Le monde juif
traditionnel contemporain, c’est-à-dire celui qui recourt
aux concepts de la Thora pour se penser et penser les
événements, ne s’est que fort peu intéressé à la Shoah.
Les quelques interprétations proposées sont souvent anciennes
– bon nombre datent de l’époque de la Shoah – et ne donnent
pas lieu à des innovations ; elles n’intéressent que peu
les penseurs de la tradition juive contemporaine au regard
de leur foisonnante production. De leur côté, la psychiatrie,
la psychologie et même la psychanalyse s’intéressent depuis
fort longtemps à la Shoah et aux internés en camp de concentration
– le point le plus marquant étant la création du Syndrome
du survivant des camps de concentration à la fin des années
1950. Mais ni le fameux syndrome, ni pratiquement aucun
des textes, des manuels, des articles traitant des survivants
de la Shoah, ne mentionnent l’identité juive des patients
de manière scientifiquement pertinente. Pourquoi
chercher à combler ces lacunes de part et d’autre ? Pourquoi
a-t-on besoin de faire se rencontrer la discipline « psy
» et l’univers de la pensée juive ? L’auteur, responsable,
au Centre Georges Devereux à l’Université de Paris 8,
de dispositifs cliniques de recherche en psychothérapie
des survivants et descendants de survivants de la Shoah,
expose les raisons de cette réflexion et soumet des propositions.
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le texte intégral —>
Nathalie Zajde est Maître
de conférences en psychologie à l’Université de Paris 8
Saint-Denis. Responsable de recherche et clinicienne au
Centre Georges Devereux, chercheure en délégation au Centre
de recherche français à Jérusalem de 2007 à 2009. Spécialiste
du traumatisme psychique, elle a créé en France les premiers
dispositifs cliniques de recherche pour les survivants et
les descendants de victimes de la Shoah en 1990. Elle a
publié deux ouvrages de référence : « Enfants de f?survivants
» (1993), et « Guérir de la Shoah » (2005) aux
éditions Odile Jacob. Lors de son séjour en 2003-2004 dans
la région des Grands-Lacs (Burundi et Rwanda), elle a créé
et fait fonctionner un centre universitaire de recherche
en psychologie clinique du traumatisme à l’Université du
Burundi à Bujumbura. Elle a créé avec le Docteur Ulman en
novembre 2005, à l’hôpital psychiatrique de Beer Yaacov
(sud de Tel Aviv), une consultation d’ethnopsychiatrie destinée
à la prise en charge des patients d’origine éthiopienne
– actuellement soutenue par le gouvernement israélien dans
le cadre d’un programme de recherche. À la suite des massacres
du 28 septembre 2009 en Guinée, elle a créé et anime à Conakry
une cellule psycho-sociale spécialisée dans la prise en
charge des survivants, des femmes violées.
Ses principaux thèmes de recherche sont : ethnospychiatrie
; traumatismes de masse et individuel (génocide, guerre,
catastrophe naturelle, violence domestique) ; dispositifs
psychothérapiques ; prises en charge des minorités sociales
et culturelles ; psychopolitique.