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Auteur

Ling Fang

Titre

La tradition sacrée de la Médecine Chinoise ancienne. Étude sur le Livre des exorcismes de Sun Simiao (581-682)

Diplôme

Thèse de doctorat en anthropologie et en sciences des religions

Directeur de recherche

Kristofer Schipper

Jury

Kristopher Schipper (Directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Études, directeur de la thèse, Catherine Despeux, Professeur à l'INALCO, Marc Kalinowski, directeur d'études à l'EPHE, Tobie Nathan (Professeur à Paris 8), Pierre-Étienne Will, Professeur au Collège de France

Date de soutenance

21 juin 2001

 

Décision

Mention très honorable, félicitations du jury.

 

 

 

 

RÉSUMÉ

FANG Ling : La tradition sacrée de la médecine chinoise ancienne : étude sur le Livre des exorcismes de Sun Simiao (581-682), thèse de doctorat soutenue le 21 juin 2001, sous la direction de Monsieur Kristofer Schipper, Ecole Pratique des Hautes Etudes, Section des Sciences religieuses

La thèse porte sur le Livre des exorcismes (Jinjing), qui constitue une partie d’un des grands manuels classiques de la médecine chinoise intitulé Complément aux Prescriptions valant mille onces d’or (Qianjin yifang) et qui a été compilé par le médecin Sun Simiao (581-682).

Cette étude est organisée en trois parties. La première est introductive et comporte deux chapitres : le premier dégage d’une manière relativement succincte les principaux repères historiques de l’évolution de la médecine sacrée chinoise depuis l’antiquité jusqu’au milieu du XVIIe siècle, époque à laquelle elle a été supprimée dans le cursus de l’académie impériale ; le second s’attache à reconstruire une biographie de Sun Simiao, en mettant l’accent sur le processus de sa mythification et l’émergence de son culte.

Une traduction intégrale et annotée du Jinjing, établie à partir de la plus ancienne version existante qui date de 1307, constitue la deuxième partie. La troisième partie, composée de deux chapitres, cherche à analyser la représentation étiologique et thérapeutique des rituels.

La pratique de l’exorcisme qui s’est perpétuée jusqu’à l’époque contemporaine doit être considérée comme partie intégrante de la médecine chinoise traditionnelle dès le IIe siècle avant notre ère et probablement bien avant cette date. Mais jusqu’ici, pour des raisons de positivisme scientifique et de politique, le Jinjing, premier traité complet de médecine sacrée qui soit parvenu jusqu’à nous, n’avait jamais été traduit et n’avait fait l’objet d’aucune étude approfondie. Notre première exploration veut avant tout rendre à ce texte la place qu’il mérite. Dans cet esprit nous avons traduit intégralement le Jinjing et mené une étude, aussi complète que possible des sources de ce grand traité. Dans l’analyse qui vient à la suite, nous avons procédé à un essai de synthèse sur le champ pathologique, les agents pathogènes (démons), les guérisseurs (divinités) et les rituels. En reprenant certains passages nous paraissant contenir des éléments nouveaux, nous nous sommes attachée à en expliciter la profondeur historique et anthropologique.

A travers l’étude des sources et du texte, nous avons pu préciser le contenu du Jinjing : les deux cent-quatre rituels sont destinés à l’initiation, au diagnostic, à la thérapeutique et à la prévention. Dans ce fonds religieux, pour certaines méthodes, l’origine taoïste est clairement indiquée, tandis que pour d’autres le bouddhisme, surtout le bouddhisme tantrique, a été mis à contribution. Toutefois la grande majorité des rituels provient du fonds général de la pratique thaumaturgique traditionnelle.

Par l’examen de la représentation étiologique du Jinjing, nous constatons que Sun Simiao a classé une trentaine de maladies en seize catégories. Il s’agit essentiellement des maladies épidémiques, des affections cutanées, des accouchements difficiles, des symptômes des troubles mentaux et psychiques, des blessures, des morsures, des ennuis familiaux, des ensorcellements. Le champ pathologique couvert par le traitement exorciste est restreint et, à l’exception des deux catégories qui relèvent des relations familiales et de l’ordre social, la plupart des maux font également l’objet de prescriptions dans la médecine de l’harmonie intérieure de l’époque. Il nous a semblé que l’approche des diagnostics ou pronostics rétrospectifs ne suffit pas pour expliquer cette alternance, il est préférable de chercher la logique du traitement exorciste davantage dans la construction théorique autour des maladies où l’on voit bien que les causes sont à rechercher du côté du monde extérieur et du domaine diabolique. La maladie est pensée en termes de rapports avec les dieux, les ancêtres, la famille, l’environnement géographique et social du patient.

L’analyse de la représentation thérapeutique, montre la cohérence de la médecine des exorcismes entre théorie et pratique. Les techniques sont désignées ou interprétées avec une idée précise : faire venir et retenir des forces divines et chasser ou tuer les esprits diaboliques pathogènes ; la plupart des rites sont chargés de ce double sens et le déroulement des rituels est structuré par cette pensée. A travers le commentaire détaillé du rituel du type kaozhao fa, " méthode de convocation et interrogation ", on voit que l’interprétation étiologique de la possession diabolique permet de rendre visibles les invisibles et que l’implication d’un objet-substitut dans les rites du sacrifice a une efficacité importante à bien des niveaux de la thérapie. Au-delà du système symbolique, nous avons véritablement affaire à une médecine qui cherche avant tout à guérir par l’esprit.

Que peut apporter l’étude de la tradition de la médecine sacrée à une ethnopsychiatrie chinoise ? De façon préliminaire nous pouvons relever l’intérêt thérapeutique de l’étiologie diabolique et des techniques rituelles. Dans l’optique du Jinjing le malade n’est jamais considéré comme responsable, et encore moins coupable du mal qui le terrasse. La maladie peut donc être considérée comme totalement injuste par celui qui la subit et les problèmes que nous dirions psychiatriques sont de tous points de vue considérés comme des maladies comme les autres.

 

 

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