelle, ni le boulimique dc l'emprise de l'objet nourricier.

De ce fait, la prise en charge thérapeutique doit dépasser le seul cadre institutionnel et doit s'insérer dans une approche globale.

 

 

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